escape

((OOTB)) sourire. sourire pour la photo, c’est une grimace que t’as placardée sur ta face des centaines, des millers d’fois. une dentition légèrement dévoilée, un visage rayonnant d’une sympathie fabriquée pour les berner. une risette pour t’donner un air amène et jovial, qui suscite l’envie de te connaître dans l’intimité. ça rend envieux un sourire, ça amadoue aussi. au moindre cliquetis de l’appareil, même d’un cliché pris sans autorisation, l’automatisme comme un réflexe pavlovien. le coin des lippes qui creuse la joue, pour soigner le paraître. mais aujourd’hui jairo, aujourd’hui t’as qu’une tempête qui gronde dans tes orbes braquées sur c’connard de paparazzi posté devant le plaza. celui qui secoue sa paluche dans ta direction pour retenir l’attention, qui n’est pas là pour toi mais profites de ta sortie pour enfoncer un couteau d’boucher logé dans la chair. qui t’ordonne de lui sourire comme s’il avait une quelconque forme d’autorité sur toi qui te contraindrait à lui obéir passivement. et tu n’sais pas bien pourquoi ça fait mal si fort si vite, pourquoi l’orage vient assombrir l’humeur à cette simple invective pourtant si banale à laquelle t’as déjà répondu de bon coeur par le passé. c’est seulement maintenant pourtant, que tu réalises la violence de ce commandement barbare qui fait de toi une poupée, un pantin, une machine à sourires. alors que t’as une putain de gueule de bois, l’envie d’gerber et d’aller paisiblement décuver sans que personne n’immortalise ta tronche défaite. surtout, t’as bien conscience qu’un article sur toi maintenant, ne sera pas synonyme d’éloges et d’encouragement. il accompagnera certainement cette photo à la con d’une légende du style “jairo, la descente aux enfers. un échec de la désintox ?” fuck it. t’as plus la patience jairo, plus la volonté de faire semblant. faudrait pourtant, si tu veux un jour ramper jusqu’au sommet. ne serait-ce que te hisser jusque là où t’étais. seulement la réaction est totalement insurmontable, t’envahit avec une force qui te surprend toi-même. dégueule comme si elle appartenait à quelqu’un d’autre, s’impose sans que tu n’puisses en maîtriser la moindre variation. c’est juste là, tu n’fais que t’y livrer sans résistance. quelques pas seulement pour te confronter à ce journaliste de mes deux, agripper tes doigts à son nikon dernier cri. avec ce truc farouche à la limite de la bestialité au fond de la rétine qui fait reculer l’abruti, lâcher l’objet de ta haine. son appareil au creux de la paume, tu tournes les talons en silence, emportant ton trophée. t’as le temps de parcourir une dizaine de mètres avant que ta victime sorte de sa torpeur, passe outre l’état d’choc pour réaliser que tu viens de lui piquer son précieux outil d’travail. d’un coup d’oeil par-dessus l’épaule, tu l’aperçois accélérer le pas pendant qu’il crie ton nom. tu t’mets à courir jairo, approches d’une file de voiture arrêtée à un feu rouge. tu mets la main sur la poignée d’un taxi, tente d’ouvrir la portière en vain. un deuxième. un troisième. c’est que la quatrième tentative qui te permet de jeter ta carcasse sur le siège arrière, échouée à côté d'un passager. c’est pas comme si t’avais eu l’temps de relever le statut libre ou occupé du tacot. de toute manière, ça ne t’aurait pas empêché d’y monter. “j’vais au même endroit.” t’annonces à l’intention du chauffeur avant que n’importe qui puisse émettre la moindre protestation. “ça vous dérange pas, hein ?” pour l’autre. et sans même attendre la réponse, alors que le véhicule redémarre lentement, tu colles ton visage contre la vitre. le paparazzi sprinte, et t’as un sourire immense qui vient se figer sur ta gueule de winner pendant que t’agites son engin, ton autre main venant activer la fermeture des portes juste au cas où il parviendrait jusqu’à toi à temps. un beau sourire, juste pour lui. c'pas ça qu'il voulait ?