thomas ∇ It's been a long day without you, my friend

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Thomas & Tokko

It's been a long day without you, my friend And I'll tell you all about it when I see you again

Il y était. Il l’avait fait. Il allait le revoir. Thomas… Ce gamin qu’il avait rencontré au foyer, qu’il avait retrouvé de l’école primaire jusqu’au collège. Ce gamin qui avait été comme un frère, une moitié, un tout et dont il avait dû se séparer au début du collège. Le trajet en avion avait été long… Et lui avait permis de penser, de réfléchir. La vie de Tokko aurait-elle été différente s’il n’avait jamais quitté Thomas ? Aurait-il été à bout ? L’aurait-il laissé se mettre dans de tels états au point de vouloir en finir ? Parfois, un détail pouvait changer une vie. Une personne. Et Thomas, c’était cette personne qui l’avait rendu heureux en tant qu’enfant et jeune ado le peu d’années que ça avait duré. Alors c’était pour ça qu’il était aujourd’hui à quelques rues d’un lycée de New-York. Pour le voir. Lui dire merci. Prendre un dernier souffle avant de tout arrêter. La surprise serait sûrement totale : ils avaient renoué le dialogue trois jours avant, et quand Thomas avait proposé à Tokko de venir un jour, il lui avait dit qu’il verrait dans quelques mois. Bah voilà. Trois jours plus tard, le voilà déjà là. Parce que ça pressait. Il ne tenait plus. La souffrance était trop forte et l’envie de le voir trop pressante.
C’était probablement dingue de débarquer dans la vie de Thomas comme ça sans vraiment prévenir. Le pauvre allait devoir gérer une tornade de dépression et un torrent de désespoir… Mais Tokko allait faire de son mieux pour ne pas le montrer. Il allait simplement… le voir. Ne pas lui parler de ses projets, juste le remercier, passer un dernier moment avec lui. Le problème c’est que ça se lisait dans ses yeux qu’il y avait quelque chose. D’autant plus Thomas… Gamins, il avait toujours su lire en lui même quand il ne parlait pas.

Il paraissait que les gens qui songeaient se suicider semblaient plus heureux soudainement. Parce qu’ils savaient. Ils savaient la délivrance qui les attendaient et c’était un peu le cas de Tokko. Mais il ne savait pas vraiment si c’était dû à ça ou à l’idée de revoir Thomas. Et si les retrouvailles changeaient tout ?

Avant d’arpenter les rues de NY à la recherche du fameux lycée, il avait déposé ses quelques affaires à l’hôtel. Pour quelqu’un qui avait de l’argent il n’avait pas amené grand-chose. Faut dire que le séjour était supposé être court…

Le voilà juste à côté du lycée. Il ne savait même pas si Thomas travaillait aujourd’hui… Franchement la démarche était ridicule et désespérée. Il prit un instant pour se ressaisir, respirer un bon coup, avant de se présenter à l’intérieur du lycée. « Bonjour, excusez-moi de vous déranger. J’avais rendez-vous avec Monsieur Evans, à propos d’un élève. Savez-vous où je peux le trouver ? » Mensonge parfaitement exécuté. Faut dire que Tokko était doué dans ce domaine. On lui indiqua alors la salle de classe et qu’il finissait son cours dans cinq minutes. Très bien, il attendrait. Il suivit les indications pour se rendre devant la salle et attendit patiemment que l’heure prenne fin. Les élèves ne tardèrent pas à sortir et là son coeur se mit à battre fort dans la poitrine. Il allait le revoir. Il ne savait absolument pas à quoi il ressemblait maintenant, ne l’avait pas trouvé sur les réseaux sociaux. Mais merde… Il allait retrouver cette étincelle de bonheur, et se demandait déjà pourquoi il n’avait pas cherché à le faire avant. Certainement parce qu’il restait lié au décès de ses parents malgré lui…

Une fois certain que tout le monde avait quitté la salle sauf lui, il tapa trois petits coups à la porte avant de se présenter à l'entrebâillement de cette dernière. Il resta muet, incapable de parler, les larmes aux yeux. Sa seule envie : s’avancer vers le bureau pour le prendre dans ses bras… Mais il se trouva incapable de bouger ou de dire quoique ce soit.

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High school Avril 2023 Tokko & Thomas
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Lundi matin. Je me regarde dans le miroir de la salle de bain. J’ai une mine affreuse avec mes cheveux blonds en batailles et mes cernes sous les yeux. J’ai une nouvelle journée qui commence et même si j'adore mon métier, j’ai vraiment la flemme ce matin. Je me prépare rapidement, arrangeant mon apparence pour que je sois potable, j’enfile ma chemise blanche habituelle et mon pantalon et me voilà prêt. Je récupère les copies sur le bureau de ma chambre que je mets dans mon sac. Je me dirige directement vers la petite cuisine et je prends simplement un morceau de brioche dans le placard que je fourre dans ma bouche en même temps que je mets mes chaussures. Et me voilà parti pour une nouvelle journée. En chemin, je regarde si j’ai des sms. En même temps, je peux faire que ça avec ce téléphone à clapet tout pourri. Il faut vraiment que j’économise pour m’en acheter un nouveau, pas forcément le dernier, mais quelque chose de plus potable, même si je n’ai pas besoin d’autres choses que de téléphoner, mais disons qu’une application pour écouter de la musique dans le métro le matin serait pas mal.

Parmi les sms, je retombe sur ma conversation avec Tokko. Il ne m’a pas répondu, ça fait trois jours maintenant. Il a dû flipper pour son hors forfait quand je lui ai dit que j’étais à l’étranger, en même temps c’est assez cher donc je comprends. Mais je dois avouer que ça m’a fait vraiment plaisir de lui reparler. Je ne sais pas comment il a eu mon numéro, mais je suis content que quelqu’un lui ait donné. Je me demande à quoi il ressemble maintenant. La dernière image que j’ai de lui, c’est lorsque nous étions au collège. On avait 14 ans quand il est parti, à mon plus grand désarroi. J’aurais préféré qu’il reste, peut-être que ma vie aurait été différente avec lui. Je suis passé par tellement de galères depuis son départ, j’aurais aimé partagé ça avec lui, on se serait probablement épaulé l’un et l’autre durant l’adolescence et même après. Un jour, si je le revois, je lui raconterai. Je n’en ai jamais parlé avec qui que ce soit, parce que personne dans mon entourage pourrait comprendre, mais lui il comprendrait, j’en suis sûr. Bon, j’éviterais de préciser que je suis toujours dans une situation délicate.

La matinée au lycée se passe bien dans l’ensemble, mes cours se déroulent selon ce que j’ai préparé. Le déjeuner aussi passe rapidement. Alors que je reprends les cours avec mes élèves, on sent la chaleur écrasante. Je commence à transpirer dans ma chemise, les élèves commencent à se faire des éventails avec des feuilles que je leur donne. Bon, on refera des photocopies, mais franchement cette chaleur est insupportable en après-midi. J’essuie la sueur de mon front alors que la sonnerie retentit pour annoncer la fin de mon dernier cours. Je soupire en parlant fort à mes élèves qui font un boucan pour ranger leurs affaires, je leur précise qu’il y aura un contrôle sur la leçon d’aujourd’hui, mais les voilà déjà tous partis. Un nouveau souffle passe mes lèvres alors que je commence à rassembler mes papiers. Puis, j’entends toquer. Pensant que c’est un élève, je garde mon regard focalisé sur mes copies. « Can I help you ? », je demande en anglais avec mon fort accent français. N’ayant aucune réponse, je relève la tête, un regard interrogateur. Je vois alors un jeune homme face à moi, il n’a pas du tout l’air d’être un élève. Je repousse une mèche rebelle qui me tombe devant les yeux alors que j’attend une réponse. Puis soudain, je réalise. J’écarquille les yeux en me rendant compte de qui c’est. « Tokko…c’est toi ? », je prononce à voix basse, en français cette fois. Oui, ça ne fait aucun doute que c’est lui. Il a énormément changé, mais pourtant je le reconnaitrais entre mille, surtout avec ses yeux qui m’ont toujours marqué. Un énorme sourire se dessine sur mon visage. Je n’hésite pas un instant et je contourne mon bureau, laissant mes papiers tomber sur celui-ci. J’avance vers lui et je le prends directement dans mes bras. Je le serre fort, voulant me persuader que je ne rêve pas, qu’il est bien là.

@Tokko Ujin

(c) MORNING RAIN

Thomas & Tokko

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Incapable de dire quoique ce soit, Tokko fut plutôt reconnaissant que Thomas le fasse à sa place. Il ne put que s’empêcher de sourire au petit accent français dans cette phrase anglaise, puis hocha la tête quand il lui demanda, sans vraiment lui demander, si c’était bien lui Tokko. Ce fut Thomas qui fit le premier pas et bien heureusement parce que Tokko n’arrivait pas à se sortir de cet état végétatif entre joie, angoisse, et à peu près tous les sentiments possibles. Il accueillit l’autre homme dans ses bras et le serra soudainement comme si sa vie en dépendait… Et en fait sa vie en dépendait. Il n’oubliait pas pourquoi il était là. Son objectif. Prendre des nouvelles, le remercier de lui avoir fait passé les seules belles années de sa vie et s’assurer qu’il ne manquerait de rien avant son départ. Le saviez-vous ? L’héritage de Tokko, qui était à la base celui de ses parents, était désormais au nom de Thomas. Son père adoptif ne méritait rien… Ce gros fils de chien qui était plus ou moins à l’origine du suicide de sa mère adoptive. Et comme Tokko n’avait pas d’autre famille, pas vraiment d’amis… C’était Thomas qu’il avait mis sur son testament, très récemment. On ne s’enterrait pas avec de l’argent de toute façon… Et Tokko n’était même pas très matérialiste. Il n’avait pas pris un hôtel de luxe, ses vêtements étaient simples. Ce qui lui permettait en fait de ne pas travailler, puisqu’il avait assez simplement pour subvenir à ses besoins. Pour le reste, tout ce qui était “ plaisirs “ ou des folies, bah… il n’y en avait plus dans sa vie. Ce voyage en Amérique était sûrement la première folie depuis longtemps le concernant.

Il aurait voulu retenir les larmes. Et il essayait de toutes ses forces. Mais alors que l’étreinte s’intensifiait, qu’il serrait la chemise de ses doigts, il craqua et se mit à pleurer tout ce qu’il pouvait pleurer. C’était à la fois des pleurs de joie, à la fois des pleurs de tristesse, à la fois la peur que Thomas ne comprenne ce qui allait se passer et qu’il essaie de l’en empêcher. Allez… avec un beau sourire, Tokko pouvait faire passer ça pour des larmes de joie uniquement.

Ils restèrent longuement comme ça, jusqu’à ce que Thomas ne se libère de l’emprise de Tokko pour fermer la porte de la classe. Ouais… c’était peut-être une meilleure idée. Tokko en profita pour se frotter les yeux au maximum et essayer de se trouver un sourire de façade. Pitié, qu’il ne lise pas mes yeux. Qu’il ne lise pas mes yeux. Thomas avait tellement changé. Il était devenu grand et bel homme… il aurait certainement beaucoup plus à Tokko s’ils avaient fini leur adolescence ensemble et si les circonstances de sa visite n’étaient pas si sinistres. Les yeux rougis, le corps un peu tremblant, il finit par s’asseoir à un bureau. « Pardon je débarque un peu à l’improviste… Est-ce que tu as encore cours ? Ou est-ce que tu aurais cinq minutes pour qu’on parle… ? » Peut-être plus que cinq minutes. Des mots dits d’une voix tremblante et avec un sourire forcé qui se grillait à mille kilomètres, mais il ne pouvait pas donner mieux. Tokko était doué pour jouer la comédie en général mais il savait que la fin approchait, et même si ça lui apportait un certain apaisement, il angoissait un peu sur l’après.

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Je n’en reviens pas qu’il soit là alors qu’on discutait encore par messages il y a trois jours. Et dire qu’on s’est perdu de vue si longtemps. Je peux affirmer sans aucun doute que Tokko m’a manqué. Je le ressens bien dans cette étreinte. On reste longtemps comme ça, à s’enlacer en silence. Je sens qu’il s’accroche à ma chemise et puis j’entends des sanglots. Mon cœur fait un bond dans ma poitrine. Hypersensible comme je suis et déjà dans l’émotion des retrouvailles, je commence à verser quelques larmes de joie. « Tu me fais pleurer aussi maintenant ! », dis-je en riant. Les émotions positives se mélangent en moi, je suis vraiment content de le retrouver, ça fait si longtemps. Je ne l’avais jamais oublié, mais je n’ai jamais eu aucun moyen de le contacter. N’ayant aucun réseaux sociaux et n’ayant pas son numéro ou son adresse, nous n’avons jamais pu nous revoir. Et voilà qu’il me retrouve à l’autre bout du monde, à New York.

Je me détache de l’étreinte du jeune homme et j’essuie mes joues. Je le regarde et je me rends compte qu’il a bien grandi, qu’il est devenu un bel homme. Je m’attarde sur les traits fins de son visage un instant et un sourire m’échappe. Je suis légèrement plus grand que lui, alors qu’avant c’était l’inverse. On a tous les deux pris une poussée hallucinante. Je me tourne pour fermer la porte de la salle. Il n’y a plus aucun élève dans le couloir, mais on ne sait jamais, je suis un prof en larmes et les jeunes lancent des rumeurs facilement alors on va éviter de s’exposer. Et puis, je n’ai pas envie de partager ces retrouvailles avec qui que ce soit d’autres.

Je me tourne ensuite vers Tokko qui s’est assis à un bureau. Il prend la parole et mon sourire s’efface immédiatement, il n’a pas l’air d’aller bien. « Ne t’excuses pas voyons. Non, j’ai fini ma journée, on peut parler autant que tu veux. ». Je lui réponds calmement, mais je vois à son expression que ça ne va pas. Il essaye de le cacher avec un sourire, mais je suis loin d’être stupide et malgré toutes ces années loin l’un de l’autre, je sais encore lire dans ses yeux. Je le rejoins et je m’assois sur la chaise à côté de lui. « Tu n’as pas l’air d’aller bien, dis moi tout Tokko. ». La joie sur mon visage a fait place à l’inquiétude. Ma main se pose sur son épaule presque par automatisme. J’ai toujours été du genre tactile, mais je le suis d’autant plus quand je m’inquiète pour un proche.

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Thomas & Tokko

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« Tu n’as pas l’air d’aller bien, dis moi tout Tokko. » Et voilà. Les années s’étaient écoulées et pour autant, Thomas était toujours parfaitement capable de décoder le visage de Tokko. En même temps il avait de l’entraînement car quand ils s’étaient connus, Tokko ne parlait pas du tout. Après l’accident de ses parents il s’était plongé dans un mutisme intense, dont il n’était jamais sorti au foyer. Ce n’était qu’en retrouvant Thomas à l’école, un peu plus tard, qu’il s’était mis à lui parler juste à lui. Et petit à petit à sa famille d’accueil, aux autres… Mais aujourd’hui encore, dans les situations de gêne, de stress ou inconfortables, il faisait comme la tortue qui rentrait dans sa coquille et ne ressortait plus avant d’être sûre d’être en sécurité. Sauf avec Thomas. Parce qu’avec Thomas il avait toujours eu l’impression d’être en sécurité, alors qu’ils n’avaient été que des gosses. Et aujourd’hui qu’ils se retrouvaient, totalement différents mais en même temps totalement les mêmes, il avait l’impression soudaine de ne l’avoir jamais quitté. Bordel. Si seulement. Si seulement il avait pu faire sa vie avec lui. S’ils avaient su garder contact… Si, dès sa majorité atteinte, Tokko avait tout fait pour le retrouver comme il venait de le faire… Tout serait tellement différent.

Mais est-ce que c’était trop tard ? Il lui semblait que oui. Mais en réalité, il n’était trop tard que lorsque l’acte était réalisé et Tokko finirait par le comprendre prochainement.

Tokko redoubla d’efforts pour sourire à la remarque de Thomas. Ne pas lui dire. Ne pas lui dire. Il ne voulait pas lui laisser ça sur les épaules. Il mit un moment avant de répondre. Comme une absence dans laquelle il se passa tout un tas de trucs dans sa tête. Ce qu’il venait de faire, en venant retrouver Thomas, c’était cruel. Il avait l’air si heureux de le revoir… et il allait le voir disparaître à nouveau, pour de bon cette fois. Il regretta instantanément d’être venu, son coeur se serra. Le plan… le plan… Il ne dirait passer que quelques jours, qu’il devait rentrer vite. Et ensuite ne donnerait plus de nouvelles… Thomas serait un peu déçu mais avec un peu de chance il n’apprendrait jamais ? Sauf que… ah bah non. Il allait forcément savoir. L’héritage. Putain il n’y avait aucune bonne solution et le coeur de Tokko se mit à battre de plus en plus fort. Il avait merdé de A à Z et même s’il prévoyait de ne plus être de ce monde, il s’apprêtait à entraîner Thomas dans sa chute alors qu’il pensait bien faire de base.

Les yeux de Thomas brûlaient d’inquiétude au fur et à mesure que les secondes passaient, sans réponse de la part de Tokko. « Je… j’me sens pas très bien… Désolé… ça doit être le décalage… » Fuir. Fuir tout de suite. Il jeta un regard à Thomas avant de se lever d’un bond pour quitter la salle de classe et s’enfuir à l’autre bout du couloir. Il avait juste besoin d’un endroit où se recroqueviller, où réfléchir à une façon de ne pas détruire la vie de Thomas en plus de la sienne. Quelle idée de merde… Les premières secondes de ces retrouvailles avaient été si belles et apaisantes, mais la suite… Il n’arrivait pas à la gérer. Il n’avait pas assez réfléchi à sa connerie.

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Je ne comprend pas ce changement soudain de situation. Il y a encore quelques minutes, nous étions si heureux de nous retrouver, on pleurait carrément de joie. Sans même que je m’en rende compte, la situation a pris une toute autre tournure. Tokko ne va pas bien, je peux le sentir si fort malgré qu’il essaye de le dissimuler derrière un sourire. Sauf que ça ne prend pas avec moi. Le premier indice, je l’ai vu dans ses yeux. J’ai toujours su lire en lui et je suis surpris que ça fonctionne encore après des années loin de lui. Le deuxième indice, c’est son silence. Lorsque j’ai rencontré Tokko quand nous étions enfants, il ne parlait pas. Il s’est ouvert à moi petit à petit alors que nous étions en train de grandir en même temps. J’ai été là pour lui, comme il a été là pour moi. Sauf qu’avec le temps, j’ai bien vite vu comment il fonctionnait. Si quelque chose ne va pas, il se renferme dans son mutisme et tout passe à travers son regard. Je vois très bien qu’il appel à l’aide rien qu’en me regardant dans les yeux. Ça fait si longtemps que je ne l’ai pas vu, je ne saurais même pas deviner ce qui ne va pas et pouvoir l’aider.

« Le décalage…? », je murmure à moi-même. Je ne sais pas pourquoi, mais je n’y crois pas une seule seconde. Je l’ai vécu le décalage horaire quand je suis arrivé à New York et oui j’étais fatigué, mais pas au point de me sentir aussi mal. Je secoue la tête pour montrer que je ne crois pas à cette excuse, pas en voyant encore cette lueur dans ses yeux lorsqu’il croise mon regard. Il se lève d’un bond, me faisant sursauter légèrement. Je retire ma main de son épaule désormais trop loin. Et il s’enfuit en courant dans le couloir. Ok, j’ai vraiment tous les indices qui m’indiquent que ça ne va pas du tout. Je me lève d’un bond et, sans réfléchir, je me retrouve à courir dans le couloir à sa poursuite. Avec mes grandes jambes, j’arrive à le rattraper très vite avant qu’il ne puisse changer de couloir. J’attrape son poignet pour l’arrêter et je me place devant lui, mon regard planté dans le sien. « Il y a plus que le décalage horaire, qu’est-ce qui se passe ? ». Je crains le pire. Je garde fermement son poignet dans ma main, ne voulant pas briser le contact physique, l’inquiétude et la détermination dans mon regard. « Tu peux tout me dire. Je sais qu’on ne s’est pas vu depuis des années, mais si tu as fait ce voyage depuis la France, je pense que ce n’est pas pour rien. ». Je parle très rapidement, ayant peur qu’il s’enfuit de nouveau. Il peut me parler, avec tout ce que j’ai traversé de mon côté, je pense être assez fort pour tout entendre. Je veux lui faire comprendre qu’il peut se confier sans problème, mais je ne sais pas si j’ai été assez clair. Je presse légèrement son poignet pour appuyer mes dires, attendant une quelconque parole de sa part.

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Thomas & Tokko

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La fuite avait été tellement plus simple. Dans son scénario idéal, Tokko et Thomas auraient passé un super bon moment durant lequel il n’aurait jamais été question d’un adieu. Tokko aurait alors mis fin à cette relation, et à sa vie, sur le moment le plus joyeux de son existence. Mais la réalité était plus compliquée… et les émotions aussi. De voir Thomas ça le chamboulait totalement. Est-ce qu’il devait aller jusqu’au bout ? Est-ce qu’il devait annuler ses plans ? Mais en même temps s’il annulait ses plans, il n’avait rien dans sa vie qui lui donnait envie de rester. Hormis Thomas… Mais qui disait que Thomas voulait d’un dépressif dans sa vie actuelle ? Ca n’était pas certain non plus. Juste paumé dans un flot d’émotions qu’il n’arrivait pas à contrôler, il avait préféré se casser à l’autre bout du couloir en espérant juste ne croiser personne. Heureusement que c’était la fin de la journée et que les élèves étaient du genre à se barrer aussi vite que possible une fois les cours terminés… Thomas le rattrapa assez rapidement. Pas difficile, Tokko n’allait pas vite tellement son coeur lui faisait mal. Le contact l’électrisa presque et regarder Thomas dans les yeux à cet instant fut peut-être la chose la plus difficile qu’il ait eu à faire dans sa vie. Non, ce n’était évidemment pas le décalage horaire. Mais il n’était pas certain de pouvoir tout dire à Thomas… On ne pouvait décemment pas dire ça à quelqu’un. C’était trop violent. Surtout au détour d’un lycée… Et pourtant… Il n’arriva pas à le garder en lui plus longtemps. « Je… je m’en vais Thomas… je voulais… j’voulais te revoir… te remercier… t’as été la seule bonne période de ma vie, putain la seule et je voulais… te voir une dernière fois… » Incapable d’affronter son regard après cet aveu à demi-mots, il se réfugia dans les bras de son ami en pleurs. L’univers autour n’existait plus. Le lycée n’existait plus. Et lui bientôt, il n’existerait plus non plus.

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Je ne lâche pas son poignet alors que j’attend une réponse de sa part. En croisant son regard, ses larmes me serrent le cœur. Sur le coup, je ne comprend vraiment pas ce qu’il se passe. On s’est retrouvé, je pensais qu’on passait un bon moment, puis la situation a pris une tournure vraiment inattendue. J’essaye de savoir ce qu’il se passe, je sais que quelque chose ne va pas. Au début, je ne comprend pas ce qu’il veut dire en me disant qu’il part. Ok, il va voyager ? On peut toujours se retrouver après, comme on est en train de le faire en ce moment. Mais il commence à me remercier et à me dire que j’ai été la seule bonne période de sa vie et qu’il voulait me voir une dernière fois…une dernière fois ? Il se réfugie dans mes bras alors que je réalise doucement la situation. Mes yeux s’ouvrent de plus en plus grand au fur et à mesure que je percute. Instinctivement, mes bras se resserrent autour de lui, une de mes mains qui se glisse dans ses cheveux. Non, ce n’est pas possible, ne me dites pas que… « Non…Tokko reste… je suis là maintenant… », dis-je dans le creux de son oreille. Je ferme les yeux, je ne brise pas le contact entre nous, je ne veux pas qu’il parte. Je ne connais pas les raisons, mais je veux l’aider. J’ai l’impression d’être égoïste à vouloir qu’il reste juste pour moi alors qu’on ne s’est pas vu pendant plusieurs années, mais non, il ne peut pas faire ça. « Je vais t’aider, tu n’es pas seul ! », dis-je avec conviction. Je finis par briser notre étreinte, mais pas le contact physique. Mon regard se plonge à nouveau dans le sien, la tristesse traversant la lueur dans mes yeux. « S’il te plaît, laisse-moi t’aider…». Ma voix se brise à la fin de ma phrase. Je ne le laisserais pas partir, pas aujourd’hui, pas demain, plus jamais. Si il s’enfuit encore en courant, je le rattraperai encore et encore.

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Thomas & Tokko

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C’était évident que Thomas n’allait pas laisser Tokko se foutre en l’air sans essayer de le convaincre de ne pas faire de connerie. A vrai dire, c’est évident qu’il ne laisserait PERSONNE faire une telle chose s’il était dans la confidence. C’est pour ça que Tokko ne voulait pas lui dire à la base… Parce qu’il ne voulait pas lui mettre cette responsabilité sur le dos, parce qu’il ne voulait pas être la cause d’une souffrance, d’un traumatisme lié à une tentative de sauvetage ratée. Mais c’était trop tard, les mots étaient lâchés, mettaient un peu de temps à se faire comprendre… Et puis Thomas comprit. Il comprit ce que s’en aller voulait réellement dire. Leurs yeux se croisèrent après une longue et éprouvante étreinte. Son regard déchira le coeur de Tokko, du moins ce qu’il en restait. Il se mordit fortement la lèvre, presque à sang… sale habitude apparue à l’époque où il essayait d’arrêter de se ronger les ongles. La scène était vraiment trop puissante pour se passer dans les couloirs d’un lycée. C’était gênant et Tokko, la dernière chose qu’il voulait, c’était causer du tort à son ami d’enfance… Si quelqu’un les voyait, il pourrait s’imaginer des choses bizarres ou inappropriées, parler sur le dos de Thomas… Alors il fallait absolument qu’ils se tirent d’ici et se mettent plus au calme. Là ils pourraient… parler. Tokko lui devait bien au moins une discussion après la bombe qu’il venait de lâcher. Pas de promesse, pas d’engagement trop hâtif de ne rien faire… Juste une toute petite chance de le faire changer d’avis. Mais en vrai Tokko ça faisait un moment qu’il se préparait à ça. Qu’il avait même l’impression d’être mort de l’intérieur. S’il continuait sa vie sur terre… Qu’est-ce qu’il pourrait faire ? Il n’avait pas de passion, pas de travail, ne savait rien faire de ses mains. Ca lui semblait plus difficile d’envisager une vie après sa vie qu’une vie après la mort. Dingue, non ? « J’ai vu… y’a un café à côté… On peut peut-être aller boire un truc. Je te dois bien ça… j’crois… » Il lui devait tellement de choses en réalité. Tokko s’était demandé s’il allait se sentir autant attaché à lui qu’à l’époque. Il ne savait pas trop si c’était la situation qui lui faisait ressentir les choses comme ça, ou le fait qu’ils ne s’étaient pas vus depuis des années… Mais ça lui semblait beaucoup plus fort qu’avant. Faut dire que toutes les émotions étaient chamboulées…
Thomas accepta d’aller ailleurs, ils durent juste repasser par sa classe pour qu’il récupère ses affaires. Tokko était tout tremblant et Thomas n’avait pas vraiment l’air dans un meilleur état.

Quelques minutes plus tard, les voilà installés dans un coin bien isolé du café, à se regarder dans le blanc des yeux. Enfin… Si seulement Tokko arrivait à soutenir le regard de son ami, mais impossible, il avait trop honte. Honte de ce qu’il était venu faire ici, honte de ce qu’il allait faire. Alors il baissait juste la tête en jouant avec les manches de son sweat. « J’aurais pas dû v’nir… j’suis désolé… »

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L’aveu que vient de me faire Tokko, je n’étais clairement pas préparé. Je ne pensais même pas le revoir un jour à vrai dire, alors le retrouver aussi brisé, ça me fend réellement le coeur. Beaucoup de gens auraient fui ou ignoré cette confidence, mais moi je ne peux pas. Je sais que ça fait plusieurs années qu’on ne s’est pas vu, mais Tokko a toujours été quelqu’un d’important pour moi lorsque nous étions plus jeune. Aujourd’hui, je le vois à nouveau en détresse totale, alors je ne peux pas l’ignorer. Il est mon ami, peu importe les années passées. La tristesse s’est installée dans mon regard alors que nos regards se croisent. Tokko me propose d’aller dans un café à côté et je hoche simplement la tête. Je regarde autour de moi et je dois bien avouer qu’un couloir de lycée, ce n’est pas idéal pour parler de ce genre de choses. Je n’ai pas honte de lui ou peur d’avoir une mauvaise réputation suite à des rumeurs, je m’en moque complètement. Je dois même dire que les rumeurs et les problèmes, j’ai l’habitude après tout ce que j’ai vécu en France et en Angleterre, mais c’est tout simplement pas l’endroit pour se retrouver et parler de choses importantes.

Je brise le contact physique et je retourne dans ma salle de classe, suivi de près par Tokko. Je rassemble mes papiers et toutes mes affaires, les mains tremblantes, le regard dans le vide. J’essaye de faire vite, mais j’en fais carrément tomber des feuilles sur le sol. Je les ramasse en vitesse et je fourre tout dans mon sac. On sort de la salle, je la ferme à clé et on se rend directement dans le café d’à côté. Et nous voilà assis l’un en face de l’autre. Je ne sais pas quoi lui dire, tout ce que je peux faire c’est le regarder, sauf qu’il fuit mon regard. J’ai l’estomac un peu noué, je n’ai pas très soif en réalité, déjà parce que l’émotion est vraiment prenante, mais aussi parce que je n’ai pas l’argent pour me payer un café ou quoique ce soit ici. Je commence à jouer avec mes doigts nerveusement. Tokko brise enfin le silence, je garde mon regard fixé sur lui, même si il ne me regarde pas en retour. « Ne t’excuses pas. Je préfère que tu sois venu me trouver…», dis-je. Si il ne l’avait pas fait, je ne l’aurais plus jamais revu, même si je l’avais cherché, je ne l’aurais jamais trouvé. Mon cœur se serre rien que d’y penser. « Pourquoi Tokko…? Pourquoi tu veux partir ? »

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