espoirs qui s'embrasent (hwan)

Rude journée. Une de plus qui s'ajoute à la longue liste de ton quotidien parsemé de tes doutes et peurs. Pourtant, certaines sont plus redoutables que d'autres. C'est le cas d'aujourd'hui. Son regard. Son sourire. Ses mimiques. Les mêmes que les siennes. Tu t'es figée sur place lorsque le visage de cet enfant a fait face à tes prunelles. Ton esprit te joue des tours, c'est ce que tu t'es tout de suite dite. Ou plutôt, c'est ton cœur. Il te manque, Hana. Indéniablement. Si quelques secondes se sont écoulées avant que tu ne reprennes tes esprits, tu n'as pas pu t'empêcher de lui sourire comme tu ne souris plus depuis si longtemps. Ce frère disparu que tu as l'impression de retrouver par le biais des traits de cet enfant. La fissure de ton myocarde qui se creuse pourtant plus profondément avant que la culpabilité ne reprenne la main. Comme à chaque fois. C'est toujours la même chose et ça ne changera jamais. L'impression de te retrouver des années en arrière lorsque son cœur s'est arrêté de battre. L'impression de te noyer à nouveau. Arrêt cardiaque. Les gestes ont été réfléchis, contrôlés d'une perfection pour laquelle tu es connue dans l'hôpital. Tu n'as pas pu sauver ton jumeau, mais lui, tu peux le sauver, Hana. Manipulations spécifiques effectuées minutieusement avant que l'organe ne reprenne vie et que tu puisses enfin expirer sereinement.
Son sourire t'a hanté pour le reste de la journée. Gamin sauvé de justesse, t'as préféré le laisser entre les mains d'un collègue, incapable de faire comme si ça ne te touchait pas. Ta garde terminée, c'est pourtant encore à ce petit être frêle que tu penses, consciente que le drame de ton existence va se glisser dans tes rêves cette nuit. La blouse rangée dans le casier, tu enfiles ta veste et récupères ton sac avant de t'engouffrer dans l'ascenseur pour te retrouver au rez-de-chaussée et quitter l'établissement médical. Tu devrais rentrer chez toi, Hana. Mais tu peux pas. Tu veux pas. Une fois les yeux fermés, la scène va se reproduire, encore, encore et encore. Tu le sais, mais tu veux pas. Incapable de prendre la direction de ton domicile, tu décides finalement de changer ton itinéraire jusqu'à cette petite ruelle que tu affectionnes particulièrement. Un petit restaurant coréen qui ne paye pas de mine à première vue, mais qui sert les meilleurs jajangmyeon de New-York. tu prends place à ta table habituelle et il ne faut pas longtemps avant que la propriétaire des lieux d'un certain âge vienne te saluer. Sûrement la seule personne que tu assimiles un tant soi peu à un membre de ta famille. La gentillesse de la dame te touche au point que tu la nommes "halmeoni" depuis le premier jour, habitude qui ne s'est pas perdue depuis. Ton plat commandé, la grand-mère t'apportes également une bouteille de soju demandée plus tôt, bien qu'elle te répète à nouveau que tu ne devrais pas boire. Peu importe, tu ne travailles pas demain. Premier verre que tu avales d'une traite et qui te fait grimacer. Les yeux qui se baladent à travers la vitre sur la rue. Qui fixe une ombre familière. Tu peux pas déjà être saoule, Hana, pas après un verre. Les images qui défilent, te rappellent ses prunelles, ce parfum unique qu'il portait et le goût de ses lèvres. Hwan. Impossible, ce n'est pas lui. Tu l'as pas vu clairement, tu t'es trompée. T'es fatiguée, Hana, voilà tout. T'as eu une journée difficile, t'as l'esprit embrumé et ta vulnérabilité est plus forte que d'ordinaire. Tu te mets à rire légèrement, te trouvant stupide devant le regard interrogateur de la grand-mère qui dépose l'assiette devant toi. "Je t'assure que je vais bien, je suis juste fatiguée, grosse journée" que tu lui affirmes quand elle te demande si tu vas bien, tentant tant bien que mal de la convaincre. Lorsqu'elle s'en va, tu n'arrives pourtant pas à toucher à ton repas, l'estomac noué. Un deuxième verre avalé, tu t'empares à nouveau de la bouteille de verre pour te remplir un troisième verre, les pensées complètement en vrac.