après le boulot- PV Libre

Journée foireuse ! Dès l’aube, tu avais pressenti que tu aurais eu meilleur temps de demeurer au lit. Sensation qui ne te quittait guère, grattant ton subconscient. Absolument rien ne se passait comme tu le désirais ! Plus de papier lorsque tu t’étais rendu aux toilettes – heureusement un rouleau avait survécu dans l’armoire, tu t’étais ébouillantée avec ton thé du petit-déjeuner avant de te renverser du lait sur ton pyjama et pour couronner le tout tu ne retrouvais plus ta brosse à cheveux ! Il y avait mieux pour débuter, n’est-ce pas ? Sans oublier les adorables piaillements de Jaëlle te sermonnant de bouger ton magnifique popotin pour dénicher un boulot, histoire de payer les factures. Gé-ni-al ! C’est donc exaspérée que tu avais parcouru la ville toute la journée, enchaînant les rendez-vous impromptus au sein des entreprises new-yorkaises. Sans succès, évidemment. Pas un seul foutu entretien ! Pire encore : ton CV finissait probablement tout en bas des piles déjà monstrueuses qui s’entassaient sur les bureaux des secrétaires administratives.

Dépitée, en voyant la fin de cette interminable journée poindre, tu décrétas qu’il était l’heure d’une pause bien méritée. Etant donné que tu étais à Brooklyn, tu décidas de bifurquer vers un bar plutôt sympathique où tu avais tes petites habitudes. Rien de tel pour te revigorer ! Mais alors que tu t’approchais de l’entrée du bâtiment, les yeux rivés sur ton objectif, tu sentis une collision plutôt violente contre ton épaule, t’arrachant un gémissement plaintif alors que la malheureuse – bien que tu fusses la réelle victime – vit le contenu de son sac se déverser sur le sol. « Oh pardon…je suis désolée. » sourit contrit de ta part, tu aurais largement pu la laisser se dépatouiller avec ses affaires et lui envoyer un doigt d’honneur en guise de réponse, tant tu étais exaspérée. Mais… tu n’étais pas ce genre de filles, Billie. « Ca ne fait rien ! Ca arrive à tout le monde ! » débutas-tu avec politesse malgré ta fatigue. « Je vais vous aider. » rétorquas-tu ensuite avant de t’abaisser à ton tour pour l’assister dans cette tâche ingrate qui consistait à rassembler ses affaires éparpiller, sous les yeux amusés des passants.

Une fois que vous finîtes par tout ramasser, ce qui ne dura heureusement que fort peu de temps, tu lui tendis un dernier précieux objet : ses clefs. « Je pense que vous en aurez besoin. » suggères-tu en lui souriant, vraisemblablement apaisée d’avoir secouru une parfaite inconnue. Du moins, c’est ce qu’il te semblait. Jusqu’à ce que tu daignes te souvenir brièvement de son visage. « Attendez… on ne se serait pas déjà rencontrées ? » l’interrogeas-tu, ne parvenant pas à la replacer immédiatement. Il faut dire que des uniformes, à l’hôpital, tu en avais croisé régulièrement. Et bien qu’elle ne portât pas la blouse blanche – mais celui très sexy des pompiers – ton esprit n’arrivait pas à amasser les morceaux manquants de cet énigmatique puzzle.

Parfois, les galères s’enchainaient et rien ne se déroulait comme espéré. Le parfait exemple était aujourd’hui où tu ne cessais de te maudire de ne pas être restée au lit plutôt que de subir les affres de ces interminables dépôts de curriculum vitae – dont tu n’ignorais pas le résultat probablement négatif, étant donné les réactions de tes interlocuteurs. Cela dit, la brune qui se trouvait dans un contexte peu enviable à son tour – ses affaires éparpillées sur le sol – ne paraissait aucunement être sur une meilleure journée que la tienne. Cela te permit de relativiser, malgré tout : tu n’étais pas la seule à morfler ! De plus, tu t’estimais chanceuse de ne pas t’être retrouvée dans une situation similaire à la sienne. Au moins, les passants n’avaient pas à te prendre en pitié, toi ! « Sale journée, hein ? » soufflas-tu tandis qu’elle venait d’exprimer que ses pensées s’avéraient brouillées, en ce moment-même. Vraisemblablement, elle ferait mieux d’aller se coucher pour passer à demain ! De cette façon, elle n’aurait pas à subir davantage le mauvais karma qui s’abattait sur elle.

Tu la dévisageas encore un instant, cherchant dans ton esprit embrumé à quel instant de ta vie tu avais pu croiser sa route. Rien. Le néant. A croire que tu nageais en pleine obscurité et sans pagaie. Tu finis par soupirer, un rictus contrit s’affichant malgré toi, frottant ton front de tes doigts avant de rire légèrement. « J’suis désolée, je n’arrive pas à vous replacer non plus. Peut-être que j’vais avoir un éclair de lucidité après quelques verres ! » lanças-tu avec entrain, remettant ton sac à main sur ton épaule, avant d’effectuer un « au revoir » de la main. « Bonne soirée à vous. » lui exprimas-tu avec un doux sourire, tournant aussitôt les talons pour t’enfoncer dans le bar où tu avais bien l’intention de boire jusqu’à plus soif. Histoire de décompresser !