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(lance) à décroisser la lune

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elles hurlent, les harpies, elles agonisent, sentent que je les brûle de nouvelles flammes. créatures infernales qui auraient aimé rester en ces champs familiers, qui auraient aimé pouvoir me susurrer à l'oreille torturée un million d'autres douleurs, juste pour me voir me réfugier à nouveau en l'île solitaire. plages abandonnées, et en leur sable gisaient bien trop de bouteilles, et aucune à la mer ; seulement des messages à moi-même, des missives assassines. combien de nuits avais-je gâché, et en combien d'entre elles m'étais-je demandé, dans un rare instant de lucidité, s'il n'aurait pas mieux valu tout arrêter, mettre fin à ces bouts de rideaux noirs qui déchiraient ma vue ? j'y avais pensé plusieurs fois, j'avais songé à tirer le rideau pour de bon, à ne plus laisser la place au moindre panorama d'espoir ; l'espoir était naïf, l'espoir était une montagne inatteignable aux horizons, et j'étais alors convaincu qu'il faudrait compter en années le temps qui s'écoulerait lors du trajet. et quand bien même ! comment être certain que derrière les pics se cachait le soleil ?

non, il avait fallu un déclic, un regard apeuré lors d'un soubresaut de silhouettes, quelqu'un qui m'avait vu m'échapper à moi-même, prisonnier en cavale de mes propres idées noires, armada des chevaux d'apocalypse qui m'avaient martelé le crâne de leurs sabots d'onyx. il avait fallu la motivation, la conviction que chaque matin l'aube se lèverait, et puis pas mal de stylos, pour signer les documents. feuilles complétées, froissées, jetées, puis de nouveau imprimées, complétées. impact significatif sur les poumons de la planète, à n'en pas douter ; et puis, j'avais fermé une enveloppe, adressé les excuses à cette âme si belle que je l'avais enlaidie de mes propres martyres, et m'étais dépêché pour ne pas louper la première réunion. première réunion suivie de pléthore d'autres, comme s'il fallait chaque semaine se convaincre de l'utilité des deux heures et demie passées en compagnie de ces inconnus aux esprits fracturés, comme le mien. comme s'il y avait la guérison, au coeur même des mots que l'on échangeait, de ces histoires sordides de liqueurs et d'abandons. et puis, un jour, je m'en étais convaincu. je l'avais vu dans les yeux d'un des patients de la clinique clandestine ; même au coeur de sa tempête à lui, il y avait eu cette lueur, légère et diffuse mais suffisante pour que je comprenne. j'allais mieux. impossible de savoir si c'était uniquement l'usufruit des bouteilles délaissées, ou bien de ces mots que je prononçais, de pardon, de dégoût, d'admission. mais il y avait quelque chose qui me laissait croire que j'étais en bon chemin pour être sauvé.

"bonne soirée à toutes et tous. merci... pour ce soir, encore." si l'usage des alcools avait quitté le quotidien, il restait ces habitudes, le regard trop sombre sur un monde qui s'épenchait pour me séduire, et puis ma chaise qui crissait avant les leurs, juste pour quitter les nuages sombres, par peur de voir surgir une tempête qui me replongerait sous les flots. mais rien de tout ça n'arrivait ; alors, parfois, je restais sur le parvis, j'allumais une cigarette, je discutais avec ceux qui comme moi n'avaient pas renoncé à toutes leurs addictions. on traitait un problème à la fois, chantonnait l'animatrice. continuez le tabac si vous voulez, tant que vous arrêtez l'alcool. c'était sympathique, comme mantra, et rassurant, car finalement on n'abandonnait pas tous nos fantômes, ce qui ne leur laissait pas la possibilité de nous hanter. pas d'autres fumeurs ce soir, néanmoins, alors je m'assois sur les marches, braises qui crépitent dans l'obscurité, et deviennent cendres, les yeux vissés sur les trottoirs qui fourmillent encore de monde, malgré les neufs coups d'horloge, malgré le crépuscule qui s'est déjà solidement arrimé dans les abysses, nuit qui vient recouvrir la ville d'un silence assourdissant de bruits.

@Lance Monroe
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(OOTD) | Fatigué et à moitié débraillé – en tous cas pour le beau monde richement vêtu où il a grandit, le type – il sort de la clinique. Peut enfin offrir son visage à l'air de la ville, certes dégueulasse de pollution, mais frais sur sa peau échauffée par des heures sous un masque, qu'il n'enlève jamais, pour dissimuler son identité. Il lui arrive de se dire qu'il va l'arracher, ce masque, et tant pis pour son anonymat. Mais ce serait mettre ses collègues en danger, en plus de risquer de plonger. Hors de question d'entrainer les autres dans une chute dont il ne veut même pas, en vérité. C'est pas derrière les barreaux d'une cellule, avec un camarade de chambrée sans doute trop en manque pour le bien de ses fesses même s'il n'a rien contre les rapprochements entre peaux masculines, l'homme, qu'il pourra continuer à aider ceux qui ont besoin de lui. Besoin de cette clinique et de tous les médecins qui s'y trouvent, à risquer leur licence pour faire leur putain de boulot: celui de sauver des vies sans y mettre de prix. Mais l'argent compte bien trop, partout, à commencer par ce pays, pour que la vie n'ait pas de prix. Et tant pis pour ceux qui ne peuvent pas aligner les billets.

Chaque fois qu'il sort de là, Lance, son esprit tangue un long moment. Se déchire. Entre la satisfaction d'avoir soulagé, aidé, écouté des gens à qui on ferme les portes parce qu'ils n'ont pas assez de vert sur eux ; que ce soit en billets ou sur une foutue carte de citoyenneté. Et l'écœurement qui suit ce constat: on laisse souffrir et mourir des gens parce qu'ils ne peuvent pas payer. On sacrifie des vies sur le répugnant autel argent. Ca l'écœure. Ca l'éloigne encore plus des lumières et des sourires factices du Manhattan huppé dans lequel il est né. Cuillère en argent, qu'il a préféré cracher il y a des années. Cage dorée dont il s'est échappé, conscient de la chance de pouvoir choisir malgré tout, contrairement à beaucoup.

Perdu dans ses pensées, la silhouette sombre assise sur les marches, il ne la voit que du coin de l'œil. Braise ardente au bout d'une tige qui crève la pénombre et illumine un instant la face du fumeur. Lance s'arrête quelques pas plus loin. Fronce les sourcils en se retournant. Ce visage... il le connait. Les sourcils se froncent un peu plus, alors qu'il observe mieux le profil à quelques pas. Santiago. Quelques gens lui souhaitent bonsoir, lui lancent à la semaine prochaine, en sortant de... Le regard de Lance remontent le long de la facade en vieilles briques.

Cet immeuble aussi, il le connait. Pour y avoir accompagné un patient à sa première réunion des alcooliques anonymes. Le type n'était pas sûr d'avoir le cran et la foi de pousser la porte, si personne n'était là pour s'assurer qu'il le ferait. C'était ce qu'il avait avoué à Lance, à la clinique, en même temps que son envie de tenter le coup. De saisir une chance de s'en sortir. Alors il lui avait proposé de l'accompagner. Et l'avait attendu sur ces mêmes marches, pendant quelques heures. Pas grand chose en soi. Essentiel, pourtant. Le temps. En profiter. En donner. Tout faire pour ne pas le perdre. Ne plus le gâcher. Le type était ressorti de là avec l'air d'avoir pris un semi remorque sur la gueule – un peu comme Santiago ce soir, avec sa clope au bec – et en même temps, un étrange sourire aux lèvres. Bancal, fragile, mais là. Et il retournait chaque semaine depuis, affronter l'enfer pour forger dans son feu une vie nouvelle. Est-ce que c'était pour ça que Santiago était là ?

Les quelques retardataires dispersés au gré du vent, Lance s'approche des escaliers. S'assied en silence à côté de son collègue. Son boss. Son ami... ? Pas encore. L'entente est cordiale, l'estime pour le talent et le boulot effectué sans doute partagée, sinon Tiag' aurait viré le blanc bec depuis longtemps... mais ils ne se connaissent pas vraiment. Pas encore.

— "Salut, Santiago. J'peux te prendre du feu ?"

Il a un briquet dans sa poche, mais ça, l'autre n'a pas besoin de le savoir. Comme lui ne va pas balancer la question qui lui trotte dans la tête sans préambule. Pas de ronds de jambes pour autant. Juste milieu, curseur difficile à ajuster parce qu'il sait l'ombrageux penseur bien trop intelligent pour ne pas penser qu'il s'est arrêté pour autre chose que partager une tige à cancer entre professionnels de santé. Mais y a quand même un protocole à respecter. Ca fera l'affaire. Pour commencer.

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@Santiago Montero
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nuit qui tombe un peu plus, le regard vissé sur deux éléments du décor : la cigarette qui crépite, offre une faible lueur à la tombée des lumières, et puis mes pompes de ville, trop noires, trop sales, bien loin était le temps du cirage hebdomadaire, les samedis. je m'en souviens encore ; les rires, les discussions, les mains qui se chevauchaient, baisers tendres, l'odeur de la cire, et puis son odeur à lui. il n'avait pas tout volé ; les mémoires restaient, prégnantes, glaçantes et pourtant si chaleureuses. les nuits avaient été solitaires, même en bonne compagnie, même en mauvaise compagnie. il n'y avait eu pour amante régulière que la maîtresse des alcools, cette fichue dame qui s'amusait à m'empourprer de ses carcans, à me glisser sous ses tissus, en rendant l'horizon flou, en rendant le lendemain difficile. il n'y avait eu que les gueules de bois, pendant longtemps, et puis la tentative vaine de les étouffer avec toujours plus de rails sur la table basse. les rails de poudre blanche, le long des ronds de verre marqués dans le bois. il faudrait tôt ou tard que je fasse un détour par un magasin de mobilier, que je glisse dans un caddie géant une table en verre, et puis d'autres meubles, pour remplacer les nôtres, les siens. que je trouve des nouvelles couleurs à accrocher au mur, pour oublier les tableaux qui y avaient gît. que je trouve aussi de nouveaux papiers peints, pour que la maison ne soit plus la sienne, que je puisse retrouver un peu de moi dans un monde où tout me semblait étranger, après deux ans d'absence, dans un monde où je ne voyais plus tout à fait le soleil de la même façon, après m'y avoir cramé les rétines de trop nombreuses fois, les cils lourds d'alcool, les pensées immobiles. et puis, cette voix-là me semble familière, réveille en écho des moments précédents. je lève les yeux, dans l'ombre ne voit d'abord que la silhouette, puis tout le reste. "salut, Lancelot." j'ai envie de lui demander s'il s'est égaré, envie aussi, pourquoi pas, de savoir s'il venait pour une réunion. même les garçons souriants ont des secrets tristes. chacun sa boîte à musique. mais j'me tais, farfouille dans mes poches, en sort le graal, sous forme de récipient à butane. "tiens." j'attends quelques secondes, voit son visage s'éclairer d'une aube fiévreuse alors que la flamme consume le bout de sa cigarette. je ne savais pas qu'il fumait. ou bien peut-être que je le savais, que je n'y avais juste pas vraiment prêté attention ; peut-être même qu'il m'avait déjà demandé de le dépanner, un soir de disette, ou un soir d'urgence où il s'était pointé à st-harry en chevauchant le bitume, grand pas après grand pas, pour arriver sans le paquet de cigarettes en poche. pourtant, je lui dis. "je ne savais pas que tu fumais. c'est une sale habitude, hein ? mais ça fait du bien, parfois. souvent." et puis mes yeux retrouvent les chaussures, les marches, parce que j'ai pas envie qu'il regarde autre chose que le sol, parce que j'ai peur qu'il comprenne ce que je fais là. je pourrais toujours mentir, dire que j'accompagne un ami - la bonne blague, je n'en ai plus aucun. ou bien que j'attends quelqu'un. prétexter un rendez-vous amoureux, peut-être que ça le gênera. peut-être que ça le fera rougir, dans le noir. mais je n'aime pas mentir. alors, je préfère jouer, comme les bouteilles, prendre leur rôle, offrir distraction. "il y avait du monde hier soir, à la clinique ? j'ai pas écrit à Abhi pour vérifier." fin sourire sur les lèvres, yeux qui retrouvent yeux, échange tacite. ne me pose pas de questions sur l'endroit. contente-toi d'une réponse ciselée au burin, sculpture de Pygmalion. "c'est à croire que depuis qu'les gens du Bronx savent qu'on a un légiste, ils accourent tous. se faire passer pour mort deviendrait presque une nouvelle mode. ils doivent penser qu'on finit tous par monter aux cieux, ou par devenir des étoiles." je souffle un peu de fumée. "ils feraient mieux de lever les yeux au ciel, avec la pollution de New York, on les voit pas tant que ça, les étoiles."

@Lance Monroe
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(OOTD) | Le cynisme dont se parent les mots de Santiago lui arrache un rire, qui éclate dans un nuage de fumée gris bleuté. On en voit pas plus la couleur qu'on ne voit les étoiles, comme le brun l'a souligné avec autant d'ironie que de vérité. Et c'est ça, qui le fait rire spontanément. Cette vérité, dite toute crue, sans détours mais dans de si beaux atours qu'on en oublierait presque la triste réalité. L'ironie, l'arme des blessés, des mourants. Des étouffés de la vie, malmenés par un monde si beau que s'en est encore plus assassin qu'il soit si cruel. C'est plus les gens que le monde lui même, la cruauté. La nature est dure, c'est vrai, parfois vicieuse et fausse comme l'humain. Elle joue vraie, elle, et quand elle piège, ce n'est que pour assurer la survie d'une espèce ou d'une autre. Les Hommes ont les mêmes traits. Sauf qu'eux ont élevé une tendance naturelle au rang d'art sadique pour certains. Briser les autres, leur marcher dessus, en prétendant suivre la millénaire loi du plus fort. Ils le voient, tous les jours, dans les rues du Bronx et à la clinique, ce que la jungle de béton amène les gens à faire pour survivre, écrasés par un système qui ne leur donne parfois pas d'autre choix que de se poser en guerriers, en tueurs, pour voir un jour de plus se lever sur ce merdier. Et eux sont là pour montrer qu'il y a de la bienveillance malgré tout, dans leur enfer sur terre. Essayer de réparer, de sauver, d'aider parfois. A changer. De cap. D'habitudes. A espérer ne pas avoir sauvé une vie pour qu'elle finisse vomie dans un caniveau ou éclatée par une balle dans une ruelle sale.

— "Y en a certains que ça arrangerait bien, de pouvoir se faire passer pour morts, c'est sûr. Je peux comprendre. Puis il est sympa, le légiste. Mignon, aussi. Il bosse bien, a priori. Et ma foi, on finira tous par passer sur sa table, c'est vrai." Il hausse les épaules en tirant sur la clope. Beaucoup de mots, pour les habitudes de conversation de Santiago. Ca le titille, Lancelot. Qui sourit un brin, en repensant au salut lancé par le collègue et patron. Bien le seul à utiliser son nom complet. Peut-être qu'il aime les histoires de chevaliers, même s'il a plus l'air d'un justicier des rues à la Spawn ou Daredevil. Loin d'être aveugle, pourtant, l'homme. L'œil acéré, sur la nature humaine comme sur le monde. Trop pour son propre bien, devine Lancelot. "Il y a toujours du monde. Malheureusement. Le jour où il n'y en aura plus, c'est que soit une peste aura éradiqué la ville, soit le gouvernement sera enfin décent." Point. Il secoue la tête avec un rire bas et un rien grinçant. "Autant dire qu'on a plus de chances de voir les étoiles au dessus de NY."

La tête, couronnée de cheveux en bataille après avoir lutté pied à pied contre dame misère et son cortège de maux une partie de la nuit, avant d'être relevé par le nouveau collègue, se tourne vers Santiago. Les yeux bleus se posent sur le visage pensif et distant. Puis les lèvres lâchent une phrase :

"Tu les as trouvées au fond des bouteilles, les étoiles ? Sans doute pas plus qu'on ne les voit en levant le nez au ciel ici."

C'est brut, direct, mais un peu amorti par la rondeur du timbre et du ton. Manière de lui faire savoir qu'il n'est pas dupe. Ou de bluffer pour essayer de savoir si son intuition est la bonne. Rien chez Tiag ne laisse à penser qu'il plonge dans les eaux liquoreuses trop souvent pour son bien et celui des patients. Ou qu'il y ait sombré un jour. Mais ils ont tous leurs histoires, tous leurs secrets, les humains. Qu'ils soient d'un côté ou de l'autre du bistouri, à la clinique. D'un côté ou de l'autre des marches de béton, ici. Le regard ne quitte pas le profil ciselé, mangé par une barbe de quelques jours, qui tire sur la tige à cancer à son tour. Il pause, brève seconde le temps que l'autre percute, puis propose:

"Ca te dit qu'on se tire de la ville un moment ? Ca me fera pas de mal, d'en voir, des étoiles." Rien de séducteur, dans le ton ou les mots, suivis d'une brève explication: "Ca me manque, ici, le silence du désert. Où y avait qu'à regarder devant soi ou renverser la tête en arrière pour s'évader. Y a des coins pas si loin de la ville où on peut respirer."

Pas oublier. Juste respirer. Voir autre chose que le gris du béton, les lumières criardes, aveuglantes et trompeuses des enseignes de néon. S'éloigner des tentations, du bruit qui parasite tout. Se laisser gagner par le silence extérieur et faire taire un peu les tempêtes intérieures.

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@Santiago Montero
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enveloppé de couchers de soleil, je l'écoute me répondre, souris quand il me dit que le légiste est mignon. je crois qu'on l'a tous remarqué. son air charmant, sa stature, l'importance qu'il donne à chaque patient, les faisant se sentir... uniques ? c'est rare, un bonhomme de cette élégance dans les bas-fonds du Bronx. d'habitude, on les plume, on leur arrache les tissus et puis quelques vérités, aussi. combien de nos patients nous avaient raconté une nuit de perdition, à demander des cris à un type dépouillé, juste pour voir comment ça grognait, les riches ? il fallait toujours garder le sourire en demie-lune, espérer que le prochain n'en dirait pas tant. parce qu'ils voulaient qu'on partage, nous aussi, qu'on leur dise qu'on comprenait l'histoire, qu'on partageait les mêmes appréhensions pour l'avenir. mais ce n'était pas le cas. je détestais les figures sculpturales, je haïssais les peintures de la renaissance, et pourtant ; pourtant, les médecins de st-harry étaient un peu comme des anges qui glissaient de leurs rais de lumières pour se réfugier dans l'ombre, traiter les plaies funèbres. garantir à des âmes tristes et perdues, non pas le chemin vers le soleil, car il éblouissait, affreusement, mais au moins leur promettre ce que le système entier leur avait refusé. un droit à la décence, un droit à être considéré. même s'il fallait enchaîner les consultations, les soins, certains soirs, quand les batailles éclataient, spectacle pyrotechnique, aux quatre coins du quartier. qu'on se retrouvait à soigner à la fois Moïse, à la fois le Pharaon, qui se guettaient en chiens de faïence, espéraient pouvoir se renifler et se mordiller à la sortie. mais ils connaissaient les règles tous ; s'ils se battaient devant le néon grésillant, point de rédemption supplémentaire. la vie n'était pas un jeu vidéo et par respect pour les autres patients, nous ne pouvions pas recoudre à nouveau notre fil s'il avait été délié. fil perdu dans la conversation, d'ailleurs, brièvement, quand il évoque les bouteilles, me fait froncer les sourcils, me mordiller l'intérieur des joues. ce n'est pas très malin de s'être arrêté ici pour fumer. évidemment que le secret était trahi, surtout avec la lueur dans les yeux du chevalier du lac. pourtant, il fallait demeurer silencieux. ne rien indiquer de plus. pas de rose des vents pour lui apprendre comment m'entourlouper, comment me faire chanter sur le plus profond de mes secrets. "si tu as peur de jeter une bouteille à la mer sans avoir de réponse, tu devrais éviter le désert. ça rend la gorge sèche. ça crée des illusions. c'est sournois, comme endroit." je parle avec l'expertise de celui qui pendant des nuits s'est affalé de dune en dune, les caressant de la paume, réduisant au silence les lignes de vie qui sillonnaient la peau. je me contentais de râles de plaisirs, puis d'un peu plus de cette violence quotidienne, dans d'autres bouteilles, dans d'autres substances. si on y allait, il n'y aurait pas que les crotales pour siffler et louvoyer dans le sable. maître des fluides, que j'avais longtemps cru, et pourtant il n'en était rien ; j'étais tout au plus maître de ma déchéance, prisonnier des ombres que j'avais laissé s'enchaîner à mes chevilles. "je ne suis pas de garde à st-harry avant deux jours. ça devrait me laisser le temps d'aller voir les étoiles." c'était ingénieux comme plan, juste pour appréhender ce que l'autre avait capté, et le faire taire au besoin. pas de recours aux poings envisagés, non, s'il le fallait, je déclinerais toute responsabilité. ce n'était pas le premier à penser m'avoir piégé dans une trappe faite de monstres et de cyclopes ; je n'avais eu qu'un oeil pendant suffisamment longtemps pour apprendre à me méfier même de ceux qui jouaient les hérauts. "et tu m'en diras plus sur le fond des bouteilles, en chemin. tu as une voiture, où est-ce qu'il faut qu'on passe chercher la mienne ?" levée de toute ma silhouette, qui se dresse face à la tienne, équivalente, deux esquisses dans l'ombre qui tombe, mes iris plantés dans les tiens, invasion florale d'une demie seconde, le temps de voir si tu sourcilles, avant d'écraser mon mégot. "allez, on y va."

@Lance Monroe
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(OOTD) | Côte à côte, d'abord. Face à face, à présent, les iris sombres de Santiago plantés dans les siens. Si sombres, dans ce visage buriné par des épreuves inscrites en langage secret à travers les marques que le temps, et tout le reste de ce que Lance ignore, y ont creusées. Il est presque émacié, le beau visage du sauveur des délaissés. A croire qu'à dédier son temps aux autres, lui s'est perdu en chemin. Qu'il a plongé, d'une manière ou d'une autre. Peut-être pas celle que son spot de naufrage de ce soir laisse à penser. Mais, malgré l'air maitre de lui, l'air de défi presque, affiché sur le masque qu'il offre au regard de l'autre, il a l'air fatigué, le toubib.
Un demi sourire étire les lippes de Lancelot, qui tire une dernière bouffée sur la clope avant de l'envoyer rejoindre le mégot abandonné sur le trottoir par Tiag. Et une moue anime la bouche avant que les mots ne suivent :

— "Deux jours ? On a même le temps d'y arriver à pieds, si c'est ça. Je t'aurais plus imaginé en moto mais va pour ta bagnole."

Il sourit un peu plus, le bleu des yeux devient rieur, un instant. Puis brise le fil entre leurs regards, en prenant non pas la tangeante, mais le chemin vers ailleurs. Où ? Il ne sait pas encore et il s'en moque, en vérité. Décision est prise de laisser Santiago choisir l'endroit où ils vont échouer. Pas inquiet pour deux sous, en sa compagnie, même en le sentant plus renfrogné, un peu sur la défensive. Normal, le sujet abordé est délicat et l'a été sans pincettes, sans angles arrondis par une fausse politesse. Une sorte de semi nudité offerte comme une marque de respect, à travers une franchise déguisée le moins possible au regard de leur relation toute professionnelle, jusqu'à présent. Il ne s'attend pas spécialement à ce qu'elle change au fil des kilomètres de ce road trip nocturne improvisé. Se contente du fait que Tiag' ait accepté. C'est déjà ça. Quand à ce qu'il en sortira... advienne que pourra.

"Même si on va passer plus de temps coincés dans ta caisse qu'à regarder les étoiles ou se regarder dans le blanc des yeux."

Le silence ne l'effraie pas, Lance. Non, pas plus que le manque de réponses aux bouteilles jetées à la mer. A part une, qui a pris les formes d'un visage peint sur un mur du Bronx, après qu'un peu trop de verres enchainés lui aient fouetté les sangs au point de se laisser aller à peindre les traits de Nahéma sur les pierres muettes, dans l'espoir un peu idiot sans doute, que son appel parviendrait jusqu'à elle. Lui a terminé dans une cellule de dégrisement au poste de Brooklyn, pas si loin du poste de sobriété fréquenté par Santiago. Mais ça, c'est une autre, histoire, qu'il partage avec Jay. Une autre histoire aussi, la crainte que la bouteille balancée dans la mer de béton reste lettre morte ; juste un joli dessin sur un mur, que personne ne comprendra. Qui sera bientôt recouvert peut-être par des tags insultants, des graphies de haine légitime envers une société dont la police broie plus qu'elle ne protège, dans ces quartiers. Le fil de ses pensées se déroule sans sa tête au rythme de leurs pas, pendant que sa langue continue dérouler un autre en parallèle, de converser avec l'homme à ses côtés.

"A moins que tu en saches plus long que moi sur le fond des bouteilles. J'ai pas grand chose à en dire de mon côté, Santiago. Encore que..." Si on veut qu'un esseulé partage son fardeau et aille à confesse, il faut y mettre du sien. Se dévoiler, rien qu'un peu. Ca ne servira peut-être à rien mais ça reste un geste vers l'autre. "... l'autre soir, ça m'a valu une nuit au poste. Trois étoiles, la cellule de dégrisement. Rassure-toi, j'ai pas ramené de puces ou de punaises avec moi." La bouche se fend en biais sous la lumière des réverbères, profil offert à l'œil observateur de son compagnon de nuit. "Y en a aura pas d'autres à la clinique à part toi les soirs où tu es de garde avec cet air si aimable."

Le ton est léger ; montre qu'il ne pense rien de tel de son collègue. Juste un petit aiguillon plus amical que réellement acide. Des punaises, des puces et autres parasites de la misère rongeant le derme des patients, ils en ont vu des tonnes en vérité, à la clinique. Usé de produits bien plus caustiques que la langue de Lance à l'instant, pour en débarrasser les patients. Et la vermine revient encore et encore. Le combat est sans fin, puisqu'ils ne peuvent que mettre un pansement sur le mal. Il faudrait que ces gens aient les moyens de traiter des immeubles entiers ou que les officiels de la ville qui en ont le pouvoir se bouge le cul, pour venir à bout du problème. En attendant, ils font ce qu'ils peuvent pour soulager, comme ils l'ont juré en prêtant le serment raillé par beaucoup d'autres. Mais eux, qui s'occupe de les soulager ?

Il ne sait rien ou presque de l'homme qu'il suit. Même pas ce qu'il avait comme moyen de locomotion. Pourtant, la désagréable impression d'un manque chez Santiago lui colle à la peau, quand ses yeux se posent sur la silhouette battant le pavé juste à côté. Est-ce que quelqu'un est là pour lui ? Pour l'aider à porter ses fardeaux. Sans doute. C'est un homme charmant, cultivé, intéressant, doué, dévoué. Aucune raison que la solitude soit sa seule compagne. Qu'il n'y ait pas un ami à qui se confier, quand l'envie et le besoin pressent de se décharger. S'en faire pour lui parce qu'il l'a trouvé en bas des marches d'un coin de réunion pour les combattants des addictions, ça n'a sans doute pas de sens. Mais mieux vaut prévenir que guérir, il parait. Ce qu'ils ont trop peu la marge de faire à la clinique, pressés par l'urgence d'endiguer tant bien que mal les hémorragies physiques nées de la béance sociale. Alors il préfère essayer d'être sûr que Tiag' va bien. Ne serait ce que parce qu'il en va du bien des patients, que l'homme qui les ouvre pour sauver leur peau soit bien dans la sienne.

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@Santiago Montero
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quelle drôle de gravure picturale ce serait-là ; deux hommes sur la même moto, à défier la nuit au fil des brises qui s'infiltreraient dans le sillage du deux-roues, moi devant, les mains sur les poignées, toi derrière, accroché solidement à celles de mes vestes en cuir qui jonchaient sans doute encore le sol du dressing. il y avait eu une époque où je ne pouvais porter que cette matière, pantalons de similicuir, vestes en cuir, couleurs sombres comme l'étaient les pupilles d'un apprenti médecin. les fatigues enchaînées, au fil des gobelets de café, et dans la tête pas tant de nom d'amants que de noms d'os, de muscles, de toutes ces chairs auxquelles je m'étais prédestiné en oubliant l'amour des autres - chairs. artiste qui n'en avait pas toujours été un, j'avançais au fil des improvisations ; il avait fallu improviser un visage, le vouloir de circonstances, pas trop affabulateur mais pas trop révélateur, quand tu avais débarqué, devant les marches ; il avait fallu improviser une manière sordide d'étouffer le monstre de colère sourde quand tu t'étais laissé aller à une remarque innocente sur le fond des bouteilles, celles ci jamais vraiment jetées à l'océan ; il avait fallu enfin improviser le restant de la nuit, voler un peu plus de son fard à Nyx pour un départ aux grains de sable. nos silhouettes s'activent, et je me surprends à penser qu'il y a forcément au moins un angle de la rue dans lequel nos ombres n'en font qu'une ; et cette possibilité là, cette ombre unique, elle abrite des secrets, forcément. elle peut être celle où tout s'est affolé, le temps d'un échange de myocardes ou de coups, et elle peut être cet autre univers où je serais rentré seul, sans t'avoir croisé ; à moins qu'il ne s'agisse de l'inverse, mais dans ces possibilités quantiques, je ne retrouve que maux et migraines. sourire qui fane, fleur de minuit qui à nouveau se flétrit, pétales qui s'égrènent au fil des mots, Lancelot cherche de nouvelles diversions. il n'ose pas prendre le sujet en main, s'amuse à danser tout autour, comme le ferait une fichue danseuse étoile qui, d'une pointe seulement, s'est glissée sous le projecteur avant de s'en enfuir. alors, je me mords les lèvres, et les joues, range mes mains dans mes poches, les serre fort, en espérant que les phalanges ne péteront pas. tu dois le voir, que ça m'agace, parce que tu me glisses une taquinerie sur l'air malaimable. pas envie d'y rire, je te rends seulement une esquisse de sourire, presque un trait invisible. "en même temps, le but ce n'est pas forcément qu'ils reviennent. c'est jamais bon signe, pour eux comme pour nous, de reconnaître quelqu'un de St-Harry." c'est sifflé, serpent dont la langue peine à répandre tout son venin, parce que je n'aime pas être ce reptile amateur de poisons, encore plus quand c'est avec quelqu'un que j'estime. parce que oui ; jusqu'à ce que tu décides à faire de lourdes réflexions sur les bouteilles, je te portais en tout bien tout honneur dans un coin privilégié de mes pensées. un peu comme la division des Enfers sous Hadès et son épouse dérobée, j'avais placé dans mes propres Champs-Élysées non pas les âmes les plus fortunées, mais celles qui s'étaient le plus adonnées à faire le bien autour d'elles. "j'en sais pas beaucoup plus que le commun des mortels sur l'alcool, si ce n'est que c'est une belle merde, un truc qu'on jette aux yeux des pauvres pour leur faire croire en des couleurs et en une joie perpétuelle." c'est déjà pas mal, comme confession, et pourtant, lèvres humectées, raclement de gorge et soupir indolent, je reprends. "je vois suffisamment de personnes venir tous les jours, à Mount Sinai, ou à St-Harry, affectées par les alcools, par la drogue, pour savoir qu'une dépendance c'est pas le top, et que les voyantes qui prétendent y lire l'avenir ne sont que des conteuses morbides." pas pressé à peine, comme si la colère avait enflammé le chariot, et mon corps ralentit, retrouve son rythme en imitant le tien, jeux de miroirs sous la nuit qui ne faiblit pas, et même les étoiles se cachent derrière le smog new-yorkais, de peur d'affronter mes colères.

@Lance Monroe
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