Toi + moi = l'évidence, et pourtant...

Je m'appelle Louise El Mekki et j'ai trente ans. Franco-marocaine d'origine, j'ai posé mes valises à New York il y a cinq ans, suivant ma meilleure amie Jade, un rayon de soleil dans ma vie sombre et chaotique. Si je suis ici aujourd'hui, c'est parce qu'elle a décidé de réaliser son rêve, ouvrir une boulangerie dans cette ville qui ne dort jamais. Moi, je n'avais aucun rêve à poursuivre, alors je l'ai suivie sans hésitation, laissant derrière moi une vie que je n'ai jamais vraiment aimée.

Enfant, je n'étais pas facile à vivre. Je fumais déjà en cachette à l'âge de douze ans, et mes parents me considéraient comme une rebelle indomptable. L'école, je la séchais souvent, préférant flâner dans les rues ou me réfugier chez Jade. J'ai fait voir trente-six couleurs à mes parents, et ils m'ont chassée de chez nous plus d'une fois. Mais peu m'importait, car Jade était toujours là pour me recueillir, ses bras étant le seul endroit où je me sentais vraiment chez moi. Nos chemins auraient pu se séparer, mais la vie a fait en sorte que nous restions ensemble. Jade, avec ses rêves d'enfant, et moi, avec mon besoin constant de me rebeller contre toute forme d'autorité. J'ai commencé à travailler tôt, dans divers petits boulots, refusant de m'astreindre à une vie ordinaire. Pourtant, même dans mes moments les plus sombres, Jade a toujours été mon phare. Et lorsque Jade m'a confié son désir de devenir mère, j'ai ressenti le besoin pressant de me responsabiliser, de devenir la personne stable qu'elle mérite.

Aujourd'hui, je mène une vie bien remplie, jonglant entre mon poste d'ouvreuse le soir dans un petit cinéma de quartier et celui de serveuse le midi dans un restaurant français. Chaque matin, je me lève avec l'idée de rendre Jade fière de moi. Nous vivons ensemble dans un petit appartement à Manhattan, une vie simple mais pleine de rires et de complicité. Chaque jour, je l'aide à la boulangerie, même si ce n'est que pour porter les sacs de farine ou ranger les fournitures. Ses yeux brillent de passion quand elle parle de ses pâtisseries, et je me surprends à rêver d'un avenir où je serais la raison de cette lueur dans ses yeux.

Un soir, alors que nous étions encore en France, je me souviens de la première fois où je l'ai embrassée. C'était après une soirée arrosée, nous avions ri toute la nuit, et sans vraiment réfléchir, j'ai posé mes lèvres sur les siennes. Elle n'a pas reculé, elle a même répondu à mon baiser. Mais le lendemain matin, tout était revenu à la normale, comme si rien ne s'était passé. Je n'ai jamais eu le courage de lui avouer mes sentiments, préférant la garder comme amie plutôt que de risquer de la perdre. Nos moments passés ensemble à New York sont un trésor que je garde précieusement. Un jour, nous étions dans Central Park, allongées sur l'herbe, le soleil caressant nos visages. Jade s'est tournée vers moi et m'a dit combien elle était heureuse que je sois à ses côtés. Mon cœur battait la chamade, mais je me suis contentée de sourire et de la regarder en silence, de peur que mes mots trahissent mes sentiments. Chaque soir, après nos journées bien remplies, nous nous retrouvons autour d'un thé, partageant nos histoires, nos espoirs, et nos peurs. Il y a des nuits où nous restons éveillées jusqu'à l'aube, parlant de tout et de rien, nos pieds s'effleurant sous la table. C'est dans ces moments-là que je ressens le plus fort l'envie de lui dire que je l'aime, mais les mots restent coincés dans ma gorge.

Depuis que nous sommes à New York, j'ai vu Jade se transformer, devenir plus forte, plus déterminée. Elle est devenue la femme qu'elle a toujours rêvé d'être, et je suis fière d'avoir joué un petit rôle dans cette transformation. Pourtant, chaque succès de Jade me rappelle mes propres échecs, et la peur de ne jamais être à la hauteur de ses attentes me ronge. Un après-midi, alors que nous préparions ensemble des croissants pour une commande importante, Jade m'a demandé ce que je souhaitais faire de ma vie. Je me suis figée, ne sachant quoi répondre. Elle a ri, pensant que je plaisantais, mais la vérité, c'est que je n'avais jamais vraiment réfléchi à cette question. Tout ce que je voulais, c'était être près d'elle.

Avec le temps, j'ai appris à aimer ce travail de serveuse et d'ouvreuse. Cela m'a permis de rencontrer des gens formidables et d'apprendre à gérer ma colère et mes frustrations. Chaque sourire que je reçois en servant un café, chaque "merci" murmuré dans la pénombre du cinéma, est une petite victoire. Mais ces moments de satisfaction ne comblent pas le vide que je ressens sans Jade. Alors que je repense à notre passé, une scène particulière me revient en mémoire. Nous avions seize ans et Jade avait préparé un gâteau pour mon anniversaire. Nous étions assises dans sa chambre, à rire et à partager des souvenirs. Elle m'avait regardée, ses yeux brillants de malice, et m'avait dit : "Louise, un jour, on fera le tour du monde ensemble." À cet instant, j'avais cru que tout était possible. Et même si nous n'avons pas encore réalisé ce rêve, je sais que tant que je suis à ses côtés, je suis là où je dois être.

Aujourd'hui, alors que je m'apprête à commencer une nouvelle journée, je me fais une promesse : trouver le courage de lui dire ce que je ressens. Jade mérite de savoir combien elle compte pour moi, combien je l'aime. Et peut-être, juste peut-être, qu'un jour elle pourra voir en moi plus qu'une amie, plus qu'une compagne de vie, mais quelqu'un avec qui elle peut partager son cœur.

Louise El Mekki, une femme déterminée, une amoureuse cachée, mais surtout, une amie fidèle. Voilà qui je suis. Et chaque jour, je fais un pas de plus vers la personne que je veux devenir, non seulement pour moi, mais pour elle, pour Jade.