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VHS0001 ❝ [teddy bears] ❞

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regith
soap polaroids
tell me 'bout the colors i'll miss

Soleil de minuit, Nyx a étendu sa cape par-delà les gratte-ciels. Les avenues sont pluvieuses, et par les fenêtres des taxis, les lampadaires deviennent des bulles de lumière. On rit devant certains bars, la cigarette à la bouche, et les nuages de fumée crachés finissent par s'évanouir en contrebas de la voûte. Dans certains appartements, les corps fatigués sont couchés, enivrés de draps soyeux, prêts à se damner pour un baiser d'Hypnos. Sous un stroboscope et derrière mille éclats de couleurs, des corps se déhanchent dans un club branché. Un couple court dans la rue, les mains emmêlées, silhouettes incapables de se séparer, et les paumes sont scellées par le fruit de la pluie. Et au milieu du Bronx, la rumeur est muette ce soir. Comme une nuit d'accalmie, une promesse tacite entre tous les habitants. Peut-être est-ce l'orage qui monte, dernier de la saison selon les prédictions hasardeuses, qui de ses coups de tonnerre étouffe le reste du bruit dans le quartier ? Reginald ne sait pas, n'y a pas prêté trop attention à vrai dire, s'est surtout plaint d'être trempé, d'avoir le manteau le long des os, froissé par l'humidité. Il a dévalé les boulevards, a maudit le temps d'avoir volé tant de mémoires. Et au creux de ses bras, il y avait le trésor, relique d'un temps passé, blotti contre son pull.

Avant, en face de chez lui, en face de chez son âme jumelle également, il y avait cette laverie. Une série de six machines à laver par mur, dont les tambours résonnaient jusque de l'autre côté du couloir, aux heures de pointe. Imaginez ça ; dix-huit machines qui s'inondent de bulles, de lessives, dix-huit machines parfaitement désynchronisées, occupées à nettoyer des écharpes de satin, des pulls de cachemir, des pantalons de cuir. La laverie avait été un quartier général parmi tant d'autres, avec Keith ; ils avaient imaginé la vie, assis sur les bancs colorés au centre de la pièce, l'avaient sans doute souvent trop embellie. Non, le ciel ne serait jamais perpétuellement azur ; mais d'un autre côté, il n'était pas plus d'un onyx ultime. Il y avait toujours des étoiles, et ils en avaient rêvé, pendant quelques jours seulement, apprentis astronautes qui auraient adoré être les premiers enfants à fouler la Lune. A l'école, quand Keith avait dit, l'air fier, le sourire comète d'une joue à l'autre, que la NASA ne l'avait pas retenu parce qu'ils préféraient qu'il continue les maths pour devenir meilleur qu'eux dans dix ans, Reggie avait hoché la tête, avait défendu corps et âme le beau mensonge. Ça avait toujours été comme ça ; et le soir même, à la laverie, assis à même le sol, à échanger les plus belles billes (ou bien peut-être étaient-ce des cartes Pokémon, impossible de se souvenir), ils avaient imaginé devenir dompteurs, tôt ou tard. Adieu le satellite, bonjour les arts du cirque.

Et puis la laverie avait fermé. Comme pas mal des commerces du quartier. Elle avait d'abord été transformée en une bodega où ils avaient volé quelques barres chocolatées et payé pas mal de liqueurs, des années plus tard. Puis, au bout de huit ans, c'était devenu un salon de coiffure. Deux ans, même pas ; paf, ça s'était écroulé. Maintenant, c'était une boutique de cafés, une parmi tant d'autres, mais au moins-celle là avait un superbe lustre et un très bon mokaccino. Reggie se détestait souvent d'autant aimer le mokaccino ; le chocolat était sans aucun conteste l'addiction de sa vie. Addiction assassine, elle qui avait éraflé le plus bel amour de sa vie d'enfant, couché entre ses bras, alors qu'il avait tracé dans les rues, portant avec toute la délicatesse du monde son fardeau de tristesse. La laverie du Bronx, bien que plus éloignée de son domicile, était sa préférée ; les capsules de lessive vendues sentaient le jasmin, la menthe et quelques notes de chocolat blanc, à en faire pâlir bien des parfumeurs. Et puis, Keith l'avait déjà rejoint plusieurs fois là-bas.
Les souvenirs d'enfants ne meurent jamais vraiment, ils se métamorphosent.


Tu me rejoins ? Situation d'urgence 123. Là où les tambours font des bulles.



Sourire aux lèvres, alors que la machine s'agite, que tournoie derrière le hublot la petite chose affable. Le code 123 ; tout un palmarès des pires situations auxquelles ils avaient donné des chiffres, gamins. 123, c'était le plus simple à retenir ; le plus simple à vivre aussi, enfant ; l'ours en peluche de son enfance, celui qui trônait dans un coin de la cuisine, empereur déchu, doudou rejeté par les années passées, avait été tâché, ce soir. Expérimentations chocolatées, Reggie bosse sur une nouvelle pâtisserie, et c'est Teddy en personne qui en a fait les frais, il y a une heure. Teddy frotté à l'éponge, en vain. Reginald arrête de tourner en rond, s'assoit sur les marches de la laverie, guette impatiemment l'arrivée de son messie. La tête à gauche, la tête à droite, mouvements brusques et répétitifs, mais il ne se lasse pas, ne s'arrête que pour porter à sa bouche le goulot d'une bouteille de bière fruitée. À ses pieds, le pack complet, six, c'est beaucoup pour l'endroit, peu pour eux deux, mais l'épicerie n'est pas loin ; et Teddy flotte, maintenant, pas besoin de surveillance.
'cause in the dark
You can't see shiny cars
And that's when you need me there
With you I'll always share
elirose