L'air enjoué, tu fredonnes la mélodie de cette chanson qui passait dans la cafétéria au moment où tu cherchais ton café. Tu déposes tes affaires dans ton casier avant d'enfiler ta blouse et débuter les visites de tes patients en chirurgie cardiaque. L'avantage de ne pas être rattachée à un service en particulier, tu as la possibilité de pratiquer différentes techniques de chirurgie et d'en apprendre toujours plus. La chirurgie générale était comme une évidence à tes yeux alors que tu étais incapable de choisir la voie vers laquelle te diriger. Choix remis en question de nombreuses fois par tes parents, sujet de discorde qui n'en est plus un désormais, puisque tu t'es éloignée de tout ce qui te retenait de tes terres natales. Il t'arrive d'avoir des contacts avec ton père, lorsque ton absence lui pèse et qu'il se rappelle avoir une fille. Avec ta mère, les liens se sont évaporés, ne laissant plus que le néant entre vous. Elle ne te pardonnera jamais, tu le sais pertinemment. Toutes ces années qui se sont écoulées depuis le décès de ton jumeau, noyé en voulant te sauver et pourtant, sa colère et sa tristesse ne semblent pas avoir diminué depuis. Comme si tu ne te sentais pas assez coupable comme ça, il fallait en plus qu'elle profite de chacun de vos rares échanges pour te le rappeler.
Les visites terminées, tu t'apprêtes à rejoindre le service orthopédique pour une consultation lorsque ton biper se met à vibrer. Appel des urgences qui change tes plans, tu presses le pas pour t'y rendre et récupères une paire de gants que tu enfiles rapidement avant de rejoindre une infirmière accompagnée d'un interne. Patient visiblement sous l'effet de stupéfiants, il a été amené suite à un accident de voiture. Blessures ouverte et visible sur la tempe droite, tu fronces les sourcils en tentant d'évaluer la situation pour apporter les premiers soins à la victime qui tient difficilement en place. Agité, tu ne comprends pas vraiment ce qu'il raconte, comprenant assez facilement qui n'est pas du tout lucide.
Tu ne comprends pas tout de suite ce qu'il se passe, ni comment les choses ont pu dégénérer aussi rapidement. Un brancard passe sous votre nez, une patiente qui pleure et hurle de douleur, pointant du doigt l'homme intoxiqué en le blâmant d'avoir causé l'accident ayant entraîné le décès de son mari. La tension monte instantanément d'un cran lorsque la folie accompagné de la colère prennent le contrôle de l'esprit de l'homme. Il se redresse brutalement et s'empare du bistouri que tu as entre les mains si vite que tu n'arrives même pas à réagir. Instrument médical qu'il dirige vers l'infirmière qui t'assistait plus tôt pour le soigner, menaces qui sont braillées dans tout le service. L'homme exige d'être soigné puis mis en liberté sans contrainte, conscient malgré la prise de stupéfiants qu'il a des ennuis. Tu lèves les mains délicatement et tente d'apaiser l'homme du mieux que tu peux, inquiète qu'il s'en prenne à ta collègue. "Monsieur, s'il-vous-plaît, calmez-vous, ce n'est pas la solution". Tentative vaine qui attise d'autant plus sa colère, le bistouri qui glisse sur ton avant-bras et écorche ton épiderme, l'homme mettant en scène ses menaces. "T'approches pas ! Recule j'te dis ou ce sera ton joli cou la prochaine fois". Douleur lancinante que tu essaies d'ignorer, la peur dans les yeux de ta collègue qui la paralysie. À cet instant, tu ne penses même pas aux risques auxquels tu t'exposes, ton objectif étant de la sauver, elle. "D'accord, d'accord, on va faire comme vous voulez. Mais elle, elle ne peut pas faire grand chose pour vous, laissez-là partir. Je suis médecin, je peux vous aider". Ce n'est qu'une question de secondes maintenant pour que la sécurité soit appelé ou mieux, la police. Tout ce que tu dois faire, c'est gagner du temps et éviter qu'il y ait des blessés. "Fais vite et surtout, joue pas à la maline avec moi, sinon j'te crève". Tu dégluties, commençant à te rendre compte que finalement, tu t'es volontairement mise dans de beaux draps, mais rapidement soulagée de voir qu'il ne menace plus ta collègue qu'il laisse reculer doucement jusqu'à ne plus se trouver dans son champ de vision. La pointe du bistouri proche de toi, tu fais de ton mieux pour ne pas laisser la peur te gagner, même si tes mains tremblantes te trahissent. Malgré tout, tu prépares ce dont tu as besoin pour soigner la plaie de l'homme en lui expliquant à voix haute chacun de tes gestes pour le mettre en confiance et ne pas le brusquer. "J'ai besoin de nettoyer la blessure avant de pouvoir l'inspecter, si c'est profond, il faut suturer". L'homme hésite quelques secondes avant de comprendre qu'il n'a pas vraiment le choix. Il s'installe sur le bord du lit et ne manque pas de tenir le bistouri proche de ton cou. Tu déglutis à nouveau et inspire longuement en faisant face à son visage terrifiant avant de débuter la phase de nettoyage, espérant très fort que les secours vont rapidement arriver.