(forest) why is being alive so expensive, i'm not even having a good time

“Maman? Mamaaaaan? Maman?”

Il appelait désespérément sa maman lorsqu’il constata qu’en rentrant du conservatoire, la maison était vide. Du haut de ses neuf ans, Forest s'était mit à fouiller toutes les pièces de la maison une par une avant de finalement arriver dans la chambre des parents et s’arrêter net dans son élan lorsqu’il aperçut la présence d’un mot au milieu. Il se vautra dessus aussitôt et ne put retenir les larmes qui sortirent lorsqu’il le termina : “Je suis partie, j’ai emmené Joy avec moi. Je ne peux plus, je suis désolée.”  Pendant un long moment, Forest était convaincu qu’elle s’était donné la mort en emmenant sa sœur jumelle dans son malheur et qu’il était le digne survivant d’un terrible drame familial. Sauf que non, pas du tout en fait. Sa mère était simplement partie vivre à l’autre bout du pays, décidant de se séparer de son fils et emportant sa fille seulement. Soi disant elle ne pouvait plus supporter les jérémiades de son mari, son fils était un bon à rien qui suivrait les traces de son père et elle n’aurait pu rien en tirer selon elle. Des mots qu’il a entendu au bout du téléphone cinq jours plus tard, achevant de poignarder son cœur. Pourquoi? Elle avait été un peu dure avec elle ces derniers temps, c’était vrai, mais de là à couper totalement les ponts? Et sa sœur alors, allait-il la revoir?

Pourquoi faire des enfants si c’est pour se montrer aussi cruel avec?

La vérité, il l’apprendra deux ans plus tard après la disparition à jamais de son père, que sa mère et son père n’étaient déjà plus amoureux lorsqu’il est arrivé au monde, avec Joy. Sa sœur jumelle, depuis qu’elle lui a été enlevée, il avait l’impression qu’une partie de lui-même lui avait été retirée. Il l’avait eue au téléphone au Noël qui suivit, et puis… Plus rien. Plus la moindre nouvelle. Le soir, il dormait dans son lit à elle parce que ça lui donnait l’impression qu’elle était encore un peu là.
Puis, papa disparut à son tour. Sauf que lui, ce n’était pas un coup de tête qui le fit partir, ce fut les flammes. Il était pompier, Papa, mais  il n’a pas su revenir à temps d’un sauvetage. Ses collègues diront qu’il avait refusé de laisser l’enfant piégé à l’intérieur de l’appartement, seulement le miracle qu’on voyait dans les films n’apparut pas pour lui. Deux jours plus tard, on retrouvera son corps sous les décombres, laissant Forest voué à son compte, comme orphelin. Une fin héroïque certes, mais tragique. Ce fut chez sa grand-mère qu’il trouva un abri. Elle l’accueillit volontiers d’ailleurs, attristée par ce qu’il se passait dans la famille. Sa petite fille, elle ne la voyait plus non plus et voilà qu’elle venait de perdre son fils. Au final, Forest était un peu ce qui lui restait. Son mari avait rejoint le ciel avant sa naissance, et si le petit homme n’avait pas été là, elle aurait été définitivement seule, elle aussi.

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Il neigeait aujourd’hui. Forest s’approcha de la tombe de sa grand mère et de son père, partageant tous les deux le même caveaux, et dégagea les fleurs complètement ratatinées par des fleurs d’hiver, blanche, qu’il avait pu trouver sur le sol à son passage. Elle étaient toute petite mais cela suffirait à orner le sol qui recouvrait les deux cercueils.
“Salut ‘Pa, salut ‘ma, ça va là haut?”
Il s’était assis à même le sol, les jambes croisés en commençant à raconter sa journée. Depuis peu, il dormait sur un matelas rapiécés dans une bouche de métro, mais au moins, les couvertures tenaient chauds. Il s’était fait un ami, Archibald, un infortuné qui, comme lui, avait décidé de tirer un trait à la vie active depuis son dernier licenciement. Il n’avait ni femme, ni enfants, ni autre famille d’ailleurs et il était très bien là où il était. Il avait été un peu grognon lorsque Forest lui avait demandé s’il pouvait squatter à côté, mais il avait accepté sa présence lorsque ce dernier s’était mis à lui jouer sa ballade préférée. Une sorte de bulle positive dans cet état de misère que personne n'envie en temps normal. Mais ça lui allait à Forest, et puis, c’était Archie qui gardait ses affaires lorsque Forest s’absentait. Une sorte d’amitié bien sympathique qui s’était créée entre eux, Archie avait un rôle d’oncle ronchon aux yeux du musicien.
- Alors, ta grand mère va bien gamin?
Il rit.
“Ouais, elle s’amuse avec ‘Pa. J’ai pas voulu trop les déranger."