(( The beginning )) ♔ Rachel

Ses yeux s’écarquillèrent derrière ses lunettes de soleil, ses doigts s’agrippant machinalement à la barre, alors que l’ascenseur se mettait soudainement à trembler avant de s’arrêter. Voilà que maintenant la machine tombait en panne, c’était bien le moment. Un soupir traversa les lèvres du garçon à cette constatation, toutefois il ne se fit pas prier pour appuyer sur le bouton, souhaitant contacter les réparateurs. Malheureusement, même si on lui avait répondu assez rapidement, tous les techniciens étaient actuellement occupés, donc il faudrait patienter un peu. « Vous n’êtes pas claustrophobe ? » Demanda le garçon à la jeune femme présente avec lui dans l’ascenseur, puisque non, il n’était pas seul. Sa voisine de palier s’était retrouvée coincée avec lui, obligée de supporter sa compagnie. Elle n’avait pas l’air de vraiment l’apprécier, mais il ne s’en prenait qu’à lui-même, car Seonjin semblait prendre un malin plaisir à toujours l’embêter, et trouver de quoi l’agacer. Certes, ne pas l’aider lorsqu’elle avait emménagé n’avait pas été volontaire, même s’il ne prendrait pas le temps de se justifier là-dessus. Une fois la réponse obtenue de la part de la jeune femme, le garçon annonça donc qu’ils patienteraient, mais leur demanda tout de même de se dépêcher. Ils n’avaient pas toute la soirée, puis même s’il n’avait pas de phobie à propos des espaces fermés, l’idée d’être emprisonné pendant des heures ne l’enchantait pas pour autant. Il espérait sincèrement qu’en une heure de temps, le problème serait réglé, et que tout le monde pourrait retourner vaquer à ses occupations.

« Vous allez bien ? » Une question qui s’adressait évidemment à sa compagne d’infortune, tandis qu’il revenait s’adosser contre la paroi. Il s’agissait d’une simple formalité pour lancer la conversation, pour faire passer le temps, et ne pas rester bêtement à se tourner les pouces. Si elle ne désirait pas discuter, il ne le lui reprocherait pas, toutefois lui aurait probablement quelques difficultés à se taire. Rester dans le silence trop longtemps était loin d’être sa tasse de thé.

Elle ne croyait pas ? N’était-elle pas censée savoir si les endroits fermés la dérangeaient ou non ? Lui savait qu’il n’était pas à l’aise avec ce genre de situation, qu’il n’aimerait pas resté enfermé éternellement dans un espace aussi restreint, cependant il était tout à fait capable de prendre sur lui puis d’attendre. Certes, il ignorait s’il tiendrait pendant des heures, néanmoins Seon Jin ne souhaitait pas s’angoisser d’une chose qui n’était pas encore arrivée, préférant se consacrer sur le moment présent. Après avoir expliqué la situation à l’autre personne, et insisté sur un dépannage rapide malgré tout, le garçon était retourné se caler contre la paroi de la cabine. Interroger la demoiselle à ses côtés lui avait paru légitime, une simple politesse, une formalité pour engager la conversation, et non pas en rapport à l’incident qu’ils partageaient en cet instant. « Ça va aussi. Même si j’aurais préféré vous croiser dans une autre situation que celle-ci. » Il rigola légèrement, un peu taquin, bien qu’il ne cherchait aucunement à paraître lourd. Il s’agissait d’une simple constatation qu’il faisait, ravi d’ailleurs qu’elle ne l’envoie pas balader, contrairement aux autres fois leurs chemins se rencontraient. Probablement que la panne avait son rôle là-dedans, et que le malaise empêchait sa voisine d’être moins agréable. Seonjin l’ignorait, cependant il espérait sincèrement que, comme elle le déclarait, elle allait bien.

« Ça devrait aller. Je n’avais pas prévu grand chose, mis à part me préparer à dîner et me poser » Il enchaînait les sorties dernièrement, ses amis l’entraînant toujours ici et là, et lui appréciait aussi la vie nocturne de la Grande Pomme, néanmoins un peu de répit ne lui ferait pas de mal. « C’est votre cas aussi, ou avez vous prévu de plus grands projets pour cette soirée ? » Après tout, ils ne se connaissaient pas vraiment, et lui ne pouvait pas deviner comment elle occupait son quotidien habituellement. « Sinon, je peux vous inviter à dîner » C’était plus fort que lui, il n’avait pas résisté à lui offrir un petit sourire en coin à ses paroles, ajoutant aussitôt, sans lui avoir laissé l’occasion de répondre « Pour célébrer notre future liberté » Parce que ça se fêtait, n’est-ce pas ?

Dans quelle situation aurait-il préféré la croiser ? Probablement dans n’importe laquelle autre que celle-ci. Parce que ça n’avait rien de charmant de se retrouver coincé dans un ascenseur, avec aucune sortie pour s’échapper et respirer. « Je ne sais pas mais quelque chose de mieux qu’être emprisonné de cette manière. » Certes, cela serait certainement une anecdote drôle plus tard, lorsqu’ils y songeraient avec du recul, néanmoins lui n’y voyait pas aucun plaisir actuellement. Evidemment, il s’agissait d’une occasion où tous les deux pouvaient en profiter pour apprendre à se connaître, et le garçon n’avait aucun problème avec ça. De cette manière, le temps passerait sûrement plus vite, cependant ça n’enlevait pas le fait que, si on lui avait laissé le choix, il aurait préféré vivre ça ailleurs. Mais Seon Jin restait fidèle à lui-même, une esquisse charmante et taquine accrochée à ses lèvres, tandis qu’il prononçait ses propos.

Au travers de ses lunettes de soleil, son regard s’égara vers sa voisine, alors qu’il l’écoutait attentivement. Ses lèvres s’étirèrent dans un nouveau sourire, sincèrement ravi de l’entendre s’adresser à lui de cette façon, ayant plus l’habitude d’affronter un mur froid et infranchissable, peu importait ô combien il essayait de sociabiliser. Seon Jin admettait bien sûr d’en faire trop parfois, de prendre plaisir à la taquiner, justement pour montrer que son attitude ne l’atteignait pas, et qu’elle pouvait être froide autant qu’elle le voulait, lui ne changerait pas qui il était. Mais là voilà à présent qui riait juste devant lui, et même s’il n’était pas en mesure de voir distinctement les choses, il pouvait facilement deviner à quel point Rachel Anderson était plus jolie avec le visage déridé. « Je vois. » Commenta-t-il en souriant, amusé, même s’il ne voyait pas grand-chose en réalité. « Vous avez un emploi du temps très chargé, en effet. » Tout comme lui ce soir, il fallait l’avouer. « C’est gentil mais je pense que je patienterais. Pour le moment, je n’ai pas particulièrement faim. » L’heure du dîner n’était pas encore arrivée, puis même s’il n’était pas compliqué en termes de nourriture, il préférait se cuisiner un vrai repas que manger de simples boîtes. « D’ailleurs, vous devriez sourire plus souvent. » Taquin, Seonjin l’était toujours, mais ses paroles se voulaient aussi sincères. « Cela vous va mieux au teint. » La vie était assez compliquée comme ça, pourquoi se renfermer quand on pouvait la croquer à pleines dents ?  

Heureusement, l’ambiance dans la cabine n’était pas désagréable ; au contraire, Seon Jin semblait enfin parvenir à avoir une conversation avec sa voisine. Un exploit quand on analysait leur échange de ces derniers mois, mais lui n’en tenait pas rigueur. Il lui en fallait beaucoup plus pour le vexer, et ce n’était pas l’indifférence d’une personne qui le motiverait à agir différemment. « C’est une idée aussi, mais vous devriez manger quand même d’autres choses que de simples boîtes. » Elle avait déjà refusé son invitation à dîner, il ne comptait pas lui proposer une seconde fois – pas ce soir – cependant il pourrait toujours lui apporter quelques mets préparés de ses soins. Une idée qui n’était pas spécialement mauvaise mais qu’il garda pour lui, plutôt que le mentionner à haute voix. A la place, le garçon préféra la complimenter sur son sourire, avouant à quel point ce dernier lui allait beaucoup mieux et égayait sa figure. « Ô détrompez-vous ! J’ai connu des personnes à qui ça n’allait pas du tout. » A son tour, Seon Jin ne put s’empêcher de rire doucement ; ses paroles n’avaient rien de mensonger, c’était la vérité néanmoins c’était toujours plus agréable de croiser quelqu’un avec une expression joviale qu’une froideur impénétrable. « Mais c’est sûr qu’une personne qui sourit est bien plus plaisante. » Parfois, lorsqu’on l’observait, on le pensait insouciant, parce qu’il avait tout ce qu’il souhaitait, parce qu’il avait de l’argent, et qu’il ne paraissait pas perturbé par son quotidien. Il était un garçon simple, un garçon qui avait toujours une esquisse au bord des lèvres et qui s’amusait d’un rien, donc on lui reprochait son manque d’empathie et de discernement. Lui disait toujours qu’on avait qu’une seule vie, qu’il n’y avait pas de temps pour se morfondre, qu’il fallait profiter, et c’était ce qu’on lui reprochait. Parce que tout le monde n’éprouvait pas forcément l’envie de sourire après une mauvaise journée, et qu’il était sûrement trop immature pour comprendre. C’était faux. Lui aussi avait eu son lot de blessures, des souvenirs qui hantaient souvent ses nuits et ravivaient de vieilles cicatrices… Seulement, il refusait de se morfondre et se laisser abattre ; sa vie, il souhaitait la vivre, peu importait les douleurs qu’elle lui avait infligées autrefois. « Je ne sais pas, mais je ne pense pas plus d’une heure. Ils ont dit qu’ils feraient au plus vite. » Hors, les minutes s’écoulaient toujours plus lentement dans de telles situations. « On n’a malheureusement pas d’autres choix que de prendre notre mal en patience. » Que pouvaient-ils faire d’autres de toute façon ?

« Evidemment. » Lui répondit le garçon en souriant, il n’était pas stupide à ce point. « Mais cela reste une solution rapide non ? » Manger de régulièrement de la nourriture en boîte n’était pas forcément ce qu’il y avait de plus sain. Peut-être était-ce lui qui en faisait trop, cependant il avait toujours fait en sorte de soigner son alimentation, favorisant les plats frais aux plats instantanés, et c’était le pourquoi il essayait toujours de prendre le temps pour cuisiner. Certes, avec son activité, cela n’avait pas tout le temps était le cas, et il y avait même eu des jours où il avait à peine le temps d’avaler un repas, néanmoins son staff s’assurait constamment à ce qu’il mange correctement. Et depuis qu’il avait mis en pause sa carrière, Seon Jin prenait toujours le temps pour ce genre de choses, parce qu’il savait mieux que quiconque à quel point il était important de prendre soin de lui-même. Cependant, ne s’attardant pas sur le sujet, il plaisanta sur les personnes qui souriaient, bien qu’il avait conscience qu’il était impossible d’avoir constamment une esquisse au bord des lèvres. Il y avait des jours qui étaient plus compliqués que d’autres, à lui aussi il lui arrivait de se lever du mauvais pied et de ne pas être dans sa meilleure humeur, toutefois il faisait toujours attention de ne pas défouler sa mauvaise humeur sur les autres. Il avait déjà croisé des gens qui ne semblaient pas savoir comment sourire, toujours aigris, et il avait du mal à s’entendre avec ces dernières. Même s’il ne jugeait pas, ayant conscience que chacun abordait la vie à sa façon, seulement il mentirait s’il disait que l’envie de les secouer ne le parcourait pas parfois. Comme ce fut le cas avec sa voisine, persistant tout le temps à l’aborder poliment, à lui sourire, puis la taquiner dans l’espoir de la voir se dérider un peu. Elle le faisait enfin aujourd’hui, et c’était appréciable.

En l’observant s’asseoir, le garçon hésita avant de l’imiter quelques instants plus tard. Effectivement, la position assise serait plus confortable, surtout si on ne venait pas les dépanner immédiatement. Il l’entendit se mouvoir à côté de lui, le son d’une boîte qu’on ouvre parvenant à ses oreilles, ce qui le motiva à détourner ses iris en sa direction. Il n’était pas en mesure de voir quelle nourriture il s’agissait, mais à l’odeur, il devina du poulet. « Vous mangez ça comme ça ? » Demanda le jeune homme, sans pour autant répondre à sa question, à cause de la surprise qui le touchait . « N’est-ce pas mieux de le faire chauffer ? » De plus bel, Seon Jin exagérait probablement, toutefois cela ne lui traverserait jamais l’esprit de la nourriture en boîte de cette façon, à moins d’être affamé.