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Janus & Sisyphe (Carlson)

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❝ Janus & Sisyphe

"Je ne serai pas éternel, criança*. Un jour ou l’autre, il faudra que tu reprennes le flambeau. Je sais bien que cela te semble colossal et impossible. Alors, autant commencer à appréhender la chose maintenant. Tu ne crois pas ? Ainsi, lorsque le moment sera venu, ce qui te paraissait hier être une montage infranchissable, sera alors qu’une toute petite colline."

Voilà. Tels furent les mots de "Monsieur Zagallo", avant qu’il ne s’envole pour une semaine sous les latitudes de Belo Horizonte, afin de rendre visite à sa ribambelle de cousins, cousines, neveux et nièces, restés au pays. Des paroles horrifiantes de lucidité et de bon sens. Enoncées par un homme arrivé à l’automne de ses jours, et bien conscient d’avoir déjà fait plus que son temps professionnellement parlant. Des paroles que Spyros peine encore à entendre et assimiler. Lui qui ne peut concevoir une vie, vide de ce père qui en a tout sauf le nom. Cet ange salvateur à qui il doit tant. Qui lui a tout appris. Tout offert. Et dont une vie entière, ne pourrait suffire pour lui exprimer toute la reconnaissance et la gratitude qu’il lui voue. Mais il faut se rendre à l’évidence : l’avisé lusitanien a comme toujours raison. Ce qui fait notre bonheur aujourd’hui, ne peut hélas perdurer ad vitam æternam. Ca, l’apathique hoplite de pacotille ne le sait que trop bien et mieux que quiconque.

Il ne sait pas. S’il en sera digne et à la hauteur. Jamais personne auparavant, ne s’était risqué à lester ses larges épaules d’espoirs si conséquents. D’aucuns n’avaient été jusqu’alors assez fou, pour lui remettre leur confiance pleine et entière. Un confiance frisant l’aveuglement. Seule certitude inébranlable : le Docteur des moteurs a à cœur de bien faire et n’a nullement l’intention de décevoir – de quelque façon que ce soit – celui qui s’en est pour ainsi dire remis à lui. Du moins, et une fois encore, sur le pan professionnel. L’humble réputation du commerce, la satisfaction de la clientèle, l’expertise, l’efficacité, la productivité … . Tant de choses si labiles qui sont en jeu. Et désormais au creux de ses pattes d’ours mal léché.

Car oui, le moment est venu pour notre personnification du Kratos de God Of War, de se retrouver catapulté dans l’immensité du grand bain. Sans brassards, ni bouée, gilet de sauvetage ou ceinture de flottaison. Et ce, le temps d’une semaine, qui risque fort et à n’en pas douter, de lui paraître une éternité. Aujourd’hui marque le jour 1, de son évolution au sein de Zagallo’S Garage sans les petites roues. Fini le temps béni et insouciant, où seules – ou tout du moins majoritairement – les tâches en rapport avec le cœur du métier lui incombaient. Désormais, le chypriote se doit d’œuvrer en solitaire sur tout les fronts. Y compris ceux, se rattachant à toute la partie back-office. Ces multiples champs totalement invisibles aux yeux de la clientèle, mais qui n’en demeurent pas moins fondamentaux pour garantir le bon fonctionnement et la pérennité de l’établissement. Le banlieusard se doit à présent de dresser les devis. Commander les pièces manquantes. Gérer l’approvisionnement des stocks, afin d’éviter rupture et pénurie bien malvenues. Assurer la réception des livraisons. Lutter et s’échiner, avec la pléiade d’intermédiaires et fournisseurs - têtus et obtus - ne souhaitant traiter qu’avec le gérant. S’acquitter de la bonne créance des factures. Faire les comptes et s’occuper de tout le volet administratif. Un chantier titanesque, qui ferait presque passer les Douze Travaux d’Hercules pour une promenade de santé. Plongé au plus fort de la réalité depuis tout juste quelques heures, Spyros en vient déjà à se demander, comment diable "Monsieur Zagallo" fait pour jongler avec toute cette myriade d’impératifs.

La matinée touche à sa fin, et l’astre solaire est en passe d’en terminer avec l’avènement de son apogée, dans l’azur du baldaquin céleste. Matinée au cours de laquelle l’ombrageux natif de Kyrenia, a l’enrageante impression d’avoir perdu son temps. Un peu de plus, et il affirmerait avoir frôlé les crêtes de l’oisiveté. Dans les faits, il n’en est rien. Cependant, et de son point de vue, c’est tout comme. Après avoir passé des heures durant pendu au téléphone, à se perdre en palabres et pourparlers avec des fabricants, n’ayant pas leurs pareils pour susciter chez lui une fulgurante migraine alliée à de furieuses envies de meurtre ; le placide enfant de la rue peut enfin s’en retourner jouer avec ses outils. Allongé sur une espèce de planche à roulettes sous les roues d’une Mustang du début de la dernière décennie, le taiseux aux prises avec l’installation du nouveau pot d’échappement multiplie les ahans d’effort, dignes d’un bûcheron. Sourcils froncés, et traits de la trogne crispés comme ce n’est pas permis. Dans un équilibre précaire, la visqueuse goutte sombre accrochée au métal finit par dégringoler. Le zonard assagi a juste le temps d’incliner la tête sur la gauche et de cadenasser ses paupières, avant que l’impure perle ne vienne s’écraser sur sa pommette dorée.

"P’tain, fait chier !", râle-t-il, tel un tigre poussant un feulement atrabilaire. Contorsionnant son avant-bras et son poignet de manière improbable pour maintenir le système d’évacuation en place, le badass de naguère – qui en a néanmoins gardé quelques traits – s’attelle enfin, et non sans mal, à son arrimage.

Soudain, et déchirant le silence, un martellement régulier – et ressemblant à s’y méprendre à celui d’une paire de richelieus - bat la mesure sur le ciment. Une nouvelle petite inclinaison du chef, permet au mécano de confirmer son pressentiment. Il s’agit bel et bien d’une paire de souliers masculins, qui vont et viennent en faisant les cent pas. De confection italienne, d’excellente facture et à un prix exorbitant. Flambant neuves – ou presque – à en juger par le vif éclat du cuir. Une créature de la upper class qui vient pousser ses pointes jusqu’ici ? Encore une chose qu’il n’aurait jamais crû sans le voir. Un peu plus, et Spyros serait prêt à jurer que ce garage – et à une plus large échelle cette portion du Bronx - est entrain de devenir hype et branché ! Le comble … . A moins que cette luxueuse paire de godillots griffés ne soit qu'une vulgaire contrefaçon, acquise aux puces pour la modique somme de trois dollars cinquante. De qui s’agit-il ? Difficile à dire, compte tenu de la position dans laquelle il se trouve.

"J’suis à vous dans une minute.", déclare-t-il en focalisant de nouveau son attention sur sa besogne, et en administrant hâtivement les derniers tours de clé, afin de ne pas trop faire attendre et languir le client – ou visiteur, tout du moins.

Fort du travail accompli, le patron par intérim agrippe le poitrail du véhicule et applique une traction de ses bras robustes. La planche sur laquelle repose son échine glisse alors sur le sol. Exhumé de sous les décombres, le soleil de midi fond tel un rapace sur son visage et carbonise ses iris pralinés. Faciès tordu en une grimace d’inconfort, l’homme aux cheveux de crin plisse les yeux et appose son avant-bras sur les arcades sourcilières. Rétines accoutumées à ce contraste de luminosité pour le moins violent, le gaillard se relève pour faire face au chaland.

"Bonjour, Monsieur.", dit-il d’une voix pouvant – nettement - mieux faire en terme de chaleur commerçante. L’intonation un tantinet hésitante et traînante, quand vient la prononciation du titre, qu'il s'efforce de prononcer convenablement, sans écorner la moindre syllabe.

Une homme très clairement dans la petite trentaine. Look casuall chic, élégant et passe-partout. Avec beaucoup de charisme et de prestance. Probablement un cadre supérieur, ou une personne plus habitué à donner des ordres qu'à en recevoir. Ses orbes glacier et sa huppe châtain, fleurent bon les embruns britannique. Mais la définition de sa mâchoire et ses pommettes, sont quant à eux davantage caractéristiques des individus originaires de pays scandinaves. Ou slaves, qui sait.

"En quoi puis-je vous aider ?", s’enquit-il dans la foulée, en haussant légèrement le coude, pour essuyer sa joue crasseuse dans la manche de son T-shirt blanc – enfin, un blanc qui tire sérieusement sur le jaune, à force de lessives foireuses.

Aussi curieux cela puisse-t-il paraître, l'hellène a … comme une impression de déjà vu. Non pas qu’il ait déjà croisé cet hoir de Mars par le passé, mais … plutôt qu’il ait déjà rencontré, dans un passé des plus récents, un homme dans la même trempe, que celui qui se tient devant lui, avec un port de tête altier à faire pâlir les plus sérénissimes souverains. Quoi que, non. Réflexion faite ; pas un homme, mais plutôt des hommes. Qui que soit ce mystérieux inconnu, quelque chose lui dit qu’elle ne vient certainement pas pour une révision des cinquante-mille … .

* "Gamin", en portugais.

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| @Carlson Cooper |  :coeur: