Vingt minutes. C'est le temps qu'il faut pour que la pilule prenne effet. Comment compte-t-on tuer le temps, en attendant, afin de pouvoir s'assurer que sa proie ne glisse pas hors de son emprise électrique? L'art de la conversation reste un atout à employer. Alors, la pilule est tendue. Un seul et unique comprimés de rêves portables, à poser sur le bout de la langue. De quelle couleur est-il? Jaune, comme les rires qu'on se retrouve à faire, lorsqu'on est seul face à son reflet? Rouge, comme la rage qui embrase et consume, lorsqu'on contemple l'injustice du monde? Verte, comme la jalousie maladive qui s'éprend de lui lorsqu'on se retrouve à remarquer tout ce que les autres ont, que l'on a pas? Ou encore bleue, comme les émotions moroses et mélancoliques qui s'éprennent de lui la nuit, lorsqu'on essaie de dormir et qu'on se retrouve cruellement seul dans des froids frigorifiants? Rose, comme celle posée sur le bout de la langue, comme le bout de ses lèvres encore humides? Il s'agit d'une pilule orange, une couleur aussi acidulée qu'elle est électrifiante. À quel émotion correspond-elle? Peut être à l'imprévisible, tout simplement. Le comprimé est pioché, au hasard, et posé sur la paume. Les mains s'effleurent, on s'efforce de frôler tactiquement la peau de sa cible.
« Tiens. C'est cadeau. » On se retrouve presque surpris par sa propre générosité. En réalité, il s'agit d'une manoeuvre stratégique: on espère qu'on lui offrant un peu de rêve, gratuitement, ici et maintenant... On pourra y gagner gros, plus tard, lorsqu'il sera porté par l'euphorie et que toutes ses inhibitions seront endormies. « Ça va prendre un p'tit moment à prendre effet. T'as d'ja pris d'la MD? » finit-on par demander. Ton interrogation représente encore un choix stratégique, qui sera mis en évidence d'ici quelques instants.
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