(Jairo) Disrupted lunch break

c’est lui qu’il te faut, l’homme de la situation. ce sale fouille merde à la plume tranchante dont t’avais conservé un article de journal rédigé sur ton père, soigneusement plié en quatre dans un bouquin. un moment de poésie, du grand art. quelques lignes qui avaient causé chez la victime un déluge d’insultes, une mutation de pigmentation du visage, et un coup de téléphone furibard. en même temps qu’elles avaient suscité en toi l’admiration la plus totale, une jouissance proche de l’orgasme et une gratitude infinie malgré une pointe de déception quant aux limites des répercussions concrètes des mots griffonnés. même pas un petit infarctus. elles avaient eu au moins le mérite de l’faire suer, baisser les intentions d’vote les semaines suivantes. le papier n’avait pas suffi à plomber sa campagne qui s’était finalement soldée par un succès mais qu’importe, le coeur y était et t’y avais vu une sorte d’alliance tacite entre vous. un truc totalement inexistant mais qui t’faisait plaisir, et qui avait valu au nom de kayce stark de rester gravé dans tes songes quelques mois après le largage de cette bombe. un crush sur sa tignasse blonde aux yeux d’clébard tristes, faut bien l’avouer. alors c’est lui que tu veux maintenant jairo, pour détruire la réputation de c’connard sans foi ni loi -mais ça à la limite tu t’en foutrait s’il faisait semblant d’avoir un peu d’estime pour toi-. cet enfoiré vers lequel tu t’étais résolu à te tourner, les comptes en banque proches du zéro, pour venir ramper à ses pieds sans aucune fierté. ce trou du cul qui s’était contenté de répondre “tu récoltes c’que t’as semé, j’ai autre chose à foutre que passer ma vie à sauver ton cul” avec une indifférence outrageante. t’avais ravalé ton seum avant de fomenter ce plan diabolique dans ta cervelle d’enflure, de l’faire tomber avec toi. ton père avait tellement de merdes planquées sous le tapis que ça ne devrait pas être trop difficile de salir ce nom qu’il t’a flanqué, et que t’as de toute manière déjà largement entaché de honte. le kleeman souillé par tes performances d’acteur de x, de déchet alimenté à la coke, n’attend plus que le coup de grâce. t’es surtout résolu jairo, à te faire du fric sur son dos, c’que tu trouverais particulièrement cocasse. alors tu fonces dans l’tas, te pointes au pied du building du times aux environs de la pause déjeuner pour coincer ton héros du passé, ton héros du futur. celui sur lequel tu fondes beaucoup (trop ?) d’espoir, avec pour seule source d’inspiration les films dont tu t’es abreuvés. le pif rivé sur l’écran de ton téléphone où t’as zoomé sur une photo dudit kayce, histoire de te remettre en mémoire la gueule qu’il a aujourd’hui. tu n’poireautes pas plus de vingt minutes avant que sa silhouette s’extirpe du bâtiment, envahi d’une putain de fierté démesurée face à tes talents de stalker. c’est que tu deviens vraiment bon jairo, pour mater, suivre, et surprendre les gens. un gros défaut que tu prends pour une qualité incontestable, qui ne traduit en réalité que le degré de désenchantement de ta vie. c’est bien lui au moins ? un peu loin d’toi, a l’air plus vieux que sur la photo. tu t’apprêtes à l’aborder une première fois quand un imbécile te coupe l’herbe sous le pied, rapidement éclipsé. deuxième tentative avortée par un putain de coup de téléphone qui te rend dingue. c’mec va-t-il un jour s’arrêter ? t’as pas le loisir de bien voir sa gueule, mais dans le doute tu lui colles au train jusqu’au café où il met enfin un terme à sa conversation. thank you jesus. tu te faufiles jusque devant lui, imposes ta présence dans un face à face piétinant clairement sa bulle d’intimité. tu lèves ton portable dans les airs à côté d’sa tête, juste pour comparer. “kayce stark c’est vous non ? franchement ça r’essemble.” ton visage un peu penché comme si ça pouvait modifier la perspective.

@Kayce Stark