chute d'étoiles (lyva)

"Reste avec moi, Nova". Voix rauque qui traverse tes tympans et s’évapore dans l’air comme si les mots n’avaient jamais été prononcés. T’as toujours voulu qu’on te dise ça. De rester. De ne pas partir. Que quelqu’un s’accroche à toi éperdument comme tu pourrais t’y accrocher en retour, aussi. Pourtant, ces mots enfin prononcés ne t’atteignent qu’à peine, et même la chaude main qui effleure ton épiderme ne provoque aucune réaction de ta part. T’as bien compris qu’il essayait de te dire quelque chose, mais tes pupilles dilatées ne suivent plus le mouvement depuis bien longtemps. Une foutue clope. Pour une foutue clope, t’as bien voulu lui adresser la parole parce que t’as pas été capable de penser à prendre ton paquet qui gît tranquillement sur le rebord de la fenêtre de la chambre de Judï, là où tu t’es réfugiée depuis quelques jours. L’inconnu n’a pas hésité une seule seconde avant de te tendre le sien, une tige de nicotine n’attendant que d’être prise au piège entre tes lippes peintes de vermillon . Tu sais plus vraiment à quel moment t’as pu lui balancer ton nom ou même si tu l’as vraiment fait. L’esprit embrumé, le myocarde en vrac, voilà déjà un moment que t’es incapable de tenir la moindre chronologie. Tu sais même pas quelle heure il est, à vrai dire. Et encore moins de quand date ton dernier repas. Énième soirée de déchéance que tu cumules depuis ton retour de Rome, tu ne remarques même pas les 3 appels manqués de ton colocataire à durée déterminée. La tête qui tourne, tu maudis le volume sonore de l’établissement alors que le seul responsable n’est que la ligne parfaitement droite de la poudreuse qui amplifie tous tes sens. T’as pris le soin d’aligner chaque parcelle de la substance en usant de ta carte bancaire, maniant à présent comme une experte les usages et outils nécessaires pour te retrouver dans cet état. Ouais, t’es minable, Nova. T’as vraiment cru que t’y arriverais, sérieusement ? T’es ridicule, Nova. T’as menti aux autres, mais surtout, tu t’es menti à toi-même, persuadée que tu valais quelque chose. Et ça te frappe brutalement, ces pensées intrusives qui étaient déjà là à la fin de l’été dernier, celles même qui t’ont poussé à commettre l’impensable. Est-ce que tu vas recommencer, Nova ? Est-ce que tu vas aller jusqu’au bout cette-fois ? Ou est-ce qu’il va à nouveau te sauver ? Tu fronces les sourcils. T’arrives plus à savoir. Tu vois plus clair. Il t’as sauvé ? Il ? Souviens-toi, putain. Les pilules avalées, le mascara séché le long de tes joues, le regard vide fixant le plafond et ton téléphone qui vibre. Son nom sur l’écran, rappelle-toi.
Lysandre.
Ton cœur manque un battement à l’évocation de son nom, que t'as prononcé à voix haute sans vraiment t’en rendre compte, devant le regard interrogateur de l’inconnu qui ne t’as pas lâché d’une semelle. Est-ce que lui aussi, il pense à toi ? Est-ce que tu lui manques comme il te manque depuis des jours ? Est-ce qu’il t'en veux d’être partie sans rien dire - encore une fois ? Est-ce qu’il t’aime ? Est-ce qu’il te déteste ?
Lysandre.
« Tu t’barres où comme ça, Nova ? » que t’entends dans ton dos alors que tes pas t’éloignent de lui. Visiblement, il lui faut plus de temps pour comprendre que son existence n’a absolument aucune importance à tes yeux. Du moins, jusqu’à ce que tu l’entendes t’insulter d’une prose riche et poétique à laquelle tu réponds en levant ton majeur sans ne jamais te retourner. Tu laisses tes pas te guider sans avoir la moindre idée de l’endroit où tu te rends, n’ayant de toute façon pas la conscience nécessaire pour penser aux éventuels risques. Et puis, t’es persuadée que rien ne peux t’arriver à Manhattan, après tout, tu es la reine des lieux. Tu sais pas vraiment si tu traînes dans les rues de la ville depuis un quart d’heure, trente minute ou deux heures, mais c’est quand tu reconnais les murs imposants face à toi que t’as un semblant de lucidité de quelques secondes. Putain, qu’est-ce que tu fous ici ? Ils ne s’arrêtent pas. Ils ne veulent pas s’arrêter. Tes pas continuent de t’approcher du bâtiment alors que tu leur hurles intérieurement de faire demi-tour. Mais c’est plus fort que toi, plus fort que la raison.
Il te manque. Terriblement.
"Lysandre" que tu prononces alors que tu lui fais face. Tu t’souviens déjà plus, de ce qui l’a poussé à ouvrir la porte. Est-ce que t’as fait du bruit en faisant les 100 pas ? Est-ce que t’as sonné tout simplement ? Est-ce que t’as tambouriné à sa porte comme une sauvage ? Putain, quelle heure il est ? Tu sais pas. Tu sais plus. Mais tu t’en fous, maintenant. Est-ce que c’est vraiment lui ? Est-ce que c’est pas ton esprit défoncé qui te joue des tours, qui te fait croire que cette fois, t’as eu le cran de frapper à sa porte, au lieu de te dégonfler ? T’oses pas bouger, t’oses même pas respirer, de peur que l’illusion ne s’évapore, alors tu te perds en silence dans ses prunelles pour en profiter le plus longtemps possible.