l'adn dans le sang (ambroise)

goût de fer qui s'accroche à son palais. le gamin grandit ce soir, prenant la forme d'un combattant qui n'ose pas lâcher. qui n'ose pas reculer. quelques substances comme meilleure amie pour se relever et affronter la vie. une dose de courage sous forme de poudreuse inhalée. mauvaise idée.
ses réflexes sont merdiques. il y a quelques heures, le gamin aurait gagné. il aurait été rapide. son adversaire n'aurait jamais pu l'atteindre.
mais les heures sont passées, la drogue est redescendue pour laisser place à un corps qui a du mal à se mouvoir. comme après une cuite, comme après des jours sans fermer l'oeil. tout est au ralenti. le gamin est au ralenti incapable d'esquiver les coups. il finit de nombreuses fois au tapis, mais putain il est hors de question de décevoir cet homme. l'accent russe qui susurre à son oreille pour l'inviter à se redresser. la fierté qu'il aimerait entrevoir une fois de plus dans ses iris. d'une façon ou d'une autre. ambroise pourrait y laisser sa vie mais s'en branle. de toute façon, personne ne l'attend chez lui. ils seront un peu triste puis passeront à autre chose. se barreront dans un pays étranger pour faire croire que la distance peut tout résoudre. il sera laissé pour compte.
alors ambroise se redresser pour encaisser un énième coup. bien sûr qu'il a frappé son adversaire mais pas suffisamment fort pour se défaire de ce sort funeste qui l'accable. le k-o qui s'incruste dans le combat, son corps qui s'écrase au sol pendant que ses paupières se ferment mécaniquement. l'âme s'échappe de son enveloppe tuméfiée qui ne s'en remettra pas s'il n'est pas de suite amené à l'hôpital.
corps balloté sans qu'il ne s'en rende compte. inconscient on l'embarque dans une voiture, puis un brancard et finalement une salle d'opération stérile. pas besoin d'anesthésiant dans son état. il a perdu trop de sang pour risquer de rajouter des substances dans son organisme. l'overdose s'accroche à quelques pas, prête à sévir une dernière fois avant que le médecin ne recherche du sang à lui transfuser. les réserves qui ne sont pas accessibles sans justificatif. la situation qui empêche de rentre le tout officiel... alors il y a ce médecin sous sa blouse blanche qui court en salle d'attente pour inviter tous les mecs de la mafia russe de se faire tester pour fournir du sang.
une victorieux.
le patron.
la tête du groupe qui est compatible avec le gamin. incroyable. presque trop, pour être vrai. le médecin amène vadim jusque dans la salle et se dépêche de ponctionner le sang directement à la source pour couler dans les veines du gamin inconscient. monsieur kuznetzov... je vais tout faire pour sortir le gamin de là. ne vous inquiétez pas. la famille avant tout. ce sang est similaire, beaucoup trop pour qu'ambroise et vadim soient deux étrangers. au contraire. un lien de génétique se joue là dessous.

paupières qui clignent plusieurs fois. lumière aveuglante, arrachant ses rétines et l'obligeant à refermer ses yeux la seconde d'après. conscience martyriser qui s'ouvre de nouveau au monde des vivants. ambroise revient presque d'entre les morts pour faire face à un plafond trop blanc, des lumières agressives et des bips criards. les douleurs débarquent juste après la première tentative pour se relever. des tuyaux sont accrochés à son bras, d'autres jusqu'à son nez qu'il libère comme il peut. le gamin essaie de se rappeler ce qu'il s'est passé en gigotant à moitié dans ce qui aurait pu être son lit de mort.
puis il se souvient. ce coup qui est venu l'achevé. l'odeur de sang et de transpiration dans les sous-sols où se jouent ces combats. ambre n'a pas eu sa garde suffisamment haute. il s'est laissé abattre comme un débutant. des gestes beaucoup trop lents. à force de planter des aiguilles dans sa peau, fallait bien que ça arrive. paupières qui clignent encore plusieurs fois avant de se focaliser sur des iris sombres qui le foudroient.
vadim.
putain de merde. combien lui a-t-il fait perdre ? est-ce que finalement il a été sauvé de la mort pour la recroiser dans peu de temps ? ambroise est certain que cette erreur ne sera pas qu'une simple erreur. ça ne se passe pas comme ça dans le monde de ce russe. la conscience est atteinte, lucide. vadim va certainement l'étrangler. le gamin imagine déjà toutes les machines reliées à son corps s'affoler sans qu'il n'y ait une seule personne qui ne vienne l'aider parce que c'est normal. c'est lui qui contrôle tout, c'est lui qui décide. gamin déboussolé qui se redresse, grimace se dessinant sur les traits de son visage face à l'effort. j'suis désolé... la toux le prend, la fatigue l'accable. puis il y a ça aussi. le manque. combien de temps est-il resté dans cet état ? l'inconscience. est-ce qu'on a prévenu ses proches ? il espère que non. il sait que non. si vadim est ici, c'est que sa soeur ou son père n'ont pas été mis au courant. j'vais te rembourser les pertes, j'te jure je vais tout rembourser. parce que cette défaite a certainement dû couter de l'argent... et dans ce monde... on rembourse avant de rencontrer la faucheuse.
est-ce qu'ambroise a peur de mourir ?
il ne devrait pas, avec tout ce qu'il s'inflige il a presque conscience de se rapprocher de la traversée du styx. pourtant... il continue. encore. comme un besoin primaire, viscéral. quelque chose contre laquelle il ne cherche même plus à se battre.

les doigts qui se redressent, la mère qui s'allonge et la peur creusant déjà les entrailles.
l'échec peut avoir de lourdes conséquences et ambroise a conscience que ce qu'il vient de faire pourrait lui couter la vie. il entrevoit déjà la rugueuse faucheuse se délecter des conséquences exécutées par le russe. pourtant, aucun coup ne vient le choquer. aucune pression, si ce n'est d'une main sur une épaule. un peu simple. outrageuse. véridique. le gamin observe, silencieux. l'argent n'a jamais été un problème chez les wood. il pourrait rembourser à coup de demandes au patriarche wood pourtant... ça ne semble pas être suffisant. est-ce que le russe a une idée de la fortune wood ? sûrement pas. malgré la pression que la mafia peut appliquer sur son paternel, il y a des choses secrètes qui le resteront.
pas de faux semblant, c'est évident. les mots glisses tout en laissant une fine couche d'appréhension. le liquide rouge carmin coupé à autre chose n'est pas passé inaperçu, malheureusement. n-non. non. léger murmure pour contredire. s'en sortir. non. putain non. ambroise ne cherche pas à rencontrer la douce lumière demain ni les jours suivants. ambroise est vidé, écrasé sous des émotions qui grignotent son âme sans lui laisser le choix. gamin paumé.
déménage ?
l'incompréhension liait ses traits. comment ça déménager ? rythme cardiaque qui s'accélère. l’appréhension de devenir le futur esclave de la mafia pour expier ses fautes. douloureuse surprise, lourdes conséquences. le gamin ne veut pas déménager. pas de cet appartement qui se trouve au plus proche de celui de sa soeur... lien déjà bancal, fracturé le rendant malade. myocarde dégueulant sa peine et la camouflant sous des doses toujours plus lourdes de poudreuses et autres... ambroise ne veut pas se perdre dans cette baraque où il a déjà foutu les pieds pour se faire soigner. parler ? j'veux.. j'ai rien à dire. j'ai merdé vadim j'le sais. j'ferai plus ça. mensonge, mensonge, mensonge. ils s'accumulent à chaque fois qu'il étire ses lippes pour en formuler quelques mots. âme esseulée se noyant dans sa solitude mais n'osant pas ouvrir la moindre écoutilles. c'est terminé d'espérer. terminer, de respirer. respiration presque haletante. les machines s'excitent autour de lui, rappelant à tous qu'il n'est finalement qu'un morceau écrasé par la vie elle-même. le gamin n'a aucune idée que ce qu'il cherche depuis des mois se trouvent là, devant ses obsidiennes sombres de terreur.

faible, faible, faible.
âme esseulée, écrasée. faiblesse suintant de chacune de ses plaies. ambre ne peut démentir les mots du russe. parce qu'il a raison. il court à sa perte, fonce vers l'enfer. il n'est plus question de se brûler... mais de se consumer, disparaître. la pente est raide et il n'a plus aucune accroche. le gamin secoue sa droite. droite. gauche. plusieurs fois. non. ses pensées ne sont pas aussi sombres, seulement tourmentées.
bien sûr qu'il ment. bien sûr que s'il reste chez lui, il tombera. le gamin ne sera plus qu'une âme perdue, anéantie. est-ce que c'est ce qu'il veut ? non. mauvaises habitudes dans lesquelles il se noie tout en étant incapable de les abandonner. myocarde en ébullition. pourquoi est-ce qu'il n'a finalement pas couru vers la lumière ? parce qu'il a encore trop de choses à faire dans ce monde. main rude, ferme qui s'étend sur son épiderme tout en le récupérant de justesse. il revient dans le monde réel, s'ancre dans les yeux sombres et dangereux du quarantenaire. accroché à ses pupilles, son coeur se calme. doucement. la peur, les tourments, la culpabilité. toutes ces informations néfastes s'effacent pour plonger dans ce que l'homme a à lui offrir. un moment suspendu, dans le temps. des mots qui cognent, arrachent un pansement à peine déposé. même sensation d'être piégé. pourtant il y a ce poids. dense. lourd. implacable. ce poids qui s'étire devant les vérités qui se présentent. difficile d'y croire. que...quoi ? premiers mots. surprise. l'homme recule laissant le gamin seul avec ses questions. leur sang était compatible. est-ce que ça veut dire que... que ce qu'il cherche depuis des mois se trouvait en réalité devant ses obsidiennes ? impossible. pas... non. c'est impossible. les lippes s'ouvrent sans souffler le moindre son. il peut fuir comme il peut foncer dans cette fenêtre entre-ouverte. ramène moi chez toi. supplique, demande. les mots s'échappent rapidement. la peur de quitter son environnement affronte son besoin de comprendre et connaître les vérités qui l'entourent. s'il te plaît... rien qu'un gamin perdu, esseulé et à moitié-brisé. physiquement ça se voit. ce soir, ambre aura transformé sa silhouette en carcasse cabossée. mais psychologiquement... c'est un autre monde, bien plus sinistre et lugubre. les substances ingérées ne sont qu'une parenthèse, un signal démontrant l'étendu des dégâts des mensonges formulés par la famille wood.