(abhishek) underground.

Dim 24 Sep 2023 - 21:23

( outfit ) la main agrippée à la barre, les pupilles osent s'échapper un instant sur l'écran du portable. les doigts s'agitent doucement, glissent sur le smartphone, lit une information ici, ou là. un article qui l'intéresse par rapport à ses examens.
le métro s'ébranle un instant, passe de stations en stations.
ayun reste malgré tout concentré sur les arrêts. dans sa tête, il les compte. il est bien obligé. au moins, ça lui évite d'avoir à lire chaque nom encore et encore. à force, il a pris cette habitude puisqu'il ne les entend plus ; les annonces.
ayun vient de quitter quelques heures passées à la bibliothèque où il a mené des recherches pour le futur exposé qu'il doit rendre. s'il reste studieux, il n'en a pas moins la tête un peu ailleurs depuis qu'il a rencontré hisoka. il ne saurait expliquer ce lien qui les relie l'un à l'autre, bien qu'il soit certain que son cadet s'y connaisse peut-être un peu mieux.
toutes ces années passées à se soustraire à bien des émotions pour tomber face à un garçon qui les vit de manière décuplée. ça fait sourire les lèvres d'ayun. et quand il s'aperçoit que son écran s'est noirci, il l'enfouit dans son sac. il se décale un peu, laisse passer une personne ou deux.
le métro n'est pas l'endroit dans lequel il est le plus serein. il n'a pourtant pas toujours d'autre choix que celui de l'emprunter. ça va plus vite. plus que quatre ou cinq stations. mais quelque chose cloche et les lumières se tamisent. ayun se retourne, tente d'observer les visages des passagers, de comprendre. la rame est-elle bloquée ?
son coeur commence à paniquer. il a déjà mis une main sur son oreille, dans l'espoir vain de la déboucher. il déglutit, essaie de jeter un regard par la fenêtre, mais tout est sombre. et il y a du monde. ayun se cramponne à la barre, sa bouée de sauvetage. l'angoisse.

@Abhishek Sudarshan

Mer 27 Sep 2023 - 23:49

Je peux pas vraiment dire que je connais New-York. C'est sûr, j'y vis depuis plusieurs années maintenant. Mais je ne vis pas dans le New-York des séries télé, en plein Manhattan avec vue sur Central Park. Oh, j'en aurais les moyens, maintenant... mais ça ne m'intéresse pas. Je suis bien, dans le Bronx. Par rapport à là d'où je viens, c'est un peu mon upper east side à moi. Je vois pas pourquoi j'irais dépensé mon argent dans appartement bien trop grand et trop luxueux pour moi, sachant que celui que j'ai là et déjà trop grand tout court. Je suis bien, comme ça. En survêtement dans le métro, traversant Brooklyn, et donc littéralement tout New-York, pour rentrer chez moi. Ce que j'y foutais ? Les affaires, les affaires... faut parfois faire du marchandage et des déplacements pour pouvoir alimenter St Harry's en nécessaire. J'ai donc fait ce qu'il fallait pour aller récupérer une petite caisse d'inhalateurs "presque périmés". Dans le langage américain, ça veut dire "fonctionnera normalement pendant encore un an ou deux mais nos riches concitoyens méritent le meilleur, tu parles au prix où ils paient ça ça vaudrait mieux".

Je me trimballe donc, normal, dans mon plus bel attirail de bronxite, à savoir sweatshirt à capuche (baissée, pour le coup), vieux jean trop large, basket et sac à dos. Lequel contient donc quelques centaines d'inhalateurs pour asthmatiques, mais ça, qui pourrait le deviner ? Et puis, en cas de contrôle ou autre rencontre avec un représentant de la loi un peu trop zélé, j'ai toute mes accréditations, non ? Alors tout va bien. Je dois juste me taper des heures de trajet pour rejoindre la maison, et perdre mon temps comme ça, ça m'énerve franchement.

Je me laisse bercer, somnolant à moitié, par le mouvement plus ou moins régulier de la rame. C'est juste l'odeur qui me maintient éveillé, à ce niveau là. Et c'est un gars qui a grandi dans les slums indiens qui vous dit que ça pue, alors faut le croire.

Un grésillement reconnaissable fait une annonce qui réveille un peu tout le monde, même si personne n'a rien compris. Enfin, faut pas leur en vouloir, ils sont chauffeur de métro automatique, ils ont pas un diplôme en ingénierie du son, alors utiliser un micro, même si ça leur arrive souvent, c'est pas leur fort. La rame s'arrête donc, et on est pas plus avancés. Non, puisqu'on est sur place. Comme tout le monde, je soupire, mais je ne râle pas spécialement. Autour de moi, ça ne s'agite pas plus que ça, simplement les uns qui essaient de traduire aux autres ce que les crachats des hauts-parleurs ont tenté de dire. C'est de la divination de savoir ça, si vous voulez mon avis.

Mon regard s'attarde pourtant sur un jeune homme qui lui, ne bouge pas. Crispé, agrippé à sa rampe comme Scrat à sa noisette, il ne semble pas aller très bien. Je soupire à nouveau. Je suis de repos aujourd'hui, j'ai pas envie de me taper l'angoisse d'un claustrophobe dans le métro... alors autant y aller avant que ça devienne une urgence. Je me redresse un peu et lui tapote sur l'épaule.

- Hey, mec... ça va ?

Ben quoi, je suis habillé en habitant du Bronx que je suis, je vais pas non plus lui donner du "monsieur".

Sam 30 Sep 2023 - 22:55

( outfit ) souvent, quand le coeur tangue, ayun tente de se rappeler des sons qui l'ont entouré durant les huit premières années de son existence. il essaie de se souvenir du bruit des vagues, celles qui s'écrasent sur le rivage, de la sonnerie du téléphone de la maison, de sa musique préférée, du grincement d'une porte mal huilée, du ronronnement des chats ; de tous ces petits détails finalement désuets auxquels on ne prête pas toujours attention.
une main qui glisse sur un objet
la respiration qui s'accélère
ou ralentit -
et puis, le vide.
l'oubli ?
le rien.
ayun déglutit, a l'impression d'étouffer à l'intérieur de la rame de ce métro. tout à coup, il y a trop de monde. trop de parasites qui s'invitent dans sa petite bulle. il songe que ce n'était pas une bonne idée d'emprunter ce moyen de transport. après tout, bien que ce soit le plus direct, il aurait pu plutôt opter pour le bus. maintenant, c'est trop tard. ( ~~c'est toujours trop tard.~~ ) il doit composer avec cet environnement dans lequel il n'a pas sa place.
malaisance qui le fait s'agiter. un peu à droite, un peu à gauche. tourne légèrement en conservant ses doigts accrochés à cette maudite barre pleine de bactéries. est-ce qu'une annonce a retenti ? personne ne s'en préoccupe. ils sont à moitié dans le noir et il n'y a aucun mouvement du métro. lente agonie de l'arrivée à la porte de l'enfer.
et puis un geste.
quelque chose sur l'épaule et ayun fait volte face. les yeux grands ouverts. un homme, peut-être un peu plus âgé que lui. ayun n'a pas eu le temps de capturer les mots sur ses lèvres. il tente de se calmer, de respirer un peu mieux. à quoi est-ce que ça doit ressembler, vue de l'extérieur ? le jeune homme finit par faire glisser les lunettes de son nez, les tenir dans son autre main. comment communiquer ?
alors il secoue d'abord un peu la tête. lâche la barre. montre l'une de ses oreilles. là, les petits appareils qui ornent les deux. intra-auriculaires, mais quand même visibles si on y prête attention. et puis ayun signe, il demande. - qu'est-ce qui se passe ? il ignore si son interlocuteur va saisir sa question. pour l'instant, il ne pense pas à reprendre son portable pour y pianoter un message. ils vont tenter de cette manière et puis si ça ne fonctionne pas, on verra.
il y a toujours des solutions.
les prunelles de l'asiatique vont du faciès de l'inconnu à la rame tout entière. il n'y a que lui qui semble sur le qui-vive. la différence l'assaille, affaisse ses épaules. il déteste ce sentiment d'anormalité qui lui hurle dans la tête. celui-là, il est facile à entendre.

@Abhishek Sudarshan

Sam 30 Sep 2023 - 23:34

Wow. J'ai fait sursauter le type, comme un fou. Ouais, j'ai bien fait d'attirer son attention, il n'aurait pas réagit comme ça autrement. Surtout qu'il me montre qu'il est sourd. Se faire tapoter l'épaule de cette manière, c'est un geste tout à fait normal pour eux, c'est comme ça qu'on engage la conversation. Inutile de signer dans le dos d'un sourd, ou même à côté, s'il ne regarde pas. Tapoter sur l'épaule c'est comme appeler quelqu'un simplement par son prénom pour signifier qu'on s'adresse à lui. Sa réaction est donc bien, bien trop intense vu la situation.

Aucune idée d'à quoi servent ses appareils. S'il les porte, c'est qu'il doit bien entendre quelque chose de temps en temps, mais j'imagine que dans le brouhaha ambiant, si tout les sons sont amplifiés, ça doit un peu servir à rien. Mais bon, ce qui y a de bien avec la médecine et avec la technologie, ça évolue. Normalement, ça fonctionne un minimum ces machins là. Mais sans doute que ça le rassure de signer. Sauf que je signe pas. Enfin, je connais bien deux-trois formules, et une ou deux règles de syntaxe, mais à part ça... Je saurais même pas dire si ce que je signe est de l'ASL ou de l'ISL. Enfin, si, je sais juste que l'alphabet en ISL est beaucoup trop différent de l'ASL pour que je le connaisse, en fait. Difficile aussi de secouer la tête pour dire simplement "non". Parce que d'où je viens, on secoue pas la tête de la même manière qu'en occident. Autrement dit, on est bloqué. Enfin, presque. Je suis pas débile non plus. Je sais faire un "non" occidental de la tête, alors c'est ce que je fais.

Cela dit, les gens sont silencieux autour. Tous sur leurs portables, la moitié avec des écouteurs, et rien ne se passe, alors tout continue comme si c'était normal. Le bruit de la rame en moins, ses appareils devraient à priori savoir faire venir le son de ma voix à son destinataire. Surtout que s'il était sourd profond, il ne porterait pas ce genre de prothèse auditive, ce serait inutile. Et vu le prix que ça coûte, surtout dans cette partie du monde, qui paierait pour un truc qui sert à rien ? Du coup, je réitère ma question, mais cette fois de manière un peu plus intelligible, et plus polie aussi.

- Tout va bien, monsieur ?

Ouais, il a droit à du "monsieur", cette fois.