kid (ambroise)

ambroise attend son tour. ça serait mentir de dire qu'il ne ressent aucune pression. elle est belle et bien présente. elle s'incruste dans ses veines lui coupant parfois la respiration. à quelques mètres de là ? il y a une cage, une vraie cage. des barreaux métalliques, une seule porte et des personnes autour qui ressemblent beaucoup plus à des animaux qu'à des hommes. ça hurle, ça crie, ça invite à donner des coups, à massacrer son adversaire.
et ambroise est destiné à entrer là dedans. ça semble inévitable. il n'est pas venu jusqu'ici pour faire demi-tour. lâche ? pas ce soir. quand le russe lui fait signe de s'approcher, ambroise n'hésite pas. quelques pas à travers ces gens qui semblent bien plus importants que ceux d'en bas. il retire sa capuche et passe ses doigts dans ses cheveux sombres en écoutant l'homme qui est en train de devenir le capitaine de son âme, sans aucun doute.
un homme comme lui, de son âge. le K.O sera la seule délivrance de l'instant. pression qui augmente, ses astres sombres se collent sur la cage et tentent d'analyser. mais d'analyser quoi ? aucune idée. c'est trop tard. pas les mêmes règles. pas celles de la salle, c'est clair. celles de la rue plutôt. ambroise hoche sa tête. parler ? il en est presque incapable. ça ferait transparaître sa foutue voix, celle là même qui tremble au fond de sa poitrine. il préfère garder le silence, garder la tête haute et assimiler cet instant comme... ce qu'il voulait. c'est lui qui recherche l'adrénaline. il n'a pas été pris au piège. abandonner.
le gamin abandonne pas. gardien de sa ténacité. sa colère prendra le relai et éteindra sa conscience, sans aucun doute. de toute façon, ambroise mourra sur ce ring. hors de question d'en sortir et d'affronter le russe. pas stupide. les coups non pris dans la cage seront pris après. gros gain de parié...
c'est à son tour. porte métallique ouverte, on l'appelle. pas de nom de scène. peut-être qu'il n'en aura jamais s'il ne sort pas de là. ambroise retire son sweat qu'il laisse choir à l'entrée de la cage une fois rejointe puis entre. un pas dans la cage. destin scellé. ambroise fait craquer ses poings tout en observant son adversaire qui est aussi entré. presque entièrement couvert de tatouages, il respire le danger. ce danger qui s'infiltre dans ses veines.
il peut le faire hein ?
un gong et les deux adversaires se tournent autour un instant avant de rentrer dans le tas sous l'acclamation malsaine du public. ça hurle à la mort et aux coups et ambroise entre en transe. furieux, la rage l'envahie pour prendre possession de chacun de ses gestes comme à chaque fois qu'il se bat et prend des coups. et dieu sait qu'il en prend. les poings s'écrasent, les pieds s'épuisent. il chute parfois mais se relève toujours. son adversaire n'est pas en reste et subi aussi les coups du gamin qui ne se laisse pas faire. il ne domine pas mais est encore loin du K.O. de nouveaux coups, une droite qu'il ne voit pas venir et son corps qui s'écrase au sol. de nombreux astres illuminent ses iris. son coeur tambourine. ses muscles se tendent. son esprit veut fuir. putain non, pas maintenant ! sa fureur hurle de se relever, comme un dieu de la guerre se mouvant dans ses entrailles. le gamin se redresse sur ses deux jambes alors que son adversaire est déjà en train de savourer sa victoire. pas aujourd'hui connard ! ses jambes le portent, courent et son poing qui s'écrasent dans les iris surprises de l'homme est fatal. un corps qui s'échoue au sol sous les acclamations du public. de son côté ? ambroise est abimé, dans un sale état. du sang dans sa bouche, sur sa peau. les poings abimés. il arrive à peine à ouvrir son oeil droit. mais putain... il a gagné ! et l'adrénaline qui s'écoule de cette victoire le laisse dans un euphorique. main qu'on soulève pour annoncer sa victoire alors qu'on finit par l'aider pour sortir de la cage. c'était un combat à mort en réalité. d'ailleurs à peine sort-il de la cage qu'un groupe commence à le prendre à parti. ambroise est incapable de comprendre qui ils sont au début... mais ils semblent énervés qu'il ait gagné.

les jambes tremblent un peu maintenant que l'adrénaline s'éloigne de sa silhouette. féroce, il a relever ce foutu défi. qu'est-ce qui lui a pris d'entrer dans cette cage ? si haisley le voyait, elle le tuerait mille fois, le réanimerait et recommencerait. coeur au bord de la dérive, l'envie de sortir ses viscères est proche. ambroise n'est pas fait pour ça. le gamins 'est perdu en cours de route mais signe encore et encore pour continuer à ressentir ce truc. ce potentiel grandissant entre ses entrailles, ce potentiel qui grince dans ses oreilles et l'entraîne vers une route moins difficile. plus dangereuse. mais moins difficile. comme si c'était possible. le gamin est juste naïf.
pris à parti par les perdants, ambroise n'est pas prêt à se battre de nouveau. il a tout donné, pour sa vie. mâchoire serrée, heureusement le russe revient, s'approche et semble prendre les devants. le gamin est bien incapable de répondre, appuyer, faire quoique ce soit. il se contente d'écouter. accent coupé au couteau. les menaces sont exprimées sans démesure. la mort soufflée comme fin si jamais les hommes l'approchent. le sentiment de sécurité est étrange mais reposant. ambroise s'enroule là dedans et accepte. accepte ce nouveau rôle qu'il a finalement décidé de jouer. un dernier regard sombre avant que les ennuis s'écartent de leur chemin. et les mots tombent. mots emplis de fierté, de mots qu'il a parfois essayé d'arracher à un paternel qui n'a jamais vraiment su les lui donner. le gamin a cette foutue étincelle qui grésille au fond de son estomac. une étincelle qui s'intensifie et grouille pour finalement envahir tout son corps. son choix dangereux est finalement le meilleur choix de sa vie. en quelques mots, l'innocent naïf est convaincu. merci. un mot, pas plus. parler le fait presque souffrir. un pas après l'autre, il puise dans les dernières forces à son actif pour sortir de là. l'air frai le requinque.
une voiture qui pue l'argent sale. ambroise entre dedans en entant les voix de ses amis et de sa soeur lui hurlant d'arrêter ses conneries. mais le gamin, il continue de foncer, tête baissée. il continue d'avancer dans tout ce qui ne va pas dans sa vie. pas malin. outrage. inconscience. danger. adrénaline. gamin qui s'écrase dans la voiture, serviette qui éponge les blessures pour ne pas se retrouver à récurer le cuir qu'il aura abîmé. le bâtiment se dessine et le gamin suit, discret. les mots lui manquent. les mots sont dangereux. si le gamin se trompe, il pourrait se retrouver six pieds sous terre. vous allez m'laisser dormir chez vous ? qu'il souffle. surpris ? ou audacieux. pas certain de ce que ça signifie. alors qu'il devrait fuir, se sentir acculer... le gamin a envie de découvrir ce monde sombre où il a l'impression de briller.

mon garçon. surnom affectueux qui gravite et grignote du chemin jusqu'à l'âme éreintée d'ambroise. son garçon. l'affection, l'attention. les deux s'enroulent pour presque le combler d'un manque qu'il essayait d'effacer à coup de pilules et de liquide ambré. ambroise s'extirpe de la voiture avec difficulté, s'approche et entre dans l'ascenseur avec lenteur mais conviction. il fait cet effort pour cet homme qu'il ne connait pas depuis longtemps mais qui l'empêche de totalement vriller. à moins qu'il ne l'entraîne vers une chemin encore plus dangereux. âme influençable ces derniers temps, ambroise s'accroche à cette main dangereuse, presque tendue en refusant les bienveillantes. le gamin accepte et observe les lieux interdits. l'accent russe devrait le faire reculer, devrait le raisonner et l'empêcher de s'éterniser.
pourtant ambroise entre dans cette tour aux milles secrets sans plus de cérémonie.
haussement d'épaules. son père ? il n'avouerait ni sa déception, ni ses peurs. son père accuserait le coup et lui demanderait peut-être de se ressaisir. ambroise évite toute conversation avec son paternel n'osant pas entendre la vérité de la bouche du géniteur. il évite, inlassablement l'évidence et les mensonges filés. j'ai un appartement... puis il dirait pas grand chose. rien. il y aurait peut-être ce regard en coin jaugeant la situation. celui-là même dont il a hérité quand il s'est plongé dans la littérature. évidemment. ambroise n'étudie pas le droit comme son paternel. il n'a rien d'un juge ou d'un avocat. au contraire ces dernier temps, il a plutôt tendance à se retrouver de l'autre côté de la barrière. inlassablement. tant pis.
ambroise entre et se laisse conduire là où on lui dit d'aller. il laisse même ce médecin panser ses plaies. sous les doigts du docteur payé sûrement trop cher pour ses heures supplémentaires, ambroise se détache de son corps et de la réalité. ce soir, il a vraiment merdé. mais ce soir, il a gagné. et ce soir, ce russe l'accepte chez lui pour panser ses plaies. la situation pourrait être catastrophique mais aux yeux d'ambroise elle est douce. agréable. l'attention dont il écope lui fait gravir quelques marches de cette estime écrasée dont il a écopé ces derniers temps. c'est quoi... les grands projets ? question s'échappant vers le russe qui s'est déjà servi un verre d'éthanol comme s'il n'y avait que ça de suffisamment fort pour la maintenir éveillé et attentif.