(all the happy ever-afters) seo

nuit qui drape, tombe sur les rues comme s'il n'y avait que les ombres pour les arpenter. bitume encore chaud, les températures peinent à diminuer, paumes figées sur le bloc de béton, assis là, à regarder la ville s'éteindre, pour mieux se rallumer. buildings arc-en-ciel sous le zénith depuis longtemps dépassé, à cette heure-ci ils sont incandescents des derniers éclats d'un Hélios torturé, qui se noiera dans les eaux à quelques pieds de là. c'est calme, étrangement. Wes est installé, casquette sur le nez, lunettes sur les yeux, il observe le panorama, tente de jeter ses nuages noirs à la surface dorée, en contrebas, comme pour la consteller d'un peu de ses peines. il n'a plus de nouvelles de Maggie, pas depuis le dîner où la foudre s'est abattue en même temps que la main paternelle sur sa joue, pas depuis ce soir où il avait frappé à la porte, trois coups, deux sanglots, sept coups, un peu plus de larmes. il sentait dans ses entrailles que quelque chose se passait, quelque chose qui lui échappait. ça avait toujours été le cas, depuis le premier souffle ; quand son coeur à elle battait trop vite, il le sentait, s'affolait, et ses mains devenaient moites. connexion des esprits jumeaux, comme il se le répétait. alors est-ce que le monde tourne trop vite pour toi aussi chaque fois que les bouteilles me font graviter ? astre perdu, jeté à même la ville sale, il est bien là, au mouroir du soleil, à inspirer les derniers rais de lumière. peut-être qu'il devrait rouvrir les rideaux, chez lui. mais les alcools se mettront à luire, et je n'ai pas l'âme d'un chasseur de lucioles furieuses. alors les fenêtres cachées étouffent l'appartement, lui offrent des nuits d'encre et des matins obscurs pour y noyer chaque migraine. son téléphone a sonné, plus tôt, et comme depuis quelques jours, il a bondi de son pouf, comme l'argile quitte la terre pour reprendre forme semi-humaine. dans ses mains, l'écran tremblait, et un autre nom s'est affiché. un nom qu'il avait oublié, pendant les dernières lunes, et immédiatement le remord s'était caché dans les plaies que les dents infligeaient aux lippes - mordillées, sous pression constante. il s'en voulait d'avoir délaissé le monde, ou bien peut-être qu'il s'en voulait d'avoir pris le rôle d'un spectateur, assis face au vide, à regarder les bons gens passer. combien avaient l'expertise pour voir, contre l'iris fatigué, le ballet des démons ?

nausées qui l'étreignent, coups à l'estomac, et il se redresse à peine, ferme les yeux, respire, tente de calmer la sensation. pourquoi est-ce qu'on m'observe ? qui se tapit là en m'attendant ? les pensées affluent, il angoisse, rapidement, et ne parvient à retrouver un rythme normal - son nouveau rythme normal, en tout cas - qu'aux rires des enfants qui le dépassent en chahutant, puis dans leur course frôlent une autre silhouette ; il est là. alors Wesley se redresse, se passe la manche sur le front pour chasser un peu de la sueur brûlante, et puis il avance, les pas lourds, les pas droits. le pont a-t-il toujours tangué comme ça ? "salut, Seo. j'suis désolé, j'ai pas pensé à prendre de tes nouvelles après... tout ça." les noces funèbres made in jeunesses dorées, écoeurantes de sensibilité, comédie dramatique de trop grandes erreurs qui avaient failli émincer le coeur de ses amis. "mais bref, j'suis là. tu voulais qu'on s'voit, et j'en avais besoin aussi... comment est-ce que tu vas ?"