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Sneek & Styx (Jairo)

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❝ Ton regard sur moi lorsque l'univers flamboie

Sneek & Styx (Jairo) 1f4c6 Janvier 2024
Sneek & Styx (Jairo) 1f4cd Périphérie de New-York

Profilée. Aérodynamique. Affûtée. Tonique. Des lignes pures et ramassées. Des courbes déliées et fuselées. Une robe noire métallisée, éclatante et rutilante. Sans accroc, ni éraflure d’aucune sorte. Sublissime reine de l’asphalte, répondant au doux nom de Ducati Panigale V4. Petit fleuron transalpin motorisé, et monté sur deux essieux. Elancée comme une panthère. La majesté d’une lionne, conjuguée à la vélocité du guépard. Force est de constater que pour une fois, ce cher "Monsieur Zegallo" n’a pas fait usage du terme "surprise" de manière surfaite – pour ne pas dire éculée. Ce qui n’est pas sans – sobrement – ravir son fidèle employé, soit dit en passant. Il est vrai que passé soixante ans, la notion et la définition de "surprise" deviennent … toutes relatives, dirons-nous. En effet, il n’est pas rare que ce que le propriétaire du garage juge détonnant, inhabituel ou épatant, apparaisse sous les traits de la plus affligeante des banalités, pour celui qui fut jadis son apprenti.

Or dans le cas présent, il semblerait que les points de vue des deux hommes convergent et tendent à s’accorder. En même temps, et connaissant la passion de son protégé pour les belles et flamboyantes cylindrées, "o vovô" brésilien pouvait difficilement viser à côté sur ce coup là. Bras croisés sous le muscle pectoral, Spyros caresse de son regard de braise serti d’étincelles, le resplendissant destrier des temps modernes. A bours et à rebours. Avec avidité, et sans la moindre once de lassitude. Aussi impressionné qu’un gosse découvrant une avalanche de cadeaux au pied du sapin le vingt-cinq décembre au matin. En témoigne ce sifflement d’admiration, serpentant entre ses babines et qu’il ne peut museler, tant l’exaltation qui l’étreint se fait vive. Oui parfaitement, exalté. N’en déplaise aux apparences, qui pourraient laisser à penser le contraire. Tout se joue à l’intérieur : comme d’habitude. Drôle d’endroit, pour un si bel engin.

Ca pour sûr, et même si on lui avait soutenu que cela serait le cas, jamais il n’aurait crû en se levant ce matin, avoir la chance inouïe de goûter à un tête-à-tête avec un pareil bijou. L’avoir là, offerte et à portée de main … l'hellène doit bien reconnaître, que c’est pour le moins grisant. D’autant plus maintenant qu’il sait que cette petite merveille va passer entre ses puissantes pattes d’ours – puissantes et, osons le dire sans excès de modestie, expertes. "Vas-y fais toi plaisir, elle est toute à toi !". Telles furent les paroles aux allures de bénédiction – voire d’offrande – que lui formula son boss. N’y tenant plus, le mécano s’avance à pas feutrés, tel un traître de velours, en direction de la moto souffreteuse. Sa paume glisse sensuellement sur le cuir de la selle. Exactement comme dans de toutes autres circonstances, où il explorerait en délicatesse la chute de reins d’un – ou d’une – amant(e).

Avec autant – si ce n’est plus – de rigueur et de sérieux qu’un médecin auscultant un patient, l’enfant de la plèbe s’accroupit pour examiner le moteur et dresser les premières constations, en vue de poser un diagnostic. La pulpe de ses doigts maculés d’huile séchée, vient de temps à autres tâter les pièces pour confirmer ou infirmer ses impressions. La culasse semble n’avoir jamais servie, tant l’usure y est infime. Idem pour le piston et la partie du bas moteur. Les stigmates du temps sont en revanche davantage perceptibles sur le vilebrequin. La bougie n’est de toute évidence pas non plus de première fraîcheur, mais il est peu vraisemblable qu’elle puisse être la raison du problème. Car si problème il y a, l’orfèvre des engrenages est prêt à parier qu’il vient de la chambre à combustion, eu égard à l’état de détérioration affiché. Alors, verdict ? Un seul moyen de le savoir. Verticalité recouvrée, le gymnaste aux articulations corrodées actionne la clef – restée sur le contact - et fait rugir la bête en tournant la poignée. Le regard fixé sur le mur obstruant l’horizon.

Concentration à son paroxysme, afin de décupler l’acuité des sens – en particulier celui de l’ouïe. Une fois, deux fois … . Là ! C’est ténu, mais bel et bien là. Un frottement métallique inopportun. Souhaitant en avoir le cœur net, le trentenaire s’accouve de nouveau, approche son oreille du moteur et réitère l’opération. Aucun doute possible ; son pressentiment bascule désormais en certitude. La bécane promptement mise en sourdine, l’artisan pioche dans la boîte à outils à sa gauche une clé Allen et s’attelle au gros œuvre. Boulons qui se desserrent, écrous qui obtempèrent. Les minutes frissonnent, les heures déraisonnent. Les gestes sont volages et l'ennui fait naufrage. Au prélude du crépuscule, l’office se conclue. Double cycle guéri, requinqué et remis sur pied. Prêt à de nouveau feuler et écumer les étendues goudronnées.

Break bien mérité qui rime avec bolée nicotinisée. Tête à tête avec la vedette. Joues creusées, bouffées léthifères inhalées. Les pupilles aguichées reluquent sans vergogne les formes de la dulcinée inanimée. Tentation qui serpente sous la peau, panache de fumée crachée par les naseaux. Morceau d’acélate de cellulose tombé des lèvres, écrasé sous la semelle. Si belle approchée, enfourchée. Beauté exquise soumise entre ses cuisses. Des cris qui vrombissent quand les mécaniques frémissent. L’échoppe quittée, les juteuses chaires de la grosse pomme croquées. La tempête qui gronde sous le casque et le crâne. Conduite sportive, manœuvre agile, allure féline. La vitesse qui pulse. Slalom entre les véhicules qui lambinent, feux tricolores brûlés à l’orange sanguine. Dans les veines, l’adrénaline bouillonne ; dans la poitrine, l’endocarde fredonne. Les kilomètres défilent, le trafic se désengorge et se fluidifie.

Terre et graviers prennent le pas sur l’asphalte. Arbres, écorce et verdure se substituent au béton, au verre et au ciment. Dans les rétroviseurs, les grattes-ciel pleins de superbe rapetissent et disparaissent inexorablement. Le vacarme de la ville s’abaissent, l’écho de la nature se tresse. Halte marquée à l’orée d’une propriété, monture bâillonnée. Faisant fi de l’écriteau proscrivant l’accès au quidam, l’acrobate d’antan escalade sans mal grillage et palissade. Indolent, il évolue le long des bosquets fièrement dressés, sur les rives placides d’un étang aux reflets scintillants. Arrivé au seuil d’une clairière, le manant s’immobilise sur la berge. Poings serrés et fourrés dans les poches, il laisse son regard songeur caresser la ligne d’horizon, où le soleil s’affaisse. Œillade à tribord, regard torve jeté à bâbord et par dessus le deltoïde. Savates et chaussettes retirées. Sweat à capuche ôté, consciencieusement plié et abandonné sur une souche couchée.

Braguette dézippée, jeans déboutonné et abaissé jusqu’aux chevilles. Boxer qui connaît le même sort. Les molécules aqueuses flagornent les orteils, puis les mollets et bientôt les quadriceps joliment découplés. Un baptême dans le plus simple appareil. Bain de minuit avant l’heure. Le corps s’allonge. Quelques brasses pour rejoindre le centre du lac cossard. Lourde, la tête bascule et la charpente part à la renverse. Les vaguelettes quiètes lèchent et glissent sur la toison pectorale. Hagards, ses iris s’encastrent dans l’azur safrané, où les nues ouatés chahutent et se bousculent. Paupières qui ploient, cils qui se tissent. Tout s’éteint, tout se tait. Pas d'idée, plus de pensées. Seuls les pépiements du cœur murmurent, au rythme benoît des flots charriant sa carcasse qui dérive au gré du hasard. L’haleine du vent souffle et se lève. Sur sa carne, les frissons canailles gambadent. Doux signal sonnant la fin du bal. Le soir rôde, la nuit taraude. Conclusion des ablutions. Trêve des illusions purificatrices pour le repenti, qui s’en va regagner la grève.

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