(jairo) plus on s'élève et plus dure sera la chute

t'as que de vagues souvenirs de ta petite enfance, comme des flashs d'un soleil permanent, d'un rire, de champs de tournesol à l'infini. cette sensation de paix et de douceur qui t'as fait chialer plus d'une fois dans l'intimité d'une chambre fermée à double tour. - tu t'souviens pas vraiment non plus du départ, du transport vers les états-unis. on t'a parlé d'adoption assez rapidement, à t'rabâcher "la chance que t'as eu" d'être "sauvé". par des gens notoirement connus et surtout, blindés d'pognon. mais la réputation et le nombre de zéro sur le compte en banque ne garantissent pas probité, amour et respect. - il a essayé le père de te formater, s'y est cassé les dents. politicien conservateur à la volonté d'emporter l'adhésion par la surexposition d'une famille idéale. mais les absences à répétition, les valeurs véhiculées par sa putain d'bouche à la télé, n'ont suscité qu'un mélange de révolte et de hargne. alors t'as fait c'que des centaines d'ados déglingués font quotidiennement : des doigts d'honneur en permanence tout en profitant d'son fric. la relation n'a fait que se dégrader d'année en année, ton choix de vocation n'ayant clairement pas fait office d'offrande de paix. - la mère n'est pas c'qu'on peut appeler une référence sur laquelle t'appuyer. t'as toujours pensé que si ces deux cons n'avaient pas pu avoir d'enfants, c'est pour une très bonne raison. pourtant t'as de l'affection pour elle, que t'es pas certain de pouvoir différencier de la pitié. quand elle va bien elle dit qu'elle t'aime et elle t'enlace, et ça suffit à combler tes carences affectives. - y'a quelques mois la bombe t'a éclaté en pleine gueule, a révélé tous tes sales secrets mal planqués sous le tapis. tes quatorze mois en tant qu'acteur de film x dans cette boîte de prod minable inconnue au bataillon, et t'as pas été foutu d'les assumer correctement. pour couronner l'tout, t'as pas trouvé de meilleur moyen que faire une overdose en pleine interview de la dernière chance. jairo, t'es passé de "future coqueluche d'hollywood qu'on a envie d'sauter" à "ancien acteur porno gay refoulé et drogué". en résumé de star à déchet, en un claquement d'doigt. ou plutôt, en dix lignes rédigées dans un torchon. - y'a plus personne qui veut bosser avec toi, paria du showbiz contraint de se recycler. mais dans quoi ? t'aimes le fric, le vrai. brasser des dizaines de milliers de dollars par mois. t'es incapable de t'contenter d'une petite vie bien rangée à occuper un job ingrat pour un salaire minimum. c'est in-en-vi-sa-geable. alors t'accumules les dettes en attendant, fait miroiter une aisance financière totalement inexistante. et si le nom d'papa n'était pas un minimum respecté, tu serais probablement déjà à la rue et en froid avec l'intégralité de ton répertoire. parce que t'as beau lui cracher dessus, il a largement contribué (directement ou indirectement) à t'faire côtoyer des puissants. - quand tu vois c'que t'es devenu en si peu de temps, ça te file la nausée. tu connaissais pourtant le degré de pourriture de c'milieu, mais ça t'étais bien égal tant que t'en étais pas la cible. désormais, t'es animé par une sale envie de cramer des immeubles entiers, avec tout un tas de gens à l'intérieur. t'as d'plus en plus de mal à supporter cette fucking hypocrisie, l'humiliation ayant engendré une certaine forme de libération. tu t'en es pas encore trop rendu compte jairo, mais tu dors beaucoup mieux.

les autres trucs.
tu pratiques la voyance à tes heures perdues, un truc que t'as appris pour séduire celle grâce à qui t'as pu intégrer l'aventure de la télé-réalité. lignes de la main, tirage de cartes, un mélange de connaissances réelles et de total bullshit. - t'as un rythme de vie catastrophique : tu t'couches au milieu d'la nuit, tu t'réveilles pas avant midi, tu bouffes des saloperies à n'importe quelle heure de la journée, t'avales 10 cafés par jour et t'fumes des gros buzz quotidiennement. (mais pas de tabac, c'est dangereux pour la santé.) - tu n'touches plus aux drogues depuis l'incident (sauf à la weed, mais pour toi ça n'compte pas). - t'as passé trois jours dans le coma pendant ton hospitalisation. - tu tiens un journal audio, craché dans un vieux dictaphone à cassettes. elles sont planquées par ordre chronologique dans le coffre fort de ta chambre. - tu sors souvent en bécane à des heures indues, pas toujours en état, pour t'évader loin et t'anesthésier l'esprit à coup d'pointes de vitesse. - t'es l'propriétaire de m'sieur moustache, ton plus fidèle pote qui fait la gueule quand tu l'vires de ton lit pour dormir en meilleure compagnie.   

he's just like that.
casse-couilles, prétentieux, envieux, intrusif, drôle, fucked up, dépendant affectif, bruyant, contradictoire, râleur, opportuniste, calculateur, fêtard, dépensier, flambeur, mémoire quasi infaillible, attentionné, patient, égoïste, vulgaire, loyal, serviable, bordélique.

t'es c'mec qu'on repère assez rapidement, où qu'il soit. parce que t'aimes que l'attention soit portée sur toi, marquer les esprits peu importe la manière. t'es plutôt ouvert au premier abord, tu mets à l'aise, l'genre de gars vers qui on va naturellement. tu dégages ce truc un peu magnétique qui fait illusion, jusqu'à ce qu'on gratte un peu la couche et qu'on découvre là-dessous le p'tit enfoiré qui attend au coin d'la rue. même si on t'a souvent reproché d'pas avoir suffisamment de filtre, t'es généralement l'enfant terrible qui suscite la sympathie. tu te fraies un chemin insidieux jusqu'à ton objectif, en usant de tous les moyens mis à ta disposition. en vérité, t'adaptes ton comportement à ton interlocuteur, et mieux vaut avoir un intérêt à tes yeux. dans le cas contraire, c'est jairo au naturel qui s'pointe. ce type un peu odieux qui fait trop d'bruit, balance des réflexions désagréables à tour de bras, un emmerdeur catégorie poids lourd. capricieux, vantard, vulgaire et sans aucune considération. le problème c'est que depuis les scandales qui se sont abattus sur toi, ta belle façade en a pris un sacré coup. et y'a plus que très peu d'gens desquels t'attend encore quelque chose, à renfort de mythos, d'apitoiement et d'espoir démesuré.