The kids aren't alright - Julian

Enfant du Bronx, il a grandi dans ces immeubles insalubres. Dans un de ces quartiers où tous se connaissent de près ou de loin. Ses parents tenaient une petite épicerie à l’angle de la rue. Après l’école, il leur donnait un coup de main au lieu de faire ses devoirs. A l’école, il dessinait sur les coins de ses cahiers au lieu de recopier les leçons. Ce n’est pas qu’il ne voulait pas suivre, mais il avait du mal à voir le tableau et trop de fierté pour demander à être assis au premier rang. Une paire de lunettes aurait pu remédier à tout ça mais cela coûte une blinde et il voyait bien que ses parents peinaient à survivre les fins de mois.

Heureusement, il pouvait compter sur ses amis pour lui refiler les cours quelques jours avant les évaluations afin qu’il révise et obtienne la moyenne de justesse. La bande, comme ils s’autoproclament, a grandi ensemble. Des gamins qui se déplacent tels une meute de loups. Ils ont l’air menaçant aux yeux des visiteurs et touristes mais les natifs savent que ce sont de bons gosses qui n’ont jamais eu la chance de rêver, déjà terrassés par les injustices et tragédies.

Les habitants du quartier observent avec émoi l’épicerie être réduite en cendre. Le sol se dérobe sous les pieds des Delgado. Sa mère s’effondre, consolée par des voisines. Son père, furieux, s’en prend aux pompiers qu’il juge être arrivés trop tard.
L’argent de l’assurance n’est pas assez pour tout reprendre à zéro. Ses parents se retrouvent au chômage. Ils passent plus de temps à la maison et le couple commence à ne plus se supporter. Les disputes se font de plus en plus fréquentes, de plus en plus effrayantes. Son père passe son temps devant la télévision, sa mère s’abîme les poumons, accoudée à la fenêtre de la cuisine. Lorsque ces deux-là se retrouvent dans la même pièce, l’ambiance est électrique, ce n’est qu’une question de temps avant qu’ils ne commencent à s’entretuer. Dans ces moments-là, Julian s’enferme dans les toilettes et déverse le contenu de son estomac. Il est terrifié à l’idée que cela se termine mal. Il a peur que sa mère y laisse sa vie, qu’elle devienne une statistique.

Le désespoir s’empare de la bande. Tous, pour une raison ou une autre, ont besoin d’argent, et vite. Enchaîner les petits jobs et revendre un peu de came ici et là, ce n’est pas assez. Dans le cas de Julian, il veut retrouver un cadre familiale stable, il souhaite que ses parents se réconcilient mais sans leur épicerie cela semble impossible.

L’idée était simple, en théorie. Infiltrer la maison d’une riche famille pendant qu’ils sont en vacances. S’emparer de tous les biens de valeurs. S’enfuir, incendier la voiture volée qu’ils ont utilisée afin de ne pas laisser d’empreintes. Et enfin, se séparer puis rentrer à la maison par différents moyens de transports en commun afin de brouiller les pistes.

Mais alors que la bande s’apprête à partir avec son butin, ils tombent nez  à nez avec cette jeune femme. Elle n’était pas censée être là, elle devait être partie en vacances avec le reste de la famille. Pris de panique, un des cambrioleurs la tacle et la propulse dans la piscine. Ils en profitent pour déguerpir mais arrivé au niveau du portail, Julian rebrousse chemin, ses amis tentant de l’en dissuader. Il a un très mauvais pressentiment, très vite confirmé par le corps de la jeune femme errant au fond de la piscine. Sans trop y réfléchir, il retire sa cagoule et plonge. Il l’allonge sur la terrasse puis lui prodigue les premiers soins. Bouche-à-bouche et massage cardiaque jusqu’à ce qu’elle reprenne connaissance puis il se tire enfin.

Julian n’est pas surpris lorsque la police vient frapper à sa porte quelques jours plus tard. Il a dû enlever sa cagoule pour prodiguer les premiers soins et les caméras ont enregistré son visage. Les policiers le cuisinent. Ils veulent des noms. Qui étaient ses complices? Mais il y a un code dans la rue. On ne vend pas ses potes, peu importe les circonstances. Ils n’ont pas volé par pure vanité. Certains ont besoin de cet argent plus que lui.  Ils s’étaient jurés à la vie, à la mort.

Les victimes veulent lui accorder la plus haute peine possible pour un cambriolage, aigris qu’il n’ait pas dénoncé ses amis. Son avocat tente de redorer son blason en insistant sur le fait qu’il a sauvé une vie. Une vie qu’il a participé à mettre en danger, conteste l’opposition.

Le verdict tombe. 8 ans de prison ferme.

A sa sortie, bien des choses ont changé. Ses parents sont toujours ensemble mais ils ne s'engueulent plus comme avant. Ses amis ont pu se construire des vies toutes à peu près stables. La famille qu’ils ont dérobée n’est pas moins riche qu’avant le cambriolage.