family until the end of times (théo)

Le palpitant qui bat à cent à l'heure, qui cogne contre ta poitrine alors que tu hèles un taxi. La panique gagne du terrain, les poils de tes bras s'hérissent et tes prunelles humides laissent couler des effluves de cet océan qui ne demande qu'à retrouver sa liberté. Tu n'y croiras pas tant que tu ne l'auras pas vu. Peu importe à quel point la voix crispée à l'autre bout du fil tente de te convaincre que le pire est derrière, peu importe qu'elle essaie en vain de te rassurer et de te faire croire qu'il va bien, maintenant. Ça ne suffit pas, t'as besoin de plus, beaucoup plus. T'as pas hésité une seule seconde à tout lâcher pour te diriger vers cet hôpital, indifférente aux regards interrogateurs de tes collègues. Tu rendras des comptes à l'agence plus tard, tu as plus important à faire, pas vrai ? Vérifier qu'il est en vie. Faites qu'il soit en vie, que tu te répètes sans cesse, incapable de déverrouiller ton téléphone alors que les messages et appels se multiplient, les mains bien trop tremblantes. "Est-ce que vous pourriez accélérez s'il vous plaît ?" que tu demandes poliment au chauffeur, lui qui n'utilise pas la circulation comme excuse pour refuser ton souhait, lui qui a bien compris l'urgence de la situation lorsqu'il t'a vu entrer dans son véhicule dans un si piteux état, encore plus lorsque tu lui as indiqué l'hôpital Mount Sunai comme destination. Un hochement de tête silencieux qui veut tout dire, dans une autre situation, tu lui aurais souri en guise de remerciements.

Arrivée sur les lieux, paiement effectué, tu presses le pas pour réduire la distance qui te sépare de lui, ton aîné, ton frère. Histoire classique d'un frère et d'une sœur, tensions palpables bien tôt dans vos vies, davantage parce que tu ne comprenais pas qu'il soit tant mis en avant par vos parents. Il n'était pas responsable, mais tu étais jeune et immature, incapable de faire la part des choses et de blâmer les véritables fautifs. Tu lui en as voulu, Sunhee, profondément, longtemps. Toi aussi, tu voulais t'accrocher à tes rêves, toi aussi tu étais talentueuse, toi aussi tu voulais les rentre tous fiers. La jalousie, la colère et la tristesse t'ont poussé à le détester de nombreuses années avant que tout ne s'évapore au fil du temps. Et maintenant ? Maintenant, tu donnerais n'importe quoi pour voir ses yeux pétiller. C'est ton frère. Ta famille. Envers et contre tout. Le dos qui s'écrase contre la paroi de l'ascenseur dans lequel tu te jettes après avoir appuyé sur le bouton menant au bon étage. Tes paupières qui couvrent ton regard, tu essaies de reprendre tes esprits, tu ne dois pas te laisser aller, tout ira bien, pas vrai ? T'as peur, Sunhee. Une crainte viscérale qui ne quitte pas ton épiderme, tes pensées, ton âme. Comment est-ce que t'as pu passer à côté de ça ? Comment peux tu être surnommée comme cette personne ensoleillée alors que son ciel à lui était sur le point de s'éteindre définitivement ? T'as faillis, Sunhee, t'as pas été capable d'être là pour lui, de tenir ton rôle de sœur, t'as pas été à la hauteur. La culpabilité te ronge, mais tu la pousses sur le côté, refusant de penser à toi à cet instant. Tu dois le voir, pour le croire. Ton corps frêle tremble en harmonie avec les battements frénétiques de ton myocarde alors que ta main se pose sur la poignet de la porte après avoir toqué. T'hésites quelques secondes avant de te lancer, te préparant à tous les scénarios possibles et imaginables. Tu ne te rends compte que tu as arrêté de respirer que lorsque tes iris se pose sur lui et que tu laisses enfin l'air s'installer dans tes poumons. Il va bien, Sunhee, il est en vie. Tes doigts qui se resserrent sur les lanières de ton sac, le silence qui règne dans la pièce, t'as du mal à croiser son regard alors tu laisses tes prunelles glisser du moniteur à la perfusion, te mordant violemment la lèvre inférieure pour ne pas éclater en sanglots face à cette scène d'horreur. Mais t'as pas le droit de pleurer, pas devant lui, t'as honte, si honte. T'as l'impression d'être une petite fille face à lui, tu sais pas quoi lui dire, tu sais pas ce que tu peux ou non ressentir. Pardonne moi, oppa que tu penses sans qu'aucun mot ne sorte d'entre tes lippes.

Malgré la venue de Yerin, rien ne changeait, le jeune homme se sentait toujours aussi fade et probablement qu’il lui faudrait beaucoup de temps, avant de rejoindre la lumière à l’autre bout du tunnel. Pour le moment, c’était compliqué… Et l’épuisement l’avait conduit à s’endormir une nouvelle fois, les paupières lourdes, celle qui n’avait jamais cessé d’aimer à son chevet. Lorsqu’il ouvrit les yeux de plus bel, ses premières pensées furent de croire que tout ceci n’avait sûrement été qu’un rêve, son ex-petite amie n’avait pas pu se tenir auprès de lui. C’était impossible. Puisque qu’est-ce qu’une femme comme elle, si merveilleuse et formidable, voudrait faire avec un homme comme lui ? Pourtant, leur conversation lui paraissait si réelle, et il était encore trop dans les vapes pour dissocier le fictif de la réalité. Les médicaments administrés ne l’aidaient pas à émerger avec facilité, toutefois le garçon essayait malgré tout d’ouvrir les yeux, la lumière de la pièce l’aveuglant, avant de trouver la pièce vide. Avait-il vraiment rêvé ? Yerin n’était plus là et lui était ici, allongé sur ce lit, abandonné avec ses démons. La noirceur arpentait chaque parcelle de son être, le manque d’énergie l’empêchait de penser avec positivité, et son envie principal était que tout s’arrête, une bonne fois pour toute. Evidemment, il aimerait songer autrement, être plus fort et se battre, mais ne s’était-il pas battu ces derniers mois ? Il n’avait jamais cessé de lutter cependant, aujourd’hui, il était épuisé et souhaitait baisser les armes. Il n’était pas en mesure de voir comment il pouvait s’en sortir, alors que ce mur devant lui paraissait infranchissable.

Un soupir traversa ses lèvres tandis qu’il se calait plus confortablement contre le dossier, légèrement relevé, de son lit. Puis, alors que son regard se rivait vers la porte, il fut surpris d’entendre quelqu’un toquer, le motivant à détourner son attention vers la provenance du bruit. Une silhouette féminine fit son apparition, une silhouette qu’il reconnut immédiatement et qui n’était pas son ex-petite amie, mais qu’il aimait tout autant. Aucun son ne traversa la commissure de ses lèvres, l’observant simplement, sans savoir quel mot prononcer en premier. Devait-il avoir honte et s’excuser ? Dans sa condition, il était purement égoïste, incapable de relativiser avec ses proches qu’il avait failli abandonner à tout jamais, incapable de comprendre leur douleur et leur inquiétude, incapable de deviner leurs tracas, incapable de les réconforter, comme il avait toujours essayé de le faire jusqu’à présent, jusqu’au point de non-retour. Sa petite sœur n’était pas à l’aise, la culpabilité, la peine et la honte semblait briller dans ses pupilles mais, lui, il ne le voyait pas. Tout autour de lui n’avait plus aucun goût, plus aucune signification et plus aucune couleur ; il était là sans l’être. « Hey. » Fut l’unique chose que le garçon rétorqua, sans l’once d’une esquisse au bord des lèvres, parce que lui non plus ne savait pas quoi dire d’autre, parce qu’il ignorait comment affronter toute cette situation et qu’il aurait juste voulu disparaître. Mais pour elle, pour sa petite sœur, il voulait essayer de faire un effort ; elle était venue lui rendre visite, il ne souhaitait pas la décevoir plus qu’il ne l’avait déjà fait.