I wish I was special || amelia

I. La belle vie. La si belle vie. Fille unique par la force des choses, Amelia a été aimée, choyée, protégée. C'était le petit trésor de ses parents et elle n'a jamais manqué de rien et certainement pas d'amour. Petite fille heureuse et épanouie.

II. La danse est venue naturellement à Amélia alors qu'elle était encore toute jeune. Elle avait la musique dans la peau et son corps savait bouger au rythme des mélodies. Pourquoi la danse classique ? Parce qu'elle a aperçu des ballets à la télévision, qu'elle a trouvé que les danseuses flottaient sur la scène, que c'était si joli, si poétique, si plein d'enchantement. Alors elle a voulu faire pareil. Elle n'imaginait pas, enfant, vouloir en faire son métier et pourtant...

III. Et pourtant, lorsqu'elle a atteint la puberté, la danse a pris de plus en plus d'importance dans sa vie. Elle respirait la danse. Ne vivait que pour la danse. C'était dans son ADN, c'était comme ça, et elle voulait un jour devenir danseuse professionnelle même si elle avait conscience qu'elle allait devoir en suer pour cela. Milieu difficile. Très difficile. Mais elle avait la rigueur, la passion, le talent. Bientôt, ses parents lui ont payé une école de danse plus prodigieuse que celle dans laquelle elle était afin qu'elle fasse un maximum de progrès. Les études passèrent au second plan mais elle fit ce qu'il fallait pour garder des notes correctes.

IV. A l'adolescence, elle n'a pas vraiment réussi à mettre de mots sur son asexualité. Elle sentait qu'elle était différente. Embrasser un garçon ne lui faisait rien. Embrasser une fille... Bon, okay, embrasser une fille était agréable mais elle n'avait pas envie de plus. Elle a fait plus, pour voir, mais ça ne l'a pas emballée. Pas du tout. Elle a fini par se dire que ce n'était pas fait pour elle. Pourtant elle a eu des coups de coeur Amelia mais ça n'a jamais été facile au niveau relationnel pour elle, le sexe passant clairement au second plan. En tout cas une chose était certaine pour elle : elle n'avait pas envie de se lier de ce genre de façon avec des garçons. Ce n'est que plus tard que le mot "asexuel" est apparu dans sa vie et qu'elle a mieux compris qui elle était. Et ce n'est pas toujours facile parce que l'expliquer, le justifier, que l'autre accepte... Non, pas toujours facile.

V. Juilliard. Le but ultime pour Amelia. Elle a, très tôt, commencé à regarder leurs programmes, ce qu'on pouvait attendre d'elle aux auditions et elle a redoublé de travail pour pouvoir intégrer la prestigieuse école. C'était la Juilliard School ou rien d'autre. Ses parents étaient un peu inquiets qu'elle soit autant radicale dans son choix mais Amelia avait ce caractère fort, cette obstination. Et quand elle a réussi ses auditions, qu'elle a reçu le fameux courrier lui indiquant qu'elle était prise, ça a été le plus beau jour de sa vie à Amelia. Ils ont célébré cela comme il se devait avec ses parents. Ses parents qui ne l'avaient jamais abandonnée, qui l'avaient toujours soutenue dans ses choix. Elle s'estimait si chanceuse Amelia de pouvoir poursuivre son rêve.

VI. Quand elle s'est réveillée dans la chambre d'hôpital, elle n'a d'abord pas compris, ses souvenirs étant très flous. Elle a vu sa jambe, les tiges de fer enfoncées dans sa peau, les perfusions puis elle a vu son père endormi sur une chaise près d'elle. Et puis c'est revenu : l'accident. Tout est allé très vite, trop vite, elle a vu des phares l'éblouir, sa mère donner un coup de volant et après... Après plus rien. Alors elle a réveillé son père, la panique commençant à s'emparer d'elle. Et le couperet est tombé : sa mère était morte. Et elle, Amelia, avait souffert de nombreuses blessures, entre autres d'une commotion cérébrale mais surtout d'une très grave fracture à la jambe droite : os brisés, tendons et muscles déchirés... La rééducation allait être très longue mais... Mais elle n'allait pas être suffisante pour qu'Amelia puisse reprendre le chemin des planches. La danse ? De façon récréative oui. De façon professionnelle non. Ce jour-là, elle a perdu sa mère et son rêve.

VII. Les opiacés. On lui en a donnés beaucoup pour soulager sa douleur qui était vraiment terrible. Elle a subi de nombreuses opérations sur sa jambe et à chaque fois c'était de pire en pire même si c'était pour qu'elle guérisse. Alors oui, on lui a donné des opiacés pour calmer la douleur, pour l'aider à tenir le coup. Elle a eu une prescription après son retour à la maison pour l'aider pendant la rééducation et au moment où il a fallu arrêter... Elle n'a tout simplement pas pu. Elle a vite senti des symptômes de manque. Douleur, tremblements et surtout l'impression que la Terre s'écroulait autour d'elle. Amelia ne s'était pas vraiment rendue compte mais les médicaments lui faisaient aussi du bien mentalement, elle tenait le coup, s'évadait. Alors elle a fait ce qu'elle n'aurait pas dû faire : elle a cherché à s'en procurer par elle-même, a réussi et... Et elle n'a jamais arrêté. Des années qu'elle consomme aujourd'hui.

VIII. Elle aurait pu se contenter des opiacés mais elle a eu l'occasion de toucher à la cocaïne et ça a été tellement bon qu'elle n'a pas su résister et a fini par s'en procurer. Véritable addict, et elle en a parfaitement conscience. Elle sait les risques. Bien sûr qu'elle les connaît mais elle continue, parce que y'a que ça qui lui permet de supporter sa vie telle qu'elle est aujourd'hui. Elle qui est vendeuse en prêt à porter, elle qui a dû abandonner son plus grand rêve, elle qui, dans le fond, n'a plus d'avenir. Elle qui doit aussi tenir le coup depuis que son père s'est remis en couple. Pas qu'elle n'aime pas sa belle-mère mais... En fait, elle ne l'aime pas. Elle a l'impression que cette femme essaye de prendre la place de sa mère et ça, Amelia ne l'accepte pas. Elle ne l'acceptera sans doute jamais.

IX. En quelques mots : obstinée, téméraire, généreuse, tendre, entière, instable, dépressive, impulsive, peut se montrer violente en cas de manque