go big or go home (théo)

C'était un décor que tu n'avais pas l'habitude de voir. Ou plutôt, un décor que tu n'observais pas de cette façon en règle générale. D'habitude, tu n'étais pas là, de ce côté-là mais plutôt assis à contempler le match. Ce n'était pas non plus l'endroit habituel où l'on pouvait te trouver. Ce n'était pas ton sport de prédilection – et par conséquent on te retrouvait plus aisément sur une patinoire que sur un terrain de baseball. Tu avais lancé la proposition, demandant à ton frère s'il voulait bien, supposant que ça pourrait faire plaisir à Joy. En plus de ça elle pourrait passer plus de temps avec « Tonton T » et s'amuser autrement. Tu pensais, à tort sans le savoir, que ça ferait plaisir à ton aîné – la prochaine fois tu proposeras de se retrouver à la patinoire et tu lui apprendras la discipline dans les grandes lignes. En attendant c'était à ton tour d'apprendre. Le nez faiblement plissé, le regard tournant, tu observais, scrutant chaque endroit. Comme si tu t'assurais que Joy ne pourrait pas se faire mal. Tu fis rouler tes épaules. « Je suis prêt » pas totalement mais t'étais prêt. « Je m'excuse d'avance si je lance pas droit », prévins-tu, l'index levé, ta main libre passant sur la tignasse de la petite alors que tu te mettais à sa hauteur. « On va jouer contre tonton et on va gagner », tu plissas un peu les yeux, agitant les doigt entre ton frère et toi. Tu savais déjà que t'allais mordre la poussière – gentiment – mais tu préférais faire comme si t'allais sortir vainqueur de tout ça. De toute façon, c'était certain : Joy allait gagner. « On joue comment au juste ? », c'était bien la question à poser. Tu clignas des paupières, penaud, ne sachant pas trop comment commencer. Tu redressas le regard vers ton frère, le sourire léger, patientant. « Pour ma défense, je suis plus doué sur une patinoire qu'un terrain de baseball », personne avait rien dit mais tu préférais le dire en avance. « Tu racontes quoi de beau depuis la dernière fois sinon ? », que tu demandas en attendant que tout soit en place pour commencer à jouer, Joy s'amusant avec tes doigts pour s'occuper.

Son frère avait proposé une petite séance baseball, souhaitant pouvoir amuser sa fille autrement, et pour lui, Théo n’avait pu refuser. Yohan ignorait tout de ce que le plus grand traversait, il ne savait pas que ce dernier préfèrerait se tenir loin de ce sport, qui le passionnait pourtant tellement autrefois, et qu’il ne s’éclaterait pas tant en réalité. Hors, si cela faisait plaisir à son cadet et sa nièce, le joueur n’avait pu refuser ; il ne désirait pas l’inquiéter puis, qui savait, peut-être cela lui permettrait de s’amuser malgré tout. Sur ce terrain, il n’avait pas la pression de mener son équipe à la victoire, il n’avait pas son coach pour lui dire quoi faire, ni le public pour l’encourager, et ainsi lui mettre involontairement plus de poids sur les épaules. Afin de pouvoir jouer sans problème, sans alerter son petit frère, Théo avait pris un médicament assez fort, celui qu’il prenait chaque fois avant le début d’un match ou d’un entraînement.  

Un faible rire s’échappant de ses lèvres, il lui fit comprendre que ce n’était pas grave, ils n’étaient pas là pour jouer avec leur vie de toute manière, et lui ne jouerait pas sérieusement non plus. « Courage ! » Amusé, malgré tout, l’aîné mima un signe d’encouragement avec sa main, quand Yohan mentionna gagner contre lui. Hors, de plus bel, Théo n’était pas tant sérieux puisqu’il n’allait pas jouer de la même façon avec eux ; ils n’étaient pas des professionnels puis Joy n’était qu’une enfant, ce serait cruel de sa part de ne pas leur laisser la moindre chance. « On peut s’improviser des règles, si tu veux. » Déclara-t-il, puisque évidemment ils ne pouvaient pas vraiment faire un match à trois. « Et on peut commencer déjà par s’échanger quelques balles. » Pour un enfant, c’était sûrement mieux de débuter de cette manière, et cela permettait également d’améliorer sa prise, mais aussi son lancer. « Ne t’inquiète pas pour ça. » Le rassura le joueur dans un sourire, il n’avait jamais douté de quoi que ce soit, et savait pertinemment que son cadet se débrouillait mieux sur une patinoire que sur un terrain de baseball. Ils avaient chacun leur spécialité, après tout, et lui ferait un piètre athlète sur la glace, c’était certain. « Pas grand-chose tu sais, toujours la même routine. » Tout en rétorquant ses paroles, il sortit enfin les gants de son sac, après avoir terminé de préparer le terrain. En vérité, Théo avait sûrement plus de choses à raconter que ce qu’il déclarait, néanmoins il n’avait pas envie de parler de ça avec son frère, il ne voulait pas lui faire du souci ni le culpabiliser. Pourtant, cela lui ferait probablement du bien de partager ses doutes, ses peurs et ses peines avec quelqu’un, lui dire que derrière ses rires et ses sourires, il n’était pas réellement heureux au bout du compte, qu’il avait l’impression de sentir ses pieds s’ancrer de plus en plus profondément dans le sol et que ses émotions semblaient le ronger un peu plus chaque jour. « Et toi ? Tout se passe bien avec la petite ? Et le travail ? » Se concentrer sur son cadet était la meilleure chose à faire, parce qu’il préférait l’écouter lui, plutôt que se perdre dans ses pensées négatives, et qu’en soit, il désirait également s’assurait que tout allait bien pour Yohan.  

Evidemment, tu jouais pas ta vie durant cette partie mais tu voulais tout de même avoir un petit niveau. Pas au point d'exploser le score mais histoire de tenir le coup et pas finir allongé sur le sol entre trois lancers parce que t'arrivais pas à suivre. « Courage à toi aussi, on va pas se laisser faire ! », le menaças-tu dans un rire, pas menaçant du tout en réalité, ta fille t'imitant en pointant son index vers ton frère, augmentant le volume de ton rire. Tu lui ébouriffas tendrement les cheveux, le regard brillant et doux avant de redresser ton attention vers ton frère. « On peut faire ça, oui. Ce sera plus simple je pense », tu hochas quelque peu le visage, les lèvres pincées, supposant que cela rendrait le jeu plus simple pour tout le monde – surtout pour toi. T'avais pas le niveau de ton frère, t'en étais loin. Très loin, même. « Okay ça me va. Histoire que je prenne le rythme et tout », assuras-tu, peu convaincu et peu assuré alors que tu agitais vaguement tes bras pour t'échauffer. « Joy commencera, elle a l'air motivée », commentas-tu, amusé. Et parler de la patinoire te donnait envie d'y retourner, de glisser sur la glace. D'être juste libre. T'avais cette impression de voler quand tu patinais alors que tes pieds étaient toujours au sol. Mais c'était sans doute le vent contre tes joues qui te donnaient cette sensation quand tu t'élançais le plus rapidement possible. Ca faisait un bien fou. « Hmmm toujours ? », tu mimas un petit air bougon. En soit tu ne pouvais râler, t'avais pas grand chose de plus à dire. Mais tu aurais voulu l'entendre te raconter plein de choses. Pourquoi pas ses journées ou ses entraînements ou... tu savais pas, en fait. Tu ris quelque peu malgré tout, hochant le visage car tu comprenais. « Pas grand chose non plus en réalité », admis-tu dans un sourire. « Tout se passe très bien. Je me vante pas en disant que c'est la petite fille la plus adorable et la plus gentille de toutes les petites filles », la main sur le cœur, tu mimas un air plein d'émotions avant de rire de ta bêtise. « Au travail tout se passe bien aussi. A part quelques clients un peu trop ch.. pointilleux », tu jetas un regard vers Joy. « Puis je vais pas me plaindre, ça paie bien, ça me permet d'offrir un bon environnement à Joy donc je suis content », confias-tu dans une esquisse tendre, laissant la petite lancer la balle, applaudissant à chaque fois qu'elle le faisait – et allant chercher l'objet pour lui ramener si besoin. « Yerin va bien ? Tu pourras lui passer le bonjour d'ailleurs », tu souris à la mention de la jeune femme avant de rire en observant Joy qui courait comme elle le pouvait derrière la balle qu'elle avait faite tomber. « Elle se débrouille mieux sur des patins qu'avec une balle de baseball. C'est dans les gênes », que tu te justifias sans vraiment le faire, le rire dans la voix.