(( Frozen in time )) • Ft. Jairo

tw : Décès

Music ♫ • (( ootd )) + Novembre 2023 - Assis au comptoir, un verre presque vide entre ses doigts, Jay s’amusait à faire tourner le liquide à l’intérieur, sans pour autant y accorder une profonde importance. Ses yeux fixaient l’objet sans le regarder vraiment… Parce que tout ce qui l’entourait, les mouvements des gens au sein des lieux, le barman qui essuyait les coupes, ou même encore ce couple qui rigolait à quelques tabourets plus loin, il ne les calculait pas. Son corps était confortablement installé à ce bar, mais son esprit était complètement ailleurs et même l’alcool ne paraissait aucunement apaiser cette pluie déferlante dans le creux de son cœur. Chaque année, c’était la même chose. Chaque année, il finissait dans le même état et il n’était pas en mesure de finir cette journée entièrement sobre. Parce que Samuel n’était plus là, parce qu’il ne serait plus jamais là et que, peu importait le temps effacé, accepter cette réalité était toujours difficile à digérer. Si la colère l’habitait à longueur de journée, s’il n’était qu’une boule de rage qui luttait à affronter ne serait-ce qu’un jour de plus, ce n’était pas cette émotion qui dominait le plus ce soir, bien qu’il n’en restait pas moins furieux. Furieux contre le monde entier, furieux contre la vie mais par-dessus tout furieux contre lui-même. Lui, ce maudit incapable, qui n’avait pas été fichu de répondre au dernier appel de son petit frère et qui l’avait laissé souffrir seul, alors qu’il lui avait promis de toujours décrocher. Ce jour-là, il ne l’avait pas fait et Jay ne cesserait jamais de s’en mordre les doigts. Certainement la raison pour laquelle, sur cette pensée, il avala cul sec le reste de son verre avant de faire signe au serveur, afin d’en commander un autre. Mais oui, ce soir, plus qu’être rongé par la haine, c’était la tristesse qui dominait son âme, dévorant chaque parcelle de son être, sans pour autant verser la moindre larme. C’était comme si, peu importait la pluie qui s'abattait dans son organe vitale, il lui était impossible de pleurer. Pourtant, depuis ce jour dramatique, son cœur, lui, n’avait jamais cessé de pleurer, puisque si son cadet n’était plus auprès de lui, les souvenirs l’étaient toujours et un rien suffisait pour le ramener à ce garçon. L’ombre de Samuel n’avait jamais disparu, elle le suivait n’importe où il allait et dieu seul savait ô combien son frère lui manquait. Ce petit homme si doux et si gentil, ce petit homme bienveillant qui avait le soleil dans les yeux et sur les lèvres, mais qu’on lui avait arraché trop brutalement.

Aujourd’hui, cela faisait quatre ans que son cadet n’était plus de ce monde et son absence se ressentait plus fortement à cet instant. Puisqu’il ne s’agissait pas d’une date comme une autre, il s’agissait de l’anniversaire du jour où son univers entier s’était écroulé. Les souvenirs de cette soirée dramatique étaient plus vifs à cette période de l’année, vifs au point de pouvoir encore sentir le corps froid de son petit frère sous ses doigts, sans jamais réussir à le motiver à ouvrir ses paupières. Fermées à tout jamais, voilà ce qu’elles étaient et, le simple fait d’y songer encore et encore, lui torturait l’âme. Le nouveau verre servi devant lui, le policier ne prit même pas la peine de remercier le serveur, se contentant simplement de garder son regard rivé sur sa commande, sans pour autant daigner la boire. De plus bel, son âme avait l’air de s’être envolée autre part, clairement pas dans ce bar où la musique résonnait dans ses oreilles mais qu’il n’entendait pas. Tout comme ce tabouret qui se tira à ses côtés. Oui, il avait bien senti le mouvement hors Jay n’y donna pas d’intérêt, préférant enfin porter le « poison » à ses lèvres et se perdre dans les méandres que l’alcool pouvaient lui procurer. Un bref instant, il détourna légèrement ses iris auprès de lui, les posant sur ce garçon installé à côté, néanmoins il les replaça bien assez tôt sur le verre tenu entre ses mains. Evidemment qu’il l’avait reconnu toutefois il n’était vraiment pas d’humeur à discuter, encore moins à supporter ses gamineries. Et la lueur dans ses pupilles le démontrait suffisamment, cette lueur qui avait perdu toute brillance, pas même cette aura glaciale qu’il arborait n’importe où il se rendait. Il n’y avait plus rien, juste un vide et une peine profonde.