Tu pousses la porte délicatement en prenant soin de vérifier que personne ne te voit entrer dans la pièce et tu la refermes tout aussi discrètement, cherchant ta douce des yeux. Tu l’as aperçu entrer ici il y a quelques minutes et tu n’as pas pu t’empêcher de la suivre, toi qui a attendu toute la journée pour voir ses traits délicats. Ton muscle battant s’affole dès que tes prunelles se posent sur sa silhouette et tu l’observes ranger ses partitions en silence. Voilà longtemps que tu t’entraînes dur pour réaliser ce rêve de gosse. Tu n’as vécu jusqu’à présent que pour te produire et vivre de ta voix. Jamais tu n’as voulu avoir quelque chose si ardemment. C’était du moins ce que tu pensais jusqu’à il y a 1 an, jusqu’au jour où tu as croisé les iris de ta belle. Nara, la tendresse qu’il manquait à ton existence. Ton corps brûle si fort lorsque tu penses à elle que c'en est parfois insoutenable. D’abord charmé par son sourire et sa beauté indéniable, tu as été conquis dès que tu as commencé à travailler avec elle. Son talent pour la musique était unique. Jamais tu ne t’es senti autant “chanteur” que lorsque tu as prêté ta voix aux textes écrits par Nara. La profondeur de ses mots, la poésie qui s’en dégage et son timbre de voix qui te donne des frissons plein le corps lorsqu’elle te présente son travail. Tu dois l’avouer, il ne t’a pas fallu beaucoup de temps avant de tomber d’amour pour ta belle. Tu l’approches en l’appelant par son nom, ne voulant pas l’effrayer et tu sens ton corps électrifié lorsqu’elle se retourne et te sourit. Ton rythme cardiaque s’affole d’autant plus. Un pas, un deuxième, puis un troisième, tu te rends jusqu’à elle, les yeux plein de désir. Tu l’obliges à reculer jusqu’à ce que son dos touche le mur et tu poses tes mains sur chaque côté de sa tête, contre le mur. Quelques minutes de silence s’écoulent. Tu te mordilles la lèvre inférieure violemment, comme pour t’empêcher de faire ce que tu souhaites depuis le début, mais tu n’y arrives pas. tu n’y arrives plus. Tu écrases tes lèvres contre les siennes, comme si c’était exactement l’endroit où elles devaient être depuis le début, comme si elles étaient tiennes. Tu te rends rapidement compte de ta folie et te recules, l’air paniqué. T’es un idiot, t’as pas le droit de lui faire ça. “Nara… Nara, j’suis désolé, je sais pas ce qui m’a pris, pardonne-moi…”. Non, tu ne dois pas. Ton contrat stipule expressément que toute romance t’est interdite pendant 4 ans et ça ne fait qu’1 an que tu chantes, tu ne peux pas te permettre de réduire à néant tout ce dur labeur. Tu vis enfin ton plus grand rêve, tu ne peux pas. Non, tu ne peux pas lui faire ça à elle non plus. Elle mérite bien mieux qu’un gamin comme toi, incapable de la choisir avant tout le reste. T’es inquiet, t’as peur d’avoir tout gâché et de l’avoir perdu. Tu peux voir qu’elle est complètement perdue et qu’elle ne s’y attendait pas. T’es qu’un con, c’est pas possible. C’est trop tard maintenant, t’as déjà dépassé la limite, tu ne peux plus revenir en arrière et tu l’as mise dans une situation bien embarrassante. Elle ne dit rien et évite ton regard, ça t’angoisse. T’es prêt à te confondre à nouveau en excuses, à t’agenouiller même, pour qu’elle oublie ta pulsion dévastatrice, mais elle ne t’en laisse pas le temps. Elle s’avance vers toi et dépose un baiser sur tes lèvres à son tour. Tu comprends pas, t’as le cœur qui va exploser. Elle recule et ton regard se fond dans le sien. C’était comme si vous vous parliez alors qu’aucun son ne sortait d’entre vos lèvres. Elle s’avance une seconde fois et se veut plus féroce cette fois-ci. Tu poses ta main sur sa joue et la caresse du pouce alors que tu goûtes sauvagement à ses lèvres. T’emmerdes cette clause et ce contrat, c’est Nara dont on parle là. Ta Nara.
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Assis sur cette chaise en cuir, t’as les yeux rivés sur la fenêtre. Perdu dans tes pensées, tu ne te rends pas compte que les membres de ton groupe t’appellent à plusieurs reprises. Tu ne sais pas pourquoi tu penses à ça maintenant, mais tu te rends compte d’à quel point t’es heureux. Ça a l’air mielleux et bien gnangnan mais tu t’en fous, parce que c’est vrai. Ton groupe a pas mal de succès et ce n’est clairement que le début d’une longue et glorieuse carrière. D’autant plus que tu t’entends super bien avec les membres de ton groupe, il n’y a aucune rivalité entre vous, chacun à une place proportionnelle. Tu peux même dire aujourd’hui qu’ils sont tes amis proches. Vous partagez absolument tout de vos vies sans que ce ne soit étouffant et tu adores passer du temps avec eux que ce soit au studio ou en dehors. Comment pouvait-il en être autrement de toute façon, alors que vous viviez tous ensemble avec votre manager et sous le même toit. Parfois, tu te sens mal de leur cacher certaines choses et tu as envie de crier haut et fort à quel point tu es heureux. Mais tu ne peux pas. Non, tu ne peux pas leur parler de ta belle Nara. Ce doux prénom est prohibé auprès des garçons et de l’agence. Voilà plusieurs mois déjà qu’elle hante les nuits où elle n’est pas dans tes bras. Tu files le parfait amour avec elle malgré les circonstances. Relation cachée certes, mais relation passionnée quand même. Ce n’est pas toujours évident de la retrouver à l’abri des regards, mais vous vous en sortiez plutôt bien jusqu’à présent. Tu adores la retrouver dans cette pièce, là où tout a commencé, et la couvrir de baisers, goûter à ses lèvres, à sa peau et braver les interdits à coups de rein contre son corps si délicat, si beau. Le plus risqué était quand elle entrait dans tes draps au dortoir en l’absence de tout le monde et plus d’une fois ils t’ont questionné sans que tu n’avoues rien. “Bon mec, tu nous échapperas pas cette fois. C’est qui cette fille ? T’es un cachotier ma parole ! Combien t’en a ramené au dortoir ? J’suis presque sûre que c’est la même à chaque fois !”. Tu savais pertinemment que ça allait arriver un jour où l’autre. Tu l’as su à la minute où les garçons avaient retrouvé des affaires à Nara traîner au pied de ton lit. Mais tu n’as rien dit, changeant de sujet avec l’espoir qu’ils oublieraient. T’as réussi à te sortir de là en prétextant une nouvelle conquête à chacune des visites de ta belle, maintenant l’image de ce playboy, coureur de ces dames auprès d'eux. Mais c’est pas ce que t’es, en vrai. Tu t’en fiches des autres, toi, tu ne vois que ta Nara et ce, même si c'est une autre qui défile officiellement à ton bras à tous ces événements. Elle n'a rien de ta bien aimée, peu importe les articles des tabloïds, peu importe les photoshoots, sorties et fans de ce faux couple que l'on t'impose malgré toi. Il n'y a qu'elle, imprégnée dans ton esprit et ton coeur à tout jamais, t'en doute pas, ça n'arrivera pas... Ou peut être que si ? Ce soir-là, as-tu réellement fauté ? Aucun souvenir ne frappe à ta porte, le flou, l'incertitude, comment est-ce possible, tu préfères mourir que de blesser ton amour. Pourtant, tu découvres ce regard meurtri de Nara que tu n'aurais jamais imaginé ce soir-là.
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Un calvaire. Voilà ce à quoi ressemble ton quotidien à présent. Tes journées ne sont jamais les mêmes, mais tu n’y prends plus goût. Tu enchaines les concerts, les apparitions en public et les interviews, comme un fantôme. T’as l’impression que plus rien n’a de sens, comme si tout ce qui t’animait avant l’était grâce à Nara. Elle était la couleur de ton monde si gris. Les jours, les semaines, les mois passent et t’as l’impression de devenir fou sans elle. Son absence t’a tellement marquée que tu n’arrives même plus à faire semblant d’aller bien devant tes proches. Tout le monde s’inquiète pour toi, parle de dépression sans en connaître la cause. Personne n’est au courant pour Nara. Tu ne veux pas leur en parler. Elle est ton secret précieux, elle n’est qu’à toi et tu refuses de la partager. Elle t’a d’abord évité au maximum, que ce soit à l’agence ou en dehors. Elle ne décrochait jamais, ne répondait pas à tes messages et tu ne la voyais jamais seule. Ton emploi du temps serré ne te permettait pas non plus d’aller la voir. Tu devenais complètement dingue, comme si le sort s’acharnait sur toi. Persuadé que tu allais pouvoir tout réparer en lui parlant, tu luttais chaque jour pour voir son beau visage, ce sourire que tu ne verras plus. L’espoir de la retrouver te permettait de tenir debout, certain que ce qu'il s'était passé pouvait s'expliquer. Tu as appris douloureusement à quel point tu avais tort. T’as fait bien plus que lui briser le cœur ce jour-là, parce que Nara n’est bientôt plus. Nara, elle se voit offrir un poste que l’agence lui a proposé directement à Séoul à la fin de l'année, lorsqu'elle sera diplômée. Ce poste que tu maudissais devant elle, persuadé à ce moment-là qu’elle allait décliner l’offre et rester avec toi. Tu sais qu’elle ne voulait pas partir, que même si c’était une opportunité en or, elle voulait continuer à travailler avec toi. Tu ne peux t’en prendre qu’à toi-même. C’est toi qui es en train de la faire fuir, qui la poussé à s’en aller le plus loin possible de toi. Nara, elle était bien trop brisée pour faire comme si de rien n’était. Elle veut choisir la facilité, s’évader pour se reconstruire loin de toi. Tu t’es enfermé dans ta souffrance et tu te maudis chaque jour d’avoir piétiné ce qui t’apportait le plus de bonheur. Elle te manque. Terriblement. Tu ne vis que pour plonger à nouveau tes prunelles dans les siennes, que pour ressentir la chaleur de sa peau à nouveau et entendre sa voix mélodieuse prononcer ton prénom. Pourtant, les jours, les semaines et les mois s’enchaînent et elle ne revient pas.