never been so defenceless. (ezekiel)

C'est après une nuit plutôt agitée que Gabriel se rend au salon où il travaille depuis des années. Non, il n'a fait aucune folie mais il faut croire que son sommeil avait d'autres chats à fouetter plutôt que de venir frapper à sa porte. Alors plutôt que de tourner en rond dans son lit ou son appartement, il est sorti courir un peu avant de rentrer prendre une longue douche et se préparer pour entamer sa journée. Même s'il manque cruellement de sommeil, ça ne l'empêche pas d'être de bonne humeur et d'y aller le sourire aux lèvres. Il se doit de rester professionnel et de laisser ce qui est d'ordre privée au placard alors quand il passe la porte du salon encore vide, il salue tout le monde avant de se ruer sur la machine à café dans la salle de pause. Il va en avoir bien besoin s'il tient à tenir la journée entière et que personne n'y voit que du feu.
La journée bat son plein et Gabriel enchaine les prestations tout en prenant son temps avec chaque personne pour déterminer au mieux leur demande. Une étape qu'il prend très à cœur parce qu'il ne veut pas voir quelqu'un quitter le salon, déçu ou pas satisfait. C'est sûrement son côté un peu trop perfectionniste qui ressort mais c'est aussi un trait important dans ce milieu. Gab, il y a un homme qui tient absolument à ce que ce soit toi qui t'occupe de lui. Tu peux t'en charger ? Aux mots de sa collègue, le garçon stoppe ses gestes pour lever les yeux vers elle avant de jeter un œil vers l'accueil du salon pour le voir, lui. Bizarrement, il n'est pas surpris de sa demande commençant à le connaître un peu. Il l'est seulement de voir qu'il a osé venir jusqu'ici pour continuer à le hanter. Comment est-il censé tirer un trait sur son attirance pour lui s'il revient à chaque fois au galop quand il semble avoir mis suffisamment de distance entre eux pour en être débarrassé ? Et comment est-il censé faire quand il sent que tout son corps le trahit et qu'il lui hurle de réduire la distance qui les sépare ?
Ridicule.
Il quitte son regard pour le reposer sur sa collègue pour lui répondre, un léger sourire aux lèvres. Oui, je m'en occupe. Mais avant, il doit terminer avec la personne dont il s'occupe. Il prend un peu plus de temps que d'habitude, redoutant presque de se retrouver si proche d'Ezekiel mais impossible de refuser parce qu'il sait qu'il n'aurait pas dit son dernier mot. Et Gabriel n'est pas d'humeur à batailler, encore moins sur son lieu de travail.
Mais il ne peut pas faire durer la prestation plus longtemps, encore moins quand il était déjà sur la fin avant de se faire interrompre. Alors il encaisse la cliente avant de se tourner vers lui, un sourire aux lèvres qu'il arbore par pur professionnalisme. C'est à nous. Et d'un geste de la main, il lui demande de le suivre jusqu'à un siège éloigné des autres clients et de ses collègues. Il n'a aucune envie que quiconque n'entende ne serait-ce qu'une bride de leur conversation. Tu n'avais pas besoin de prendre la peine de venir jusqu'ici, ma réponse ne changera pas pour autant. Même si ce n'est pas l'envie qui lui manque et que ça lui demande un effort considérable pour concorder son cœur et sa raison. Et il sait que ses paroles n'y changeront rien et qu'il ne compte pas en rester là. Gabriel commence à connaître son côté tenace. Un peu trop même. Et pour rester professionnel, il enchaine comme si de rien n'était. Vous aviez des idées sur ce que vous souhaitez ? Insistant bien sur le vouvoiement, il a espoir que ça mette une certaine distance entre eux bien que physiquement, ça va être plus compliqué.

L’avantage quand on est son propre patron, c’est qu’on est plus libres sur son emploi du temps. Ezekiel a donc décidé de laisser la gestion de l’hôtel à ses employés pour profiter de son après-midi. Il a bien des idées sur comment l’occuper mais il sait déjà ce qu’il souhaite faire. Il aurait bien besoin d’une coupe de cheveux, les siens commençant à se faire un peu trop long à son goût. Ce qui tombe bien, puisqu’il connaît un coiffeur. Bien que connaître soit un grand mot. Il a rencontré Gabriel lors d’une soirée dans un bar, comme toujours. Autant dire que le jeune homme ne l’a pas laissé indifférent. Sauf que ce dernier se montre difficile à avoir, ce n’est pourtant pas faute d’essayer. Sa très chère meilleure amie -et accessoirement sa femme- lui a d’ailleurs plusieurs fois remarquer qu’il faisait bien des efforts pour l’avoir. Déclarant très explicitement qu’il n’avait jamais autant fait d’efforts pour conquérir un mec. Eze préfère l’ignorer mais cette dernière ne cesse d’insinuer que Gabriel semble différent des autres à ses yeux. Sauf qu’Eze, l’amour il a jamais connu, il est même pas sûr d’y croire. Il ne pense pas faire tant d’efforts que ça par rapport aux autres hommes qu’il a déjà dragué.

Le voilà donc à prendre le chemin du salon de coiffure de la famille de Gabriel. Arrivé sur place, il demande bien évidemment à ce que ce soit lui qui le coiffe, l’ayant déjà repéré plus loin, entrain de s’occuper d’une cliente. Il se demande si l’autre homme va refuser sa demande ou s’il va jouer le jeu. Il n’est pas vraiment surprit lorsqu’une des employées lui dit qu’il va s’occuper de lui. Il ne l’est pas non plus en constatant qu’il semble prendre son temps. Une bonne dizaine de minutes plus tard, c’est enfin son tour et il le suit, s’installant sur le siège. Un sourire se dessine sur ses lèvres aux paroles de Gabriel. Il peut résister autant qu’il veut, Eze est certain que Gabriel est autant attiré par lui que lui même l’est par Gabriel. S’il n’était pas persuadé que c’est le cas, il aurait sans doute déjà laissé tomber. Mais il sait qu’il ment, même s’il n’est pas sûr de comprendre pourquoi.

-Qui te dit que je suis venu pour ça? Je désire simplement une coupe voyons…

A d’autres. L’autre homme n’est pas dupe, Eze le sait mais peu importe. Il ne compte pas lâcher l’affaire aussi facilement!

-Juste les raccourcir. Ce n’est pas un peu exagéré de me vouvoyer? Je doute que ça change grand chose tu sais…

Ce n’est certainement pas un vouvoiement qui le fera renoncer.

Sa journée prend une tournure différente alors qu'Ezekiel s'immisce dans son quotidien. Gabriel avait pris ses distances avec lui, évitant tout endroit où il avait pu le voir par le passé mais visiblement ça ne l'arrête pas. Parce qu'il est évident que ce n'est pas un coup du destin qui les aurait mis sur la route l'un de l'autre par le plus grand des hasards. Digne d'un film des plus romantiques mais le presque trentenaire n'y croit pas un seul instant. Alors qu'il y a des centaines d'autres salons sur New-York ? Je ne peux pas croire que tu sois venu juste pour une nouvelle coupe. Son regard s'ancre au sien et il tente d'y trouver des réponses, un signe qui lui prouverait qu'il a raison de ne pas le croire même s'il le sait déjà. Mais Gabriel n'est pas doué pour lire dans les yeux des gens, il ne sait même pas pourquoi il prend le risque de se perdre dans ses opales qui pourraient le faire flancher à tout instant. Alors il rompt vite ce contact. Impossible, ce n'est pas ton genre. Mais ça, il l'a vite compris par contre et il doit avouer que ça ne l'arrange pas du tout. Parce que plus il insiste et moins Gabriel ne sait comment résister et repousser ses avances. Ça en devient presque une torture.
Préférant garder seulement la réponse à sa question, il se garde bien de répondre à son commentaire sur le vouvoiement qui est un échec. Il n'a même pas réussi à garder une quelconque distance dans leur conversation alors que ça ne fait même pas cinq minutes qu'il est à ses côtés.
Pathétique.
Comment compte-t-il faire la prochaine demi-heure -voir plus- s'il n'est même pas foutu de respecter ça ? Les raccourcir de combien ? Demande-t-il en essayant de rester au maximum dans son rôle. En temps normal, il aurait sûrement passer ses mains dans les cheveux de son client pour évaluer le travail et valider ou non la demande en fonction de l'état des cheveux. Mais pas avec Ezekiel, c'est trop risqué même s'il ne va pas y échapper dans quelques instants. Il a encore un souvenir bien trop précis et réaliste d'un rêve qu'il a fait récemment qui impliquait ses mains dans les cheveux de son client et de baisers fiévreux. Sa présence aujourd'hui ne lui facilite vraiment pas la tâche. On va passer au bac pour commencer. Parce qu'il ne peut rien faire tant qu'il ne lui aura pas laver les cheveux alors il lui emboite le pas pour se rendre aux bacs à lavage. Et là-bas, il le débarrasse de sa veste pour la suspendre dans la penderie et prend une blouse à l'effigie du salon pour Ezekiel, qu'il aide à mettre avant qu'il ne prenne place dans le siège. Gabriel se positionne derrière et actionne le pommeau de la douchette, attend un peu que l'eau se réchauffe avant de la mettre au dessus de la tête du garçon. Il prend son temps et s'applique comme il le ferait avec n'importe qui. La température, ça va ? Question classique qu'il pose à tout le monde, il n'y échappe pas.

Eze ne peut retenir un sourire à la réponse de l’autre homme. Effectivement, des salons de coiffure, il y en a plein. Il peut même avoir son coiffeur personnel s’il le souhaite. Mais tous ces salons n’ont pas Gabriel. Parce que, bien évidemment, c’est pour lui qu’il est venu. Il ne compte pas laisser tomber aussi facilement quand il sait que son attirance est réciproque. Il n’a jamais été aussi patient juste pour un mec, ce dont sa chère meilleure amie ne se gêne pas pour lui rappeler dès qu’elle le peut. Mais Eze se contente de l’ignorer. L’amour? Il n’a jamais connu ça. Gabriel l’attire, comme d’autre avant lui. Certes il met peut être un peu plus de temps pour le faire craquer mais ça ne veut rien dire non?

-Que veux-tu, j’étais dans le coin alors je me suis dit que j’allais te rendre une petite visite…

Sourire sincère, ou presque, sur le visage tandis que Gabriel lui dit que c’est impossible qu’il ne soit venu que pour ça, que ce n’est pas son genre. C’est qu’il commence à bien le connaître! Il a raison, ce n’est pas son genre. Il n’agit jamais sans avoir une idée derrière la tête mais, ça, il se garde bien de le dire.

-Je ne vois pas de quoi tu parles!

Sourire innocent sur les lèvres alors qu’il sait tout à fait de quoi il parle. Gabriel reprend sur le sujet pour lequel Eze est censé être ici, c’est à dire pour se faire coiffer! De combien il les raccourcit? Eze n’y a pas pas vraiment réfléchit. Il lui dirait bien qu’il lui fait confiance mais il se dit que l’autre pourrait en profiter pour se venger un peu… bien qu’il en doute. Il est bien trop professionnel pour ça!

-Environ cinq centimètres.

Il veut juste les raccourcir un peu, il ne veut pas les avoir trop longs. L’autre homme le guide alors jusqu’au bac où le débarasse de son manteau avant de lui mettre une blouse. Ce serait mentir que de dire que Ezekiel n’en profite pas un peu. Il s’installe ensuite sur le fauteuil tandis que Gabriel commence à lui laver les cheveux, le questionnant sur la température.

-Parfaite, chaude comme il faut!

Typique d’Eze, il ne peut s’empêcher de sourire à cette phrase. Il est bien décidé à faire craquer l’autre homme, depuis le temps qu’il essaye!

Sa réponse confirme ses pensées, il n'a aucunement besoin d'une nouvelle coupe, ce n'est qu'un prétexte pour le voir. Dans d'autres circonstances, il aurait trouvé ça adorable et ça l'aurait fait craquer. Mais Gabriel sait très bien ce qu'il attend de sa part et jamais il ne succombera même s'il n'est pas loin du point de rupture. Il est proche, si proche de céder à la tentation, à ce qu'il s'interdit depuis toujours. Pas de plan sans lendemain, pas de relation purement sexuelle. Le garçon a besoin de plus que ça pour un acte si intime mais il doit avouer que la persévérance d'Ezekiel fait chavirer son cœur et il déteste ce qu'il ressent. Il déteste se sentir trahi par son corps et son cœur et pourtant, il se surprend parfois à s'imaginer cette histoire d'un soir. Peut-être qu'il a besoin de ça après tout, ça lui permettrait de passer à autre chose et Ezekiel aussi. Mais est-ce qu'il est prêt pour ça ? Il en est moins sûr. Me rendre une petite visite.. tu avoues donc que ta venue n'est pas si innocente que ça ? Il n'a même pas besoin de sa réponse, il le sait déjà. Il ne sait même pas pourquoi il insiste autant pour qu'il le dise à voix haute, c'est pathétique et ça ne changera rien de toute façon. Il lève un peu les yeux, plus amusé par la situation qu'agacé et reprend rapidement son sérieux pour éviter de penser à la proximité qui les attend.
Il note la demande d'un hochement de tête et l'emmène jusqu'aux bacs avant de le débarrasser de ses affaires et de l'aider à enfiler la blouse. Et il commence par lui laver les cheveux et le questionne sur la température de l'eau, comme il le fait avec tout le monde. Sans surprise, la réponse du plus âgé est à double sens et il se rend compte que cette prestation va être plus difficile que prévue. Dommage, il n'y a que l'eau qui est chaude. Il veut jouer ? Lui aussi peut entrer dans son jeu. Un jeu qui peut vite se retourner contre Gabriel parce que ce n'est pas son point fort mais il peut faire un effort même s'il ne sait pas où il met les pieds. Ce n'est pas les hommes qui manquent à New-York alors pourquoi tu perds ton temps avec moi ? Je ne fais pas dans les plans culs et encore moins avec un homme marié, qu'est-ce qu'il te faut de plus ? Sa voix s'est faite plus basse depuis que la discussion a pris un chemin moins professionnel. Aucune envie d'en faire profiter tout le monde, alors que ses doigts s'appliquent sur son cuir chevelu.

A sa réponse, Gabriel lui demande alors s’il admet que sa venue n’est pas si innocente que ça. Certes, ce n’est pas totalement faux… mais il est quand même décidé à se couper les cheveux! Ils deviennent un peu trop longs à son goût. Il hausse donc les épaules avec un sourire. Il le suit alors au bac et ne peut s’empêcher de donner une réponse à double sens à sa question. La réponse de Gabriel le fait sourire. Oh ça, il en doute… Si vraiment Gabriel n’était pas du tout réceptif, il aurait sans doute laisser tomber. Mais il sait qu’il ne le laisse pas indifférent et il ne compte pas abandonner aussi facilement.

-Pour l’instant…

L’autre homme lui dit que les hommes ne manquent pas à New York, alors pourquoi il tient tant à perdre son temps avec lui. Ajoutant qu’il ne fait pas dans les plans culs et encore moins avec un homme marié. Marié… ce mot fait rire Eze. Ce mariage n’est qu’un subterfuge. Probablement que si un jour, il souhaite se poser, il devra avouer la vérité à ses parents. Mais pour l’instant, ils ne font que s’amuser, que ça soit lui ou sa meilleure amie d’ailleurs. Il a le temps d’y réfléchir non? A vrai dire, le cercle des personnes au courant s’agrandit de jour en jour au point que Eze se demande comment leur faux mariage peut encore paraître vrai aux yeux des gens.

-Qui a dit que j’étais marié? Ce n’est que pour les apparences voyons…

Il n’est pas pour les coups d’un soir hein? Mais Eze n’a pas dit son dernier mot.

-Qui a dit que ce ne serait qu’un coup d’un soir?

Un sourire se dessine sur ses lèvres tandis que Gabriel continue de lui laver les cheveux. Il a toute une coupe pour parvenir à le faire craquer… et il ne compte pas abandonner facilement. Après tout, ça fait un moment qu’il le travaille… un peu plus ou un peu moins, quelle importance?

Même s'il ne montre que de l'agacement à son égard, au fond de lui, il doit bien admettre que ça lui plait. Ça lui plait de voir qu'il continue de se battre pour l'avoir malgré ses innombrables refus pendant que d'autres auraient baissé les bras depuis bien longtemps. Il aime cette sensation de se sentir désirer et peut-être qu'il en joue un peu parfois, il doit bien l'admettre. Mais ça n'empêche qu'il ne doit pas flancher. Encore plus parce qu'il est marié et ça, il ne manque pas de lui en toucher un mot. Une chose qui le fait rire visiblement et Gabriel avoue ne pas comprendre sa réaction. Il a cette impression d'avoir loupé quelque chose ou d'avoir dit une connerie peut-être. Et quand sa réponse vient, il comprend mieux. Mais il se demande si c'est la vérité ou juste une excuse pour l'amadouer et tenter, une fois de plus, de le mettre dans son lit. Serait-il capable d'une telle chose ? Le coiffeur n'en sait rien, il ne le connait pas vraiment quand il y pense. Pour les apparences ? Ça se fait encore ? Demande-t-il en levant les sourcils et lui jetant un regard tout en s'appliquant à rincer le shampoing qu'il vient de lui faire. Et la suite de sa réponse l'amuse, ça peut se voir à ce sourire qui d'affiche sur ses lèvres et l'expression de son visage qui se détend. Parce que tu crois qu'il suffit que tu me dises que tu n'es finalement pas réellement marié et que ça ne durera pas qu'une nuit pour que je te tombe dans les bras ? Non, il ne peut pas croire ça. Pas après tous les refus qu'il lui a donné mais c'est bien essayé, il ne lui avait jamais faite encore. Il fallait bien qu'il tente. On ne recherche pas la même chose toi et moi. Ils sont même à l'opposé l'un de l'autre à ce niveau et c'est peut-être ce qui les attire l'un à l'autre. Reposant le pommeau de la douchette après avoir terminé, Gabriel retire l'excédant d'eau avant de prendre une serviette et d'absorber le reste. On va aller s'installer là-bas. Dit-il en désignant une place isolée pour qu'une fois de plus, personne ne puisse profiter de leurs échanges. Mais sa façon d'agir est un peu en contradiction avec ce qu'il ne cesse de lui répéter depuis le début. Il attrape un peigne et démêle soigneusement ses cheveux, jetant par moment quelques regards dans le miroir pour y croiser celui d'Ezekiel. Ça l'amuse en même temps que ça le déstabilise mais il ne peut pas s'en empêcher de continuer. On coupe cinq centimètres, c'est ça ? Lui demande-t-il quand il a fini son démêlage, histoire d'être sûr avant de commencer ses coups de ciseaux.

A sa réponse, l’autre homme lui demande si ça se fait encore. Certes, de nos jours les gays sont tout de même plus facilement acceptés que par le passé. Mais il reste toujours des personnes ancrés dans les normes d’antan et Eze n’est pas certain de savoir dans quelle catégorie son père se trouve. La seule chose qu’il sait, c’est que son paternel voulait le voir et se marier et avoir des enfants. Difficile de savoir sa réaction s’il apprenait que son mariage avec sa meilleure amie n’est que pour les apparences, parce qu’il ne veut pas être déshérité pour un truc aussi idiot alors qu’il a travaillé dur pour pouvoir succéder à son père.

-Parfois on n’a pas le choix.

S’il ne se trouvait pas la tête dans le bac, il hausserait également les épaules. Il révélera sans doute un jour la vérité à son père. Quand il n’aura pas le choix, probablement. Qui sait, peut être qu’il trouvera quelqu’un avec qui il voudra plus qu’un coup d’un soir. Et vu comment il refuse de renoncer à abandonner avec Gabriel, il est bien possible qu’il soit cette fameuse personne. Il ne peut retenir un rire à ses paroles.

-Tu ne me crois pas hein? Et si je te dis que je n’ai jamais touché une seule femme de ma vie, tu me croiras?

Car c’est la vérité, il ne ressent aucune attirance envers ces dernières. Il a toujours préféré les hommes et n’a jamais rien essayé avec une femme.

-Les femmes ne m’ont jamais attiré. Au contraire. Je ne mentais pas quand je disais que ce n’était que pour les apparences.

Gabriel le fait ensuite s’asseoir à l’une des places libres, là encore assez éloigné des autres. Il l’interroge sur la longueur qu’il désire couper.

-C’est ça.

Ses cheveux n’étaient qu’une excuse pour venir ici, il aurait pu attendre plus longtemps mais les rafraîchir ne leur feront pas de mal.

-Au cas où le message n’était pas clair, je suis gay, complètement gay!

Et il l’assume. Il l’aurait dit depuis longtemps à ses parents s’il ne craignait pas de perdre son héritage pour lequel il a si durement travaillé. Il sait qu’il devra sans doute le dire un jour ou l’autre, ne serait-ce que parce qu’il aura finalement rencontré quelqu’un avec qui il veut réellement être. Et il redoute déjà ce moment où il devra avouer la vérité à son père.

Parfois on n'a pas le choix. Ces mots qui résonnent dans sa tête et qui ne veulent pas s'arrêter de tourner encore et encore. Une certaine tristesse s'empare de Gabriel quand la réalité le frappe parce qu'il est vrai que tout le monde ne peut pas avoir un entourage aussi ouvert que le sien. Même si le monde évolue, certaines croyances et mœurs sont trop ancrées dans le cerveau des gens pour que ça change. Il a parfois du mal à le concevoir mais il sait que ça peut prendre du temps. On a toujours le choix mais tout dépend des enjeux. Et il imagine que dans son cas, il y en a pour qu'il se soit marié uniquement pour les apparences.
Je te crois. C'est ce qu'il finit par répondre quand il a entendu ce qu'il avait à dire à ce sujet et c'est la vérité, il le croit. Il ne sait pas s'il fait le bon choix mais il ne voit aucune trace de mensonge quand il lui avoue ça alors il fait confiance à son instinct. Mais... S'arrête dans sa lancée le temps de trouver la façon dont il veut dire ça. Dans le fond, il cherche surtout à avoir des réponses à ses questions ou peut-être confirmé ses à priori qui peuvent être totalement chamboulés par ses réponses mais il prend le risque. Tu ne cherches qu'à t'amuser. Et pas lui. Pourtant il pourrait bien briser toutes les barrières qu'il s'est construite depuis des années et dans un sens, ça lui fait peur. Ne pas savoir dans quoi il met les pieds et ce qu'il pourrait ressentir à ses côtés. Il sait juste qu'il ne le laisse pas indifférent et que son corps ne réclame que le sien.
Le shampoing terminé, il l'emmène à l'étape suivante et le coiffe en s'assurant de la longueur à couper avant de vraiment s'y mettre. Attrapant le matériel dont il a besoin, il écoute attentivement ce qu'il ajoute à son attention, comme si ce n'était pas déjà assez clair. Mais au moins, c'est dit et ça fait une interrogation en moins. C'était très clair. Léger sourire qui se dessine sur ses lèvres sans trop savoir pourquoi cette information a ce pouvoir sur lui. Et pour ne pas y penser, se met à commencer à couper mais s'arrête bien vite pour poser cette question qui lui brûle les lèvres. Mais alors pourquoi te cacher derrière ce mariage ? Et surtout, pourquoi être allé jusqu'à là ? Ne sait pas tellement pourquoi ce détail le dérange autant ou il ne veut juste pas se l'avouer parce que ça rendrait tout trop réel. Mais il ne lui laisse pas le temps de répondre qu'il fronce les sourcils en secouant légèrement la tête. Non, ça ne me regarde pas, pardon. Et il se remet à couper comme si de rien n'était.

Il lui répond qu’on a toujours le choix mais que ça dépend des enjeux. C’est vrai et des enjeux, il y en a pour Eze. Il n’a pas bossé dur toute sa vie pour être à la hauteur pour qu’une simple histoire d’orientation sexuelle puisse venir ruiner tous ses efforts. Peut être que ça ne serait pas le cas mais pour l’instant, il préfère éviter de tenter le diable. Gabriel lui répond qu’il le croit quand il avoue n’avoir jamais touché une seule femme. Mais il reprend bien vite en déclarant qu’il ne cherche qu’à s’amuser. Ce n’est pas complètement faux, ce qui ne veut pas pour autant dire qu’il ne sait pas être sérieux avec quelqu’un.

-Peut être parce que je n’ai pas encore trouvé la bonne personne, celle qui éclipsera toutes les autres.

Il n’a jamais été contre l’idée de se poser, simplement jusqu’ici il n’a jamais trouvé quelqu’un qui lui fasse ressentir cette envie de passer le restant de ses jours avec. Il n’est pas sûr d’avoir un jour été réellement amoureux. Peut être qu’il ne s’est jamais vraiment donné la peine de connaître ses partenaires. Pourtant c’est bien la première fois qu’il passe autant de temps à courir après quelqu’un. Qui sait, Gabriel est peut être différent des autres… Une fois le shampoing terminé, il l’installe pour lui couper les cheveux, avant de s’arrêter rapidement. Sa question est légitime, après tout il n’a pas tort. Mais il n’a pas le temps de répondre que l’autre s’excuse en disant que ça ne le regarde pas.

-Parce que quand on passe sa vie à bosser dur pour être à la hauteur des attentes de nos parents, on a pas envie qu’une simple orientation vienne tout gâcher. J’ai bossé dur pour pouvoir succéder à mon père, j’ai pas envie que ce soit en vain.

Il n’est certain de rien en ce qui concerne l’avis de son père à ce propos mais il a bien trop peur de tout perdre pour risquer le coup, pas tant qu’il n’aura pas de quoi se retourner si jamais ça se passait mal.

-Je suis pas sûr de ce qu’il pense à ce propos mais je suis pas prêt à risquer le coup, pas tout de suite en tout cas.

Mais un jour, parce qu’il sait qu’il n’aura pas le choix. Si un jour il rencontre quelqu’un qui lui donne envie de se poser, une personne qui compterait plus que les autres. Alors, là, il n’aura plus le choix et il sera prêt à prendre ce risque, il en est quasiment certain.