L’ambiance est à son comble et les festivités ont démarrées depuis un moment lorsque tu t’approches des lieux. La musique tambourine si fort que tu peux déjà reconnaître les titres qui s’enchaînent alors que tu n’es même pas encore entrée. Tu voulais même pas venir à la base, épuisée par cette longue journée qui ne veut définitivement pas se terminer. Cohésion social et victoire méritée que ton collègue t’a avancé lorsque tu as souhaité prendre congés. Il a raison Sun-Hee, tout ce travail acharné a commencé à porter ses fruits et tout le monde mérite à présent de fêter dignement. Jamais tu n’aurais cru que le groupe irait si loin aussi vite alors qu’il était en chute libre à ton arrivée. Réputation sauvée à la dernière minute, t’as fait des mains et des pieds pour obtenir le résultat d’aujourd’hui. Toi aussi t’es fière. Ouais, tu peux être fière de toi Sun-Hee, t’as enchaîné toutes ses nuits blanches pour une bonne raison. Même si tes pieds ne veulent plus te suivre et qu’ils te font mal, c’est quand même avec un grand sourire aux lèvres que tu t’approches de leur table en saluant tout le monde en hurlant presque. Ils sont tous là, sans exception, les étoiles qui brillent dans leurs yeux, la reconnaissance pour les avoir fait monter aussi haut alors qu’ils avaient perdu espoir. Des gamins à qui tu as redonné l’envie de se dépasser et de vivre pour leur passion de la musique. Ils t’accueillent à bras ouverts et se poussent dans la minute pour te donner une place confortable sur laquelle tu te jettes presque de fatigue. Tu n’as même pas le temps d’ouvrir une conversation qu’un premier verre s’offre à toi, que tu refuses poliment. Toi et l’alcool, c’est pas ça, clairement pas ça. T’as beau avoir tenté l’expérience plusieurs fois à l’aide de nombreuses bouteilles de soju et autres bières coréennes, rien n’y fait. Il te suffit d’un seul et unique verre pour que ton esprit s’évanouisse dans le néant. Lâcher prise, tu sais pas vraiment comment faire, ça te fait peur. T’es le genre à tout prévoir jusqu’au dernier détails, l’incertitude et les aléas ne font pas partis de ton vocabulaire.
Tu refuses une seconde fois, toujours aussi poliment. Les remarques fusent tout aussi tôt. Ils ne sont pas malveillants, ils veulent juste que tu profites avec eux et que tu célèbres à l’unisson. Tu veux toujours pas, tu sais jamais comment ça se finit et c’est pour ça que tu le fais pas. Mais l’hésitation s’implante dans ton esprit lorsque tous les regards sont tournés vers toi et qu’ils te supplient presque de n’en prendre qu’un. Un seul verre. C’est pas tous les jours que tu fais ça, c’est pas grave, lance-toi. Un verre et tu rentres te coucher. Ce verre que tu prends entre tes doigts fins et que tu apportes jusqu’à tes lippes rosées pour en boire le contenu de quelques gorgées. Ouais, ce n’est définitivement pas de l’eau, ça te brûle la gorge et même si c’est pas la première fois, t’aimes toujours pas ça. Tu comprends pas vraiment l’engouement pour l’alcool et encore moins les raisons pour lesquelles il y a tant de personnes qui finissent dans un sale état. Interrogation qui se tait lorsque tu prends part aux diverses conversations de la tablée. T’es tellement happée que tu te rends même pas compte que t’as terminé ton verre et qu’on te l’a remplacé par un second et un troisième. Deux heures plus tard, ce que tu redoutais était arrivé. T’arrêtes pas de sourire bêtement et t’es comme obnubilée par toutes ces lumières que tu trouvais dérangeantes à ton arrivée. T’as chaud Sun-Hee, trop chaud même. T’as besoin d’air frais, là, maintenant, tout de suite. Tu te lèves bien trop vite et ta tête tourne au point que t’as besoin de te rattraper à ce coin de table. Tu te faufiles avec difficultés entre cette foule qui se déchaîne sur la poste de danse et tu te trompes à deux reprises de portes avant d’enfin trouver celle qui te libère. Le froid de la nuit te mord les joues, mais ça te fait du bien. Tu fermes les yeux et profites de cette sensation agréable encore quelques minutes avant qu’une voix masculine ne t’accoste. Loin d’imaginer le danger qui te guette, tu lui souris sans même distinguer les traits de son visage. Discussion qui débute, mais que tu n’arrives pas à suivre, ni à retenir les réponses de l’homme qui se veut de plus en plus familier avec toi. T’as pas non plus le réflexe de le repousser lorsqu’il effleure ton visage d’une main et qu’il t’attrape par le bras de l’autre. Il t’oblige à faire quelques pas, mais tout ce qui t’inquiète à cet instant c’est la douleur de tes pieds provoquée par ces mêmes talons, sans de douter qu’une intention malveillante et dangereuse t’entraîne vers un destin funeste.